TW: enlèvement, séquestration, mention indirecte d'agression sexuelle sur une enfantcette nuit fatidique, elle regardait les étoiles orner le ciel sombre, comme à tous les soirs. c'en était devenu une habitude, d'attendre que la respiration de l'aîné à ses côtés se fasse paisible, régulière, pour se hisser hors du lit en douceur et admirer la danse des astres. elles brillaient, perçaient l'obscurité d'une fine lueur. seules, elles n'auraient pu éclairer le chemin d'un mortel, mais
ensemble, elles racontaient une histoire, que l'enfant écoutait rêveusement, le nez et l'oreille collé à la fenêtre, se nourrissant du murmure des étoiles et des histoires fabuleuses qu'elle mettait en scène dans sa tête.
cette nuit-là, l'aîné s'était réveillé, peut-être attiré par le bruit du froissement des draps dans le lit d'à côté ou par les petits soupirs d'admirations de la princesse fascinée. il avait grommelé, marmonné des paroles à peine perceptibles ;;
viens te coucher, bom. prise sur le fait, extirpée brusquement de ses songes, gênée, elle s'était confondue en excuses en prétendant vouloir ouvrir la fenêtre pour y laisser s'infiltrer la fine brise, par ce temps caniculaire d'été. et elle avait obéi à l'aîné, s'était faufilée sous les draps qui ne recouvraient pas son petit corps frêle, et elle s'était endormie, fenêtre ouverte, sur l'image sereine d'une nuit où les étoiles avaient fière allure dans le ciel...
eut-elle su ce qui l'attendait, aurait-elle laissé la fenêtre fermée.
elle avait fait la une de tous les journaux. son visage angélique s'était retrouvé sur la couverture de toutes les presses écrites, à l'écran de toutes les télévision de la ville, et même du pays. le monstre avait sévi, encore une fois. il avait frappé, encore une fois, dans le silence
mortel d'une nuit caniculaire d'été, chez la famille Hwang. victime de son innocence, victime de son insouciance, elle s'était retrouvée entre les griffes du prédateur, celui qui capturait les petites filles lorsque Séoul dormait. sous la menace de n'émettre aucun son, les larmes s'étaient étouffées au fond de la gorge de la gamine innocente, qui avait vu s'échapper sous ses yeux des moments de bonheur qui lui échappaient désormais.
si elle survivait, elle savait qu'elle ne serait jamais plus cette petite fille à l'innocence volée.
sept ans, elle avait été terrée dans la médiocrité. à seulement quelques kilomètres de l'effervescence de la capitale du pays du matin calme, alors que dans son coeur, c'était la tempête. solitude qui avait déserté son coeur. toutes les larmes pleurées pour maman, papa et l'aîné (
cc j'ai pas de nom pour le grand frère) avaient asséché son corps frêle. et si le désespoir s'était emparé d'elle peu à peu, c'est un cocktail d'émotions à la fois semblables et contradictoires qui avaient remué ce qu'il restait encore de vivant en elle. le
printemps se mourrait là, dans cet antre pourtant chaleureux, mais puant l'
horreur. peur et dégoût, haine et désespoir, tristesse et douleur, colère et
amour. sept longues années avait-elle espéré être retrouvée. sept années s'était-elle plié à
ses désirs, oubliant désormais de riposter. sept années avait-elle compté les secondes, les minutes, les heures. sept années qu'elle avait espéré à entendre le murmure des étoiles au creux de ses oreilles. sept années à essuyer les larmes qui imbibaient l'oreiller, à serrer les cuisses une fois la nuit tombée, à s'offrir lorsque les lumières s'éteignaient pour la plonger dans les ténèbres. sept années à transformer la petite princesse en larve vivante, à survivre sans trop savoir pourquoi, à espérer disparaître, à devenir l'une d'elles (( à rejoindre les étoiles )).
et sept ans plus tard... elle avait encore fait la une de tous les journaux nationaux. cette fois-ci aux côtés de la famille, de policiers, d'enquêteurs, de journalistes, de personnalités importantes. le flash des caméras l'aveuglait, la lumière du soleil lui donnait la migraine, le vide se lisait sur son visage.
