On m’a obligé à voir une psychologue, à mes dix-huit ans. Apparemment, c’était standard pour quelqu’un qui venait de perdre quelqu’un. Et je venais de perdre mon seul quelqu’un. Ma mère. Je n’ai pas eu le temps de profiter de la joie de recevoir mon diplôme de fin de lycée, qu’on me contactait pour m’apprendre la nouvelle, votre mère, non, elle ne parlera plus, non, elle ne respire plus. Je n’ai même pas pu la voir dans ses derniers instants. Je pense qu’elle ne le voulait, pas de toute façon. Elle aurait voulu que mon dernier souvenir d’elle soit un plein de vie, de sourire, ce qu’elle m’a transmis depuis toujours et non pas un visage ensanglanté posé sur un oreiller d’hôpital. Je n’ai pas pleuré. Les gens m’ont appelé par toutes sortes de noms. M’ont appelée folle. Je ne peux pas pleurer devant les gens, mais croyez moi quand je vous dis que j’ai bien sorti tous les litres d’eau de mon corps, une fois enfermée dans le petit cagibi à balais du lycée que je voyais pour la dernière fois.

Elle m’a demandé, à l’époque, de me parler de moi, de ce que j’avais vécu, de ma vie. Je ne sus pas trop quoi lui répondre.

Ma vie n’a pas été dramatique. Elle ne l’est pas, et je ne pense pas qu’elle le sera non plus, malgré mon absence de dons prémonitoires. Ceci fut le seul évènement traumatisant de ma vie, je fais bien pâle figure à côté des personnages des dramas que j’aime tant regarder. Ce que je n’avais jamais compris en regardant ces séries est que quoi qu’il arrive, on continue à vivre, même si toute énergie semble nous quitter sur le moment. J’ai continué à vivre.

Laissé les gens me prendre la main, leur offrir un sourire éclatant, avant qu’ils ne me laissent, doigt par doigt, tomber sans occasion de me rattraper. Je ne sais pas pourquoi cela m’est toujours arrivé. Je n’ai jamais trouvé le héros parfait, un homme gentil et affectueux capable de m’aimer sans voir en moi un “moyen”. Apparemment je sers. J’ai toujours servi. La fille pas trop moche, plutôt agréable à regarder même, sympa, mais sans plus. On me l’a accolé, ce “sans plus”, tout au long de ma vie. Comme si j’étais une coquille vide. Peut-être que je le suis, je n’en sais rien, peut-être est-ce pour ça que personne ne reste à mes côtés, mais cela ne m’importe pas. Les gens ont beau m’abandonner, je ne les abandonnerai jamais.

Peut-être est-ce une malédiction ? Abandonnée par son père avant même de venir au monde, vouée à l’être toute sa vie. Je ne suis pas de celles qui croient en ce genre de destinées tragiques toutes tracées. Je n’ai jamais pleuré du fait de ne pas avoir une famille normale, d’être le fruit d’une liaison entre une fille un peu trop naïve et un homme puissant et marié qui ne put jamais assumer ses actes. Je n’en ai jamais profité non plus, l’argent que je reçois de sa part il me l’impose plus qu’autre chose, et je le mets sagement sur un petit compte épargne, travaillant avec mes propres mains pour subvenir à mes besoins.

Je ne crois pas que la vie soit quelque chose à subir, ni qu’on doive lui accoler un “sur” pour pouvoir y résister. Survivre. Je ne l’ai jamais regardée comme ça. Pour moi, toute joie dépasse de loin chaque peine. J’ai plus de raisons de sourire que de pleurer, même si ma sensibilité fait couler mes yeux comme des cascades. Les gens me le répètent encore et encore “bien trop gentille” “naïve” ce qui mène automatiquement à “stupide”, mais je ne pense pas que ce soit de la stupidité, de vivre sans préjugés. Si ça l’est, tant pis, je laisserai les gens critiquer mon intelligence, encore et encore, et je les assommerai avec de la bonté, qu’ils en soient sûrs. Rien de bon ne vient de la négativité ressentie et transmise, je l’ai compris depuis toute petite.

Si je revoyais une psychologue aujourd’hui, je ne saurais pas plus quoi lui dire qu’il y a deux ans. Que dire de ma vie ? Elle est normale. Pas exceptionnelle. Mais elle me convient. Je n’ai pas besoin de drames pour y mettre du sens, et je vis aujourd’hui sans anticiper un grand destin. Je ne pense pas que ça fait de moi quelqu’un d’inférieur aux autres. Je pense que ça fait de moi quelqu’un qui arrive, plus que tout, à profiter de chaque instant comme de son dernier. Vingt années de sourires arrachés et de pleurs essuyés, de rires à s’en étouffer et de regards amoureux. Je ne regrette rien. Qu’ils se moquent, et on verra.

❯ Derrière l'écran ; hmmm je sais pