I. les morceaux épars la douleur lancinante s'emparre de son corps. l'image des feuilles d'un vert éblouissant disparait derrière ses paupières closes. personne ne viendra, elle le sait très bien. son père est mort. du moins c'est ce qu'on dit mais, malgré son jeune âge, elle sait que ce n'est qu'un mensonge parmi tant d'autres. sa mère est beaucoup trop occupée pour s'inquiéter de son absence, tout comme ses frères et soeurs qui ont leurs propres vies et n'en ont que faire de la plus jeune. la dernière, l'erreur, la non-désirée, le fardeau. elle croyait pouvoir attirer l'attention en atteignant la cime de l'arbre. idée saugrenue et pourtant loin d'être surprenante venant d'une jeune fille de huit ans aussi extravagante. la chute était éminente. un autre but impossible à atteindre. c'est le bras en morceaux qu'elle retourne à la maison. soupirs, et regards désobligeants l'accueillent. c'est à cet instant qu'elle comprend que, si sa famille représente le centre de son univers, elle n'est qu'un bagage supplémentaire que l'on espère oublier à un coin de rue parce que son contenu ne possède, au final, aucune valeur.
II. les ailes se coupent ce besoin d'attention insatiable dérange. tout a commencé avec un bras cassé. puis les crises. les provocations. tout le monde savait que quelque chose n'allait pas avec la jeune fille. elle pouvait se réveiller, des étincelles dans les yeux, prête à offrir le monde à ses proches. sa guitare greffée à ses mains, sa passion  irrationnelle de devenir une artiste reconnue. suivaient de longues périodes de noirceur durant lesquels elle ne quittait son lit que pour les besoins essentiels. on préfère la laisser aux bons soins d'un thérapeute qui prend rapidement l'adolescente délaissée en pitié. elle avale n'importe quoi mais refuse d'ingérer ces médicaments qui lui sont pourtant nécessaires pour réguler son humeur. son manque de coopération fait en sorte qu'il est impossible de déterminer exactement la cause de ses souffrances, de ses nombreuses manies si néfastes pour son corps et son esprit.  
III. passion souffrance plus il la rejette, plus elle l'aime. c'est un appel à la douleur. sourire mesquin sur son visage alors qu'il lui claque la porte au nez. ses vêtements reposent à ses pieds sur le pas de cette porte fermée. le froid hivernal traverse son corps alors qu'elle vient tout juste de souffler ses dix-huit bougies. son plus beau cadeau a été de l'avoir utilisé pour la jeter comme une vieille serviette dont on ne veut plus. malgré les larmes qui s'échappent de ses yeux, son coeur se gonffle. sensation amère et douce parce qui familière. il y a un nom pour les gens comme elle qui recherche les relations qui déchirent les entrailles. elle prend ses vêtements et les enfile. c'est ce soir-là qu'elle prend la décision de partir pour seoul.
IV. laisse la partir ses bottes collent au plancher miteux de la scène recouverte de bière. son regard se fixe sur cette silhouette et ne la quitte qu'à la toute fin de sa performance. sa guitare sur le dos, elle le retrouve aussitôt. première nuit d'une série passionnelle. ses bras sécurisants qu'elle refuse de quitter. lorsqu'il lui demande si elle désire vivre le reste de sa vie en sa compagnie, c'est un oui d'une intensité inégalable qui s'échappe de ses lèvres. elle veut le posséder tout entier.  et pourtant, c'est elle qui met fin à cette idylle. elle éteint ces étincelles dans les yeux sombres du jeune homme qui lui a tant apporté.  ses mains qui se posent sur elle,  font frémir son corps jusqu'au bout des orteils. elle les repousse brusquement. regard glacial. il est trop bon. elle ne le mérite pas. ses ongles s'enfoncent dans sa peau dont elle a toujours soif et elle lui demande de partir, de dégager de sa vue. de ne plus la contacter.
V. nors-sud-est-ouest être bipolaire c'est ne plus être soi c'est être deux parfois, celle qui agit sans se contrôler, celle qui regarde et qui ne comprend pas. c'est aussi partir très loin dans sa tête, inventer son histoire, sortir de la réalité. être sûre que c'est l'autre qui ne vous comprend pas. alors crier plus fort, devenir agressive et parfois, violente, et puis le lendemain ne se souvenir de rien. c'est aussi s'envoler, ne plus avoir de doute, ne plus avoir de peur. être alors convaincue qu'on peut tout réussir jusqu'au plus grand projet jusqu'à sa déchéance. c'est bouilir d'énergie ne plus la contrôler; ne plus avoir besoin de dormir la nuit. c'est parler bien plus vite c'est ne plus se comprendre; ressentir l'énergie habiter votre corps vous sentir bien plus fort. c'est ne pas supporter que les autres ne suivent pas, qu'ils se fatiguent de vous et parfois, baissent les bras. c'est un jour pour rien tomber dans le néant et se mettre à pleurer ne plus aimer la vie; c'est se réfugier bien au chaud, dans son lit. c'est rêver que le jour, demain ne se lève pas. c'est repousser les gens même ses meilleurs amis. ne plus pouvoir sortir de son nid, de chez soi et être persuadé que le danger est là. c'est avoir honte aussi de ne plus pouvoir rien faire, qu'on vous dise , tout le temps de faire un petit effort. mais ce qu'ils ne savent pas c'est qu'à ces moments-là pour nous, à l'intérieur il n'y a plus rien à faire. c'est voir la vie qui passe et vous, qui, à côté, n'en faites plus partie. c'est l'envie d'en finir. c'est ne plus supporter d'avoir mal, de souffrir, de ne plus se reconnaître. d'avoir une impression de double identité; et parfois même pire d'être vraiment habité. de ne plus rien maîtriser de se faire mal, jusqu'où? ou de faire mal aux autres... c'est lâcher notre monde et partir dans un autre que l'on ne connait pas; y voir même des êtres, des choses, qui n'existent pas à vos yeux ni aux nôtres d'ailleurs. c'est avoir peur de ça. c'est être en psychiatrie pour rester protégée. c'est reposer les autres ceux qui vivent avec nous. c'est que l'on ne nous voit pas, parce qu'on a honte de soi; c'est la peur de sortir et d'afronter le monde. nous demander sans cesse: sommes nous capables ou pas? c'est la médication c'est essayer, sans relâche tant que ça ne marche pas. tant que l'on ne peut pas reprendre une vie sereine. et c'est subir aussi, les effets secondaires, les tremblements, le flou; ces moments, où pour nous aider, on est vraiment drogué! les moments de colère, de déni de dégoût, de fatigue, de doutes, et puis de désespoir. c'est quand on y croit plus et qu'on appelle la mort. pour supporter la vie; qu'on se voit déjà mort tellement et tellement, qu'on a envie plus fort.