I. Tu pourrais faire n’importe quoi pour tes proches. Tu pourrais aller déplacer des montagnes, t’emmurer, peut-être même, dans une vie qui ne te convient point. Peut-être que ça explique certaines choses. Peut-être que ça explique ton incapacité à pleinement t’envoler : tu as peur de décevoir. Au fond de toi, tu crains d’entendre ce Ah … avec une pointe de désillusion émaner de la bouche de tes parents. Tu crains d’échouer, et ne parviens pas, hélas, à suffisamment fermer les yeux sur tes insécurités.

II. Tu t’es passionné pour les terrains de basketball dès ton plus jeune âge. Tu as toujours eu cette attirance envers ces bruits agaçants de ballons qui claquent en sol de manière répétitive et ces sifflets stridents qui te déchirent les oreilles (sans oublier le klaxon de fin de match). Tu n’as jamais été le meilleur, n’as jamais non plus songé à y faire carrière, mais tu t’es toujours donné à cent pour cent, même pendant tes années étudiantes.
Et puis, il y a eu le contact de trop. Un adversaire peut-être un peu trop virulent : si ton corps a cherché à résister à la bousculade, tu as clairement senti ton genou se dérober et la bile te monter aux lèvres. T’es sorti du terrain en traînant de la patte, et depuis, tu n’y as jamais remis un pied.
Rupture des ligaments croisés, ménisque abîmé. Même si l’opération s’est relativement bien passée, les douleurs restent, et ton médecin n’a jamais voulu te redonner l’autorisation d’aller dribbler sur les terrains avec ton genou fragilisé. Alors, tu as renoncé, te contentant de fixer, certains soirs, les cicatrices avec un pincement en cœur. (Tu en veux à l’autre parfois, même si ce n’était qu’un accident.) Tu ne peux t’empêcher de rejouer encore et encore la scène dans ta tête, en imaginant mille et un autres placements. (Tu t’en veux, à toi.)
Au fond, t’es dégoûté d’avoir dû ainsi abandonner, et le seul ballon que tu as bien voulu garder, pour « décorer », prend la poussière sur ton étagère.

III. Tu n’as pas eu beaucoup de relations vraiment sérieuses. Tu t’es retrouvé quelques fois en couple, mais jamais au point de te projeter sur la durée. Il y a toujours un moment où ça coince, que ce soit de ta faute ou de celle de ton partenaire. Parfois, c’est simplement que l’amour s’essouffle. Alors, tu t’évades, préférant profiter autrement, plutôt que de t’emmurer dans quelque chose qui ne te fait plus vibrer.

IV. Tu n’as jamais pris le temps de t’asseoir pour vraiment leur en parler. Tu n’as jamais osé vraiment le dire au détour d’un long discours, l’exposer sur les réseaux sociaux, et attendre un éventuel retour. Tu n’en as pas vraiment honte, pourtant. Tu en as longtemps été effrayé, mais jamais véritablement répugné. (Bien que dans ta tête, le mot déviance arrive encore à faire son bonhomme de chemin, par moment.)
Aujourd’hui, tu n’oses toujours pas ni le clamer fièrement, ni en parler à tes parents. Tu n’oses pas, sans pour autant écarter l’idée, si jamais une relation plus sérieuse venait à se montrer.

V. Ce n’est pas que tu n’avais pas prévu de te lancer dans la musique : c’était plutôt que tu voulais une solution de secours au cas-où ça ne fonctionne pas. Tu voulais éviter à tes parents de s’inquiéter, surtout en occupant la place de l’ainé. Tu t’es lancé dans des études en acoustique, sans même savoir si ça allait te permettre, d’une manière ou d’une autre, de retrouver le monde de la musique. (Au pire, tu aurais étudié mille et un matériaux pour réduire la pollution sonore des machines d’usine.) Après réflexion, les débouchés ne te font peut-être pas vraiment tous rêver. Après réflexion, tu ne t’y vois pas une seule seconde. Tu ne t’imagines même pas travailler dans ce domaine, et c’est sans doute ce qui te pousse à essayer, plus fort encore, de ne pas échouer dans tes passions.

