1 9 9 8 ; d'un jour heureux où vint au monde la huitième merveille du monde [subjectivité assumée]. sur les terres historiques ( n a r a ) au milieu des temples et des cerfs qui font la renommée de la petite ville.

2 0 0 0 ; c'est le grand saut dans la vie active, t o k y o ville moderne dans un appartement infiniment plus petit et pour une vie qui va à cent à l'heure. mais le couple est heureux et kumi grandit bien.

2 0 0 5 ; fin d'une ère (c'est l'heure du déracinement). il faut quitter le japon et dire au revoir à tous ses repères. premiers pas sur les terres sud-coréennes, u l s a n la nouvelle vie.

2 0 0 6 ; fracas. tout s'écroule et c'est la fin du rêve. maman n'est plus là ? et elle ne reviendra plus jamais. papa est inconsolable, incapable de se relever de la nouvelle. et kumi tapote mécaniquement dans son dos (moi aussi je suis triste, je crois que c'est ça) : elle ne comprend pas.

2 0 0 8 ; papa a retrouvé quelqu'un et ce n'est pas maman (évidemment). elle a de grands sourires quand elle le regarde lui et il semble si heureux enfin, pour la première fois depuis (...) avec kumi cependant, c'est un peu différent. pourquoi ?

2 0 1 0 ; à quoi ça sert le mariage ? dans le fond, le jour d'avant et celui d'après n'étaient pas si différents l'un de l'autre. mais il l'a finalement épousée cette femme qui lui avait offert le second souffle qu'il espérait tant ; celle qui détestait kumi et toute trace du passé de l'être aimé. mais ça, lui ne semblait pas [ vouloir ] le voir.

2 0 1 3 ; kumi s'en sort bien. à tous les égards, elle s'en sort bien. quand bien même chez elle le monde est vibrant de couleurs et qu'elle est la seule teintée de noir et blanc dans cette famille qui reconnaît à peine son existence. son père s'est-il réellement acclimaté à cette effrayante stratégie ? l'arrivée du nourrisson achève d'asseoir le nouvel ordre à la maison : c'est une fille ! (ça veut dire que je vais être grande soeur ?!) et kumi s'efface chaque jour un peu plus du schéma familial [ donne-t-elle à peine l'impression d'en avoir quelque chose à faire ].

2 0 1 5 ; il fait sombre et l'hiver mord dans le creux du cou. lorsqu'elle se pose près du garde-corps juste au-dessus du vide, elle ne ressent rien de plus qu'un vulgaire vague à l'âme. " tu ne sais même pas nager " avait-elle dit en fixant l'ombre du garçon ; en rupture avec les émotions extérieures [ une fois de plus ]. ses cheveux roses filaient au vent dans une tentative à peine marquée de le comprendre. ((pourquoi ce serait à toi de partir ?)) vague écho à sa situation personnelle ? elle n'aurait pas su le dire. après ce jour, elle ne l'a plus jamais revu.

2 0 1 6 ; " sors avec moi " quelle drôle de façon de demander les choses (elle a répondu oui). faute d'y comprendre quoi que ce soit. doit-on vraiment se voir tout le temps ? " je te dis que je t'aime et toi tu ne dis rien " (et bien c'est parce que je ne t'aime pas.) eût-il encore fallu qu'elle sache ce qu'est l'amour— mais ils n'étaient déjà plus ensemble et pas l'ombre d'une peine de cœur pour la piquer. alors, elle s'est faite curieuse kumi ; et c'est là que les rumeurs malveillantes ont commencé. la belle-mère s'en est servi comme d'un passe-droit pour la mettre dehors (( catin, tu traînes avec tous les hommes ? )) n o n. mais dès le lycée s'est terminé, elle est partie de chez elle et n'y a plus jamais été invitée.

2 0 1 7 ; seule dans l'immensité d'i n c h e o n (à quelques pas enfin de la capitale). elle étudie. elle travaille. elle sort avec des amis. et paie les factures. des petits boulots en veux-tu en voilà. mais l'indépendance, enfin.

2 0 2 1 ; validation du diplôme de professeure des écoles.

2 0 2 2 ; nouvelle page qui s'ouvre (à s é o u l cette fois).