[ story ] once upon a time, the borring story of a borring man who wanted to live his borring life...

[ Part. I ] Brotherhood

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I. ( b i r t h ) —  Wu Yu Dan voit le jour au printemps 1995, en Chine, dans la ville d’Hangzhou. Père dans la politique, mère dans la chirurgie esthétique, le foyer ne manque de rien, si ce n’est peut-être, un peu de chaleur. Les parents Wu aiment leur enfant et lui projettent un bel avenir, mais les parents Wu sont absents. Une gouvernante est rapidement employée pour combler le vide parental et donner au bambin l’attention et le soin qu’il mérite.  

II. ( s i n ) — Wu Zi Qian n’est qu’un homme. Un homme parfait, ça n’existe pas. Son image, sa rigueur n’empêchent pas les intimes faux-pas. Il faut dire qu’elle est belle, la gouvernante. Et qu’elle n’était pas si contre. Mais quand le ventre s’arrondit peu après la faute, le patriarche comprend que le karma existe. Neuf mois plus tard, le fruit du péché vient au monde et l’histoire aurait pu s’arrêter là. Renvoyer la gouvernante et son bébé. Donner quelques billets et faire comme si de rien n’était. Mais l’enfant est frêle, fragile… et sans la protection de son père fautif, il est voué à disparaître. Alors un marché est conclu. Pas de chantage, ni de scandale. Ce soir-là, des cris de fureur retentissent dans la demeure. Bien sûr, l’épouse Wu Jia Xi est furieuse, trahie, humiliée… Mais contre tout son coeur, elle finit par accepter. Et Yu Dan, alors âgé de 4 ans, hérite d’un petit frère. Wu Jin.

III. ( s o r r o w ) — Ce léger imprévu n’entache ainsi pas la carrière ascendante de Wu Zi Qian qui gagne bientôt son poste au Ministères des affaires étrangères. Pendant ce temps, les deux frères grandissent, s’apprivoisent. Yu Dan n’est pas mécontent de partager sa vie avec ce petit être. Du haut de ses petites jambes, il ne voit pas encore l’injustice qui se profile autour de son cadet. Ça n'a pas d’importance pour lui, il est le grand frère, l’aîné, celui qui doit prendre soin du petit frère qui montre parfois quelques affolantes faiblesses. Le protéger, veiller sur lui… Yu Dan en fait sa mission, son serment. Il se souvient l’avoir promis à leur nanny… Ou peut-être était-ce elle qui lui souffla ces mots ? Elle lui fera même jurer, peu avant leurs adieux. Car ils s’en vont pour Séoul, Wu Zi Qian devenant le nouvel ambassadeur de la Chine. Et pour une raison qui échappe alors au Yu Dan entamant sa quatorzième année, celle qui s’est occupée d’eux depuis leur tendre enfance n’est pas du voyage. Tandis qu’il embarque dans l’avion qui l’emmènera vers sa nouvelle vie, Yu Dan connaît sa première déchirure dans le cœur.

IV. ( f a l l ) — Yu Dan grandit, prend en maturité, mais le chemin n’est pas tout lisse. Il a 17 ans quand un soir, il surprend les murmures provenant du bureau de son père. Des grognements aigu lui apprennent que sa mère est là aussi. Il n’est pas du genre curieux, à écouter au porte… mais le nom de son frère est prononcé. Jin. Alors il marque une pause et entend d’autres bribes. Des mots qui ne font pas de sens, des suppositions absurdes et pourtant… Yu Dan y repense. Trop. Sans qu’il puisse s’en empêcher, son esprit cherche à recoller les morceaux et petit à petit, il comprend. Quand il fouille ses plus lointains souvenirs, il ne revoit pas sa mère enceinte. Jamais. Mais sa nounou, cette femme douce et chaleureuse qui s’est longuement occupé d’eux… Se pourrait-il….? A ses conclusions, Yu Dan ne veut mettre aucune certitude. Et surtout, il n’en partage aucune à Jin. Il se tait, confus. Mais son mutisme n’empêche pas le drame d’arriver.
Il ne sait plus très bien comment, mais Jin l’apprend. Et tout s’écroule.

