⊱ histoire

Tyler Kai Anderson, c'est mon prénom. Pas juste mes deuxièmes prénoms hein, non non, c'est mon vrai prénom. Je me suis d'ailleurs toujours demandé pourquoi mes parents m'avaient prénommés ainsi alors qu'ils m'ont toujours appelés "Ty". Du coup, autant le dire, quasiment personne ne sait comment je me prénomme pour de vrai...surtout que bon, niveau présentation ça fait un peu long à balancer.
Je suis l'ainé à quelques minutes près de ma petite soeur jumelle, Malia. Nous deux nous avons toujours été une paire forte et un duo inséparable. Elle est mon ying, je suis son yang. Malheureusement, elle est née avec une santé fragile étant atteinte de mucoviscidose. Du coup, elle n'a clairement jamais eu une vie facile et elle a passé plus de temps dans les hôpitaux que sur les bancs d'école. Malgré ça, nos parents nous ont toujours traité de la même façon, avec un amour à égale force.
Mes parents eux, étaient aussi métissés que peut l'être mon prénom, une rencontre singulière entre une élégante Japono-coréenne et un farfelu Américano-amérindien. Je me suis toujours demandé comment mon père avait pu séduire une femme comme ma mère...ils étaient tellement différents en tout ! Ceci étant dis ils étaient parfait l'un pour l'autre. Dans la parenté je dirai qu'ils étaient tout simplement les meilleurs parents au monde...enfin, me direz vous, mon point de vu n'est pas très objectif sur la question.
Nous avons donc passé notre enfance à voguer entre les USA et le Japon avant de nous installer définitivement en Corée l'année de mes 10 ans. L'acclimatation fut particulière une fois encore : aux USA j'étais trop bridé pour être l'un des leurs et en Asie j'étais définitivement trop blanc, ou trop "gaijin". Cette fois ci n'échappa pas à la règle mais le fait de parler déjà couramment la langue était un gros plus pour l'intégration.
La vie bascula sous un tout autre tournant l'année de mes 12 ans. Nous nous baladions tranquillement en famille après un repas au restaurant. La nuit était tombée, la neige commençait à coller au sol. La rue était calme, tranquille, animée doucement par les décorations estivales. Et puis soudain, déchirant la nuit : des cris, des insultes des menaces. A dire vrai ça c'était passé très vite, ils étaient arrivés de nul part, armes à la main et le bruit assourdissant des balles avaient fusé. Je n'avais pas bien compris, mais j'ai couru me protéger derrière une poubelle, Malia fermement accrochée à ma main.

contenu violent:

"Les orphelins de Noël". C'était comme ça que la presse nous avaient surnommés, Malia et moi. Il c'est avéré que nous nous étions trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, pris au milieu d'un échange de tir entre deux groupes mafieux. "Un drame" avaient ils dit. Le temps semblait s'être accéléré comme un compteur fou à partir de ce moment. La police passait, les services de protections de l'enfance, les pompiers, les infirmières aux sourires compatissant, la psy. Je n'avais pas réussi à dire un mot depuis que j'avais pu mon père se faire descendre sous mes yeux. Et je ne dis plus un mot pendant des mois après cela.
Nous étions devenus des enfants du système, des "pupilles" de l'état en moins de temps qu'il ne me fallu pour le comprendre. L'assistante sociale avait "appuyé" notre dossier afin que nous ne soyons pas séparé en maison d'accueil, estimant notre situation suffisamment "affreuse pour en rajouter une couche" avait-elle dit. Est ce que les autres oubliaient que ce n'est pas parce qu'on ne parle plus, qu'on entend plus ? Apparemment.
Assez étonnamment nous ne restions pas bien longtemps dans le système, après une année à se faire trimbaler comme des poids morts de familles en familles, un couple se décida à nous adopter. C'était un couple assez âgé qui avaient perdu un enfant très jeune et qui ne s'en étaient jamais remis. Je ne sais pas ce qu'ils ont vu en nous, entre moi et mon mutisme et ma soeur et sa maladie mais...ils nous ont fait une place dans leur vie. Et avec le temps nous en avons fais une dans la notre.  
Tout deux retraités depuis quelques années déjà, ils ont pris du temps pour Malia et moi, partageant avec nous sans conditions. Je repris petit à petit confiance en moi à leur contact, retrouvant le goût des mots et de la vie.
A quinze ans, je rencontrai un garçon qui fis chavirer ma vie et mon coeur. Pourtant je ne l'aimais pas du tout de prime abord, je me méfiai de lui alors que paradoxalement j'avais la curiosité terrible de le connaitre. Et j'en tombais follement amoureux. Genre avec un grand A. Le genre de sentiments qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie si on a de la chance. Mais malgré tout, j'étais toujours un adolescent perturbé, facilement fragile émotionnellement parlant et peu confiant en moi même.

contenu potentiellement sensible/homophobe:

Ce fut entre autre, le début de la fin. Petit à petit, je me mis moi même à penser que j'étais "repoussant" et "obscène" comme l'avait dis son père. Et croyez moi...le doute et la peur sont deux choses puissantes. Alors je finis par repousser le garçon, érigeant un mur entre nous...Mur qui s'agrandit lorsque quelques mois plus tard ma famille et moi déménagions à l'autre bout du monde : en Europe. Il existait là bas une structure de recherche sur la mucoviscidose unique au monde et...c'était mieux ainsi.
Les jours et les mois passèrent, la honte s'estompa...mais pas les sentiments.
Je grandis et changea au fur et à mesure des années, je compris bien tard que je n'avais pas à avoir honte de ce que j'étais ni de qui j'étais amoureux. Je dois bien avouer que j'avais connu plusieurs femmes ces dernières années mais...je n'avais jamais pu retoucher la peau d'un homme après la sienne. Presque 10 ans c'étaient écoulées et pourtant...cette relation était celle qui m'avait marquée au fer rouge. Début d'année 2021, Malia et moi décidions de revenir en Corée, ce pays qui étrangement était celui dans lequel nous nous sentions "à la maison". Nos parents adoptifs étaient mort de vieillesse une année auparavant et avec l'argent de leur héritage nous purent acheter une petite maison en campagne. Malia vivrait ici tranquillement au repos pour sa santé, quant à moi j'avais décidé de prendre un appartement en centre ville afin d'être proche de la Fac pour continuer mes études de vétérinaire que j'avais commencé quatre ans plus tôt.