VI. Combien d’heures as-tu passées sur ta chaise de bureau, vautré dans des positions qui feraient hurler n’importe quel professionnel de santé, à ordonner rimes et notes ? Tu ne sais plus vraiment comment, ni même pourquoi, mais tu as toujours eu le besoin d’écrire les histoires qui te traversaient l’esprit. Tu as toujours apprécié le fait d’aligner les paroles aux rythmiques, d’imaginer les voix se poser dessus. (Rarement la tienne, trop peu confiant pour vraiment en faire quelque chose. Ce n’est pas que tu ne sais pas faire, mais tu estimes ne pas être entraîné suffisamment.) Aujourd’hui, tu creuses doucement ta place dans l’industrie musicale et glisses même ton pseudonyme sur quelques albums.
Tu gardes un Soundcloud pour quelques expérimentations plus à la marge, et postes tes créations sous le nom de dvst.
Peut-être que tu attends un alignement des étoiles. Quelque chose qui te poussera à vraiment te lancer, corps et âme. (Le courage, enfin, d’affronter un peu plus encore ce monde impitoyable.)

VII. Il y a ces premières pistes que tu assembles. Il y a ces morceaux que tu gardes dans un dossier caché, sur ton ordinateur. Les tiens. Ceux que tu as écrit pour toi, pour coucher tes sentiments quelque part. Pour réussir à souffler un peu. Pour essayer de noyer tes larmes autrement qu’au creux de mouchoirs. Pour tenter de te relever, de te ressaisir, aux heures où tu ne voulais même plus exister.

VIII. A l’aube de tes trente ans, tu te demandes dans quelle direction tu regardes. Tu te questionnes, parfois. Tu observes le chemin parcouru, celui qu’il te reste à faire. Parfois, ça te prend à la gorge. Une frayeur bleue, l’impression que tu vas t’écrouler à n’importe quel instant. Parfois, tu te demandes si tu ne vas pas passer ta vie à la vivre à moitié. A juste te contenter de ce que tu as là, sans vraiment oser avoir plus. Sans jamais réussir à trouver tant la motivation que l’énergie pour le faire. Comme si tu ne savais pas batailler pour ces choses-ci. (Pour d’autres, pourtant, tu serais capable de mettre ton univers entier de côté.) Pour d’autres, pourtant, tu pourrais tant te battre que tout abandonner.

IX. I just wanna be your soldier. Tu t’étais juré de le laisser voler de ses propres ailes s’il te le demandait. Tu t’étais promis de lui laisser son espace, de ne pas chercher à le maintenir contre toi s’il voulait s’en aller. I think we should stop now. Tu avais cru que ton aventurier te délaisserait dans un hall d’embarquement. Tu t’étais longtemps imaginé des voix au fond l’appeler en soufflant qu’il était le dernier passager à devoir embarquer.
Tu ne t’étais pas attendu à avoir le cœur éclaté sur le sol de ton appartement.
Tu ne t’étais pas attendu à vivre comme une ombre pendant des semaines. A te laisser sombrer. Tu as comme oublié de respirer. Jusqu’à le retrouver. Jusqu’à le voir encore. Pour mieux l’écouter. (Pour entendre son secret.)
Pour Jude, tu ne peux que te faire chevalier. Tu ne peux que te coucher à ses pieds, quand bien même tu dois te retenir de le supplier de rester à tes côtés. Jude. Do you wanna live ? No... I don't know.

X. Tu as tendance à privilégier les vêtements amples et les tennis confortables. (Ce n’est pas que tu détestes les skinny-jeans et les chaussures élégantes, mais t’installer en tailleur est bien plus aisé en jogging.) ( • ) Tu as quelques fois été tenté par quelques folies capillaires. Quelques couleurs, quelques mèches, sur un instant d’égarement. Cependant, généralement, tu te contentes de les laisser au naturel. ( • ) Tu mesures 1m84, avantage qui était non négligeable au basket. ( • ) Après ton opération, tu as essayé de te donner à fond sur le renforcement musculaire. (Tu conservais probablement l’espoir vain de pouvoir reprendre un jour.) Aujourd’hui, à défaut de pouvoir faire une activité physique qui te plait vraiment, tu continues de trainer ton corps à la salle de sport. ( • ) Si tu avais à choisir, tu prendrais toujours un verre de soju plutôt qu’une bière. ( • ) Tu grignotes souvent devant ton ordinateur, à défaut de penser à te faire un repas complet. Les mélanges de noix et de raisins sont tes snacks favoris. ( • ) Terriblement mauvais en cuisine, tu es capable de rater des nouilles instantanées. ( • ) Tu n’es pas exempt de faire quelques fautes (ton tatouage erroné en est la preuve), mais tu parles relativement bien anglais. ( • ) Question musique, tu es plutôt autodidacte. Tu as commencé sur un synthétiseur, as continué sur de la basse, avant de craquer sur une guitare électrique. Depuis, quelques autres instruments traînent dans ton appartement. ( • ) Tu t’amuses parfois à prendre quelques clichés à l’aide d’un appareil hybride que tu t’es offert presque sur un coup de tête. Tu immortalises, au cas où tu aurais besoin de te souvenir.