V. ( a n g e r ) — Incompréhension. Colère. Mais surtout ce sentiment d’injustice qui ronge son coeur. Yu Dan s’en veut. Toutes ces années où son cadet s’est vu mis de côté quand son aîné ramassait toute la fierté. Toutes ces années où lui s’est persuadé que ce n’était pas anormal. Que peut-être c’était parce qu’il était le premier et que son petit frère était un peu plus difficile. Que peut-être parfois, quand l’aîné ne voyait pas, il avait droit aussi à l’attention et l’affection parentales. Mais non. Jin est le fils de la bonne. Le fils bâtard. L’indésiré. Celui qui faisait tous les efforts pour être aussi aimé. Qui en faisait même plus que tous les autres.
Yu Dan leur en veut aussi. Aux adultes. A son père et à sa mère. Mais rien n’a d’égale la colère de Jin. Comme une fatalité, le chaos s’installe et rase tout sur son passage. La demeure des Wu oscille entre cris et larmes. Plus d’une fois, Yu Dan doit retrouver son frère dans les rues de Séoul. Plus d’une fois, il ramasse les débris laissés derrière lui. Plus d’une fois, le ton monte entre eux. Mais jamais Yu Dan ne baisse les bras. Si son frère recule pour mieux s’éloigner, lui fait autant de pas pour s’en rapprocher. L'aîné essuie les rejets. Parfois des jours entiers sans échanger le moindre mot… mais toujours, finalement, cette porte contre laquelle il vient toquer.
Un an passe. L’ouragan n’a pas disparu mais lentement, s'atténue. Lentement, le dialogue revient entre les deux frères. Yu Dan sait qu’il ne peut espérer calmer toute la colère qui brûle dans son coeur. Mais Jin reste son frère… et cela, ce dernier finit par l’entendre. Pour sceller cette fraternité inébranlée, il leur reste une chose à faire. Yu Dan fouille les dossiers qu’il ne devrait pas regarder. Mauvaise influence de son cadet ? Nécessaire. Quelques semaines plus tard, il achète un billet et embarque Jin pour la Chine. Ils ont une nanny à retrouver. Non. Une maman…

VI. ( l o v e ) —  ❝ T’es sûr…? ❞ C’est haut. Bien plus haut qu’il n’était jamais allé. Sous eux, l’eau reflète les éclats d’un soleil bien veillant. Les entrailles tordues, l’adrénaline s'immisçant dans les veines. Quoiqu’on puisse lui rétorquer, il ne reculera pas.
Entre ses bras, il tient le corps mince de son frère. A leurs chevilles, un homme resserre une dernière fois le harnais. Ses lunettes, habituellement logées sur son nez, ont été confiées à celle qu’ils ont retrouvée quelques jours plus tôt. Mais à cet instant, ce saut dans le vide ne regarde qu’eux. Ensemble. On saute ensemble. Et la seconde suivante, après un dernier regard échangé, ils basculent dans le vide. La gravité les aspire, le souffle lui manque mais il s’entend pourtant crier. Pas de peur. C’est un cri de libération, de soulagement, d’amour. Est-ce une esquisse de sourire qu’il a aperçu plutôt sur la figure de Jin ?
Jamais il ne la sentit le tenir aussi fort.
Jamais il ne s’est senti aussi proche de son petit frère.
C’est une promesse qu’il lui fait en sautant avec lui. Il sera là pour chacun de ses pas, chacune de ses chutes.
Durant les quelques secondes que durent le rebond, Yu Dan rit comme il n’a jamais ri avant. Ou peut-être, si… il se rappelle alors de ce gosse, au milieu du jardin, les yeux écarquillés face à cette pièce qui venait de réapparaître derrière son oreille. Le Yu Dan de dix ans rit aux éclats et sous les réclamations de son cadet, recommence le tour en lui promettant de lui apprendre. Deux magiciens sur les routes… Un souvenir de rêve idiot qui mouille ses yeux tandis qu’ils se balancent tous les deux, tête en bas, en se serrant plus fort encore…
Je t’aime Jin. Je t’aimerais toujours, mon petit frère.

[ Part. II ] Break your golden cage

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VII. ( w o r k ) —Si Yu Dan aime à se définir comme un grand-frère, ses parents préfèrent largement le faire, eux, par ses études. Une scolarité toujours impeccable. Studieux, appliqué, Yu Dan est l’élève modèle qui rapporte les résultats escomptés. Il n’est ni surdoué, ni plus intelligent que la moyenne, contrairement à ce que sa mère aime à laisser entendre. Son secret, c’est seulement le travail. Beaucoup de travail. Trop de travail ?
Il faut dire que dès sa plus tendre enfance, c’est beaucoup d’espoir et d’ambition qu’ils ont placé sur ses frêles épaules. Oh, il a eu le choix, Yu Dan. Trois, précisément. ❝ Mon cher Yu Dan deviendra un grand médecin ou un grand avocat. Ou alors, au gouvernement comme son papa.  ❞ C’est ce qu’elle aime à répéter, sa mère, quand elle est à la maison. Elle est fière, maman, quand son fils chéri prend le chemin du droit. A des années lumières des aspirations magiques qu’il a pu avoir un jour avec son cadet…
L’échec lui est encore bien moins permis depuis que Jin a décidé d’emprunter un autre chemin moins droit. Nemesis des ambitions Wu. L’aîné devient définitivement l’unique cible des grandes attentes parentales. Si tant est que ça ne fut pas toujours le cas.
Bonne éducation, loyauté, reconnaissance ou docilité… toujours est-il que Yu Dan n’a jamais montré d’opposition à ses ambitions qui n’ont pourtant jamais été clairement les siennes. Mais il travaille et travaille encore. Au collège, au lycée, aux cours du soir et encore plus tard. Il travaille et oublie de vivre. Des amis… il en a quelques-uns. Peut-être. Il n'en est pas certain. De petites amies ? Oh, ça. Le nez plongé dans les bouquins, il n’en regarde presque aucune. De toute façon, il est trop réservé… et il a d’autres priorités.
Son diplôme et son admission dans une S.K.Y.
Chez les Wu, personne ne doute. Cette confiance étrangle l’aîné mais jamais ne se rebelle.
Et puis, il la décroche. Cette place tant convoitée, son billet vers la liberté… à moins que… Non. Le chemin est encore long. Mais il franchit les portes de la Seoul National University à l’aube de sa dix-huitième année.

VIII. ( l i g h t ) — S’il ne lésine pas sur le travail, la première année de droit demande tout de même bien moins de temps et d’effort que toute sa précédente scolarité. Et même en faisant du zèle, le nouvel étudiant se retrouve avec du temps libre. ❝ J’aimerais travailler.  ❞ annonce-t-il un soir, à table. Un job d’étudiant dont il n’a absolument pas la nécessité, mais l’envie. Goûter à autre chose que ses cours, rencontrer de nouveaux visages qui ne seront pas entravés par le bouquin sur lequel il est penché. Si le couple Wu hésite, ils en concluent que tant que les résultats de leur fils n’en sont pas impactés, alors qu’il fasse comme il l’entend. Il serait tout de même mentir de dire qu’ils n’ont pas affiché un certain rictus déplaisant quand leur aîné leur a annoncé, plutôt content, qu’il avait trouvé un poste de nuit dans une alimentation. Un premier post à première vue peu épanouissant mais qui ravit en secret l’étudiant. Chaque jour de nouvelles têtes, devenant au fil du temps plus familières et avec qui il lui arrive d’échanger quelques mots parfois plus amicaux. Un contact timide, bien maigre comparé à la norme sociale, mais déjà tellement plus que ce que Yu Dan ne s’est jamais permis. Et puis, quand la contrainte du sommeil s’ajoute, alors il abandonne ce poste et décide d’offrir son aide à ceux qui souhaitent apprendre sa langue natale. Une idée soufflée un soir par une cliente habituée et qui travaille l’esprit du chinois. Au moins, dispenser des cours particuliers tire un peu moins la grimace à ses parents. Toujours inutile, cependant, à leurs yeux. Mais pour lui, c’est un pas de plus vers cette lueur dehors…  

