SOUVERAIN ; d'un monde qui n'appartient qu'à toi
›››› seigneur d'une contrée qui s'étend de la table basse au canapé, là, où tu as érigé tes cubes en une citadelle imprenable – là, où tu as mis maman à l'abri de tous les méchants – car le salon est le territoire des dragons, des sorcières et des brigands ; toi seul est en mesure de la protéger, car même si papa est là pour t'aider :: sur le champ de bataille, tu l'as déjà vu tomber.

PÂTE À MODELER ; tout un univers à créer
›››› très tôt, t'as eu le besoin de t'exprimer ; mais souvent tu n'avais pas les mots pour expliquer ce que tu imaginais, ne restait alors que le papier pour griffonner toutes les créatures et paysages qui inondent ta cervelle – si bien que les crayons et feuilles de papier ont remplacés tous tes jouets – c'est à cette époque que t'as découvert cette pâte magique avec laquelle les monstres prennent vie ; avec elle que t'as passion est née.

EN VAIN ; tu seras le seul roi
›››› puis y a eu un temps, celui de ton entrée au cp, où t'as découvert à quel point être seul c'est chiant :: parce que là bas tu t'amusais avec les gamins de ton âge :: en grandissant, les parents ont arrêtés de jouet ; et t'as bien vite compris qu'un deuxième héritier n'était pas dans leurs projets :: ( c'est pas faute d'avoir demandé ) :: alors tu t'es résigné, faisant la comédie chaque jour férié pour, à l'école, retourner.

LES OUBLIÉS ; les chats du quartier
›››› plus tard, t'as pris pour habitude de faire des petits caprices :: ( les joies d'être enfant unique ) :: tu voulais un chien – t'étais allergique ; tu te rappelles avoir piqué une crise, balancé des méchancetés juste pour les blesser ; mais ils n'ont pas cédé – pour leur faire un pied de nez, tu dépenses ton argent de poche pour nourrir les chats abandonnés :: ça fait pleurer tes yeux, couler ton nez ; mais t'aimes tellement les caresser.

VU D´EN BAS ; les nymphes sur les toits
›››› en bas de chez toi, y a un parc, plutôt coquet et déserté à certaines heures de la journée :: c'est en fin de soirée que tu préfères y aller :: et le cul posé sur la balançoire, le nez en l'air, t'observes le ballet des oiseaux qui s'apprêtent à gentiment se coucher – tu les regardes danser, se poser sur les antennes en haut des bâtiments – ( piailler ), puis virevolter une dernière fois avant de disparaître, lorsque la nuit pointe le bout de son nez.

BRAS CASSÉ ; le ciel t'espérais toucher
›››› au collège, y avait cette fille que tu voulais impressionner :: tu lui avais raconté ; que les grains de poussière que l'on voit flotter entre les rayons solaires sont en réalité des fragments de fées ; et que si on en collecte assez – ils peuvent réaliser n'importe quel souhait :: c'est pour cette raison, que sur une échelle tu es grimpé ; et parce qu'elle n'était pas bien calée, que tu es tombé.

DERRIÈRE TOI ; un si joli minois
›››› au fond de la classe, près de la fenêtre, y a ce gars qui passe clairement plus de temps que toi à regarder ce qu'il se passe en bas – si au départ, tu n'y prêtais pas attention, c'est seulement parce qu'il n'était que rarement là :: des absences répétées qui, chez toi, suscitent l'intérêt :: et t'as rien trouvé de mieux, que l'excuses des cours à rattraper pour enfin l'approcher.

VIVRE CACHÉ ; un jardin secret
›››› c'est dans un autre parc, cette fois près du lycée, que derrière un muret t'as pris l'habitude de te réfugier :: ( pour dessiner ) :: un jardin oublié où les herbes hautes gardent pour elles tes secrets ; un jour il t'a suivi, sans faire de bruit – d'abord par curiosité, ensuite parce qu'il cherchait un peu de paix – puis le verger est devenu votre éden, un berceau de souvenirs et de rires, votre endroit préféré :: celui où vous vous êtes pour la première fois embrassé.

EN ÉMOI ; lorsqu'il danse contre toi
›››› t'as des carnets entiers remplis avec rien d'autres que son portrait ; des esquisses de ses mains, de ses lèvres ; quelques ébauches de son corps tendu par l'effort :: ( de son sourire ; du brasier qui anime ses pupilles ) :: parce qu'il n'est heureux que lorsqu'il danse, que sa tête tourne et que tes mains sont sur ses hanches – tous ces moments où même à deux, vous n'êtes qu'un – si proche, que tu n'es plus effrayé qu'il voit dans tes rétines son reflet miroiter.

DÉCHIRÉ ; il t'a quitté, tu ne l'as pas rattrapé
›››› c'était bien le temps que ça a duré, à peine quelques mois, suffisamment pour t'en rappeler :: ( marqué à jamais ) :: c'était une nuit d'été, avant d'être diplômé, d'entrée à l'université – tu cherches encore à comprendre pourquoi il pleurait, comme si ce n'était pas ce qu'il voulait, en tout cas c'est comme ça que tu l'as interprété :: puis comme tu voulais rien entendre, le ton est monté:: ( rien ) ; de ce qu'il pouvait dire n'avait de sens – et tout ce que t'as trouvé à dire avant de le regarder partir c'est : « tu ne penses pas ce que tu dis. » – tout ce que tu voulais, c'était l'aider :: ( l'aimer ) :: t'as rien pu faire lorsqu'il t'a jeté, si ce n'est l'accepter... parce qu'au fond tu sais, que quoiqu'il t'ai caché, il reviendra :: et ce jour là, tu seras là.