c'était un miracle qu'elle soit encore en vie. qu'elle ait réussi à échapper à son bourreau, disait-on. mais le mutisme cachait les histoires les plus horribles, entraînerait avec elle dans sa tombe la vérité; si elle pouvait dormir dans un lit qui lui appartenait, mais qu'elle ne reconnaissait plus désormais, ce n'est pas parce qu'elle s'était enfuie, pas parce qu'elle avait échappé à la garde de son prédateur, mais parce qu'il
ne voulait plus d'elle.
et toute sa vie, les regards s'étaient apposés sur elle. tantôt de pitié, tantôt intrigués. ou dégoûtés, ou mortifiés. on connaissait son histoire rien qu'en croisant ses yeux
vides de vie. ces regards lui pesaient, elle voulait leur échapper, mais il n'y avait aucune issue. parce que la prison, si elle n'était pas tangible, palpable,
réelle, elle demeurait éternelle dans l'esprit...
aujourd'hui,, princesse damnée. reine de coeur, reine
des coeurs. aphrodite, déesse de l'amour et de la sensualité. bom, l'prénom mélodieux, presque poétique, celui d'une beauté éternelle, ou encore celui de la muse de cet artiste un peu bohème. le prénom à trois lettres dont la résonance suave et mielleuse rappelle le chant des sirènes. la douceur dans les traits, le timbre enjôleur dans la voix, la flamme divine dans le regard.. bom, douce et sensuelle créature; de son déhanchement, elle attire les regards, alors que de son sourire espiègle, elle charme et capture le coeur des marins.
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p a n d e m o n i u m,, il y avait eu des cris, et puis le vide. amère déception dans la chute libératrice, caresse inopportune de la délivrance, l'aphrodite qui rejoint la perséphone. c'est le souffle glacial de la
madone qui lui avait chanté les dernières paroles à l'oreille, menace éphémère, mais ô combien funeste.
il y avait eu son sourire désinvolte, puis empreint d'une terrible souffrance. elle avait vu les traits se transformer, déformés par la douleur. propos hargneux, à cracher son mal d'amour sur la poupée fracassée. poupée faussement immaculée par l'innocence, ce sont les mensonges qui font claquer sa langue de vipère, à se défendre des maux dont elle était néanmoins punissable. refus de reconnaître les torts, amourachée de la
mauvaise moitié. l'orage fait gronder les coeurs, remue les plaies encore béantes d'une fragilité encore brisée. c'est l'abandon qui menace de la happer, une nouvelle fois. peur terrible de cette solitude toxique, bouleversement cataclysmique, la poupée s'accroche pour mieux répandre son poison, à baisser les gardes pour l'emporter avec elle s'il devait lui arriver malheur.
c'est le cri qui fend l'air. ce sont
ses prunelles, dans lesquelles se mêlent éclats de colère et peur pétrifiante. est-ce qu'elle y aurait lu du regret, si le sol n'avait pas épousé les courbes de son dos? si les ténèbres ne s'étaient pas refermées sur sa silhouette décomposée dans la verdure empreinte de son sang? si la chute n'avait pas été haute, l'impact, lui, avait été tragique. un effleurement dans la violence, l'oubli comme séquelle, leurs visages s'étaient succédé sous les couleurs endolories de l'impuissance, avant de disparaître parmi les souvenirs éparses.
ils sont partis.
trio disloqué. amour déchu. l'histoire se répète tristement dans l'ombre des confidences desquelles on la tient loin. violente colère qui la répugne lorsqu'elle se réfugie dans ses songes, au détour de la nuit et que les cauchemars enveloppent l'âme doublement fracassée. blessée, violentée à même son essence, l'innocence disparue de celle qui ne fut jadis qu'une enfant rêveuse. se nourrir de l'amertume qui lui ronge le coeur, s'épuiser à force de défier l'esprit malmené par l'amnésie, les morceaux d'un puzzle qui lui échappent, à se réfugier dans la colère, sans en saisir les origines ou la provenance, pour combler le vide qui lui martèle le coeur lorsqu'elle les croise,
eux, coupables de leur silence complice. mais sous les sourires effacés de la poupée, c'est la quête entêtée de capturer les souvenirs qui lui échappent, à défaut d'y sacrifier les derniers éclats égarés de son âme.
crédits images: j e s s