IX. ( f r e e ) — L’indépendance. Un nouveau goût dans la bouche depuis l’université, quand il travaille autrement que pour les cours… Lui qui n’est jamais trop sorti du palais familial… Il n’a plus que ce pas là à faire. Un pas qui lui coûte plus que les autres. S’il sait pertinemment que sa nouvelle lubie ne sera pas des mieux accueillie par ses parents, ce n’est pas leur réaction qu’il redoute le plus. ❝ Jin…? J’peux te parler deux minutes ?  ❞ Son petit frère. Celui qu’il redoute le plus de laisser seul dans cette maison. Mais inévitable s’il veut lui-même en partir. Trouver un appart, c’est ce qu’il aimerait faire. Une envie à laquelle son cadet ne réagit que d’un seul mot. Ok. Comme s’il venait juste de lui annoncer le menu du dîner. Rien de plus. Jin est sorti, Dan a regagné sa chambre à la recherche de cet appartement qu’il veut pour lui seul. Seul ? C’est vrai qu’avec un peu d’argument, papa et maman pourrait lui assurer un loyer plus que décent. Un bel appartement dans lequel étudier au calme. Et seul.
Alors pourquoi répondre à cette annonce de coloc’ ? Pourquoi prendre le risque d’être perturbé par la vie autour de lui ? De l’animation, n’en a-t-il pas déjà assez à la maison quand ses parents hurlent le prénom de son cadet ?
…
Il clique. Appelle le numéro. Demain, il ira visiter la colocation.

X. ( f r i e n d s ) — Soupire. Un énième. Celui de trop. Il pose son stylo et se lève, ouvre la porte de sa chambre et ❝ Vous pouvez faire un peu moins de bruit ? J’arrive à rien là... ❞ Un grognement. Habituel pour ces colocataires. Comme la vague d’exaspération qui flotte un instant dans l’air avant qu’il ne retourne se terrer à son bureau. Yu Dan entame sa sixième année de droit. Le travail est redevenu sa seule priorité… et le calme, une denrée rare. Deux ans aujourd’hui qu’il partage son loyer avec quatre autres étudiants de la S.N.U. Tous différents, tous hauts en couleurs… et qui ne partagent pas autant l’amour du travail comme Yu Dan. Conflit inévitable et pourtant, celui qu’on surnomme le vieux monsieur d’à côté n’a jamais fait ses valises pour fuir le trop plein d’animation qui règne ici. Pourtant, des têtes ont changé. Tout n’a pas toujours été aussi bruyant. Depuis son premier jour ici, seul lui et l’autre garçon de l’appartement, Cha Do Hyun, sont encore là. Les autres, diplômés, ayant trouvé une autre opportunités et autres raisons valables pour déménager, ont laissé leur place aujourd’hui à trois nouvelles têtes féminines. Shin Hae Won. Nam Woo Ri. Yoon Seol Ah. Des personnalités qui ne vont pas toujours avec ses aspirations d’étudiant modèles. Surtout quand on ajoute son frère à l’équation, invité imprévisible qui aime à squatter sa chambre pour toutes sortes de raisons fausses que Jin aime à lui énumérer. Il sait qu’il n’a pas tant bien pris son départ. Qu’il a pris le soin d’esquiver son aîné jusqu’à son départ. Essaie-t-il de se rattraper en venant le voir ? Ou bien cherche-t-il un réconfort, un soutien, qu’il ne lui demandera jamais ? Yu Dan pourrait rentrer. Il sait ô combien ses parents en seraient comblés. Quant à son frère… il lui manque malgré tout. Il n’est jamais parti parce qu’il voulait s’éloigner de lui. Et pourtant… cette chambre, il n’a pas tant envie de la quitter. Même pour la énième fois, un soupire s’échappe de sa bouche et qu’il pose son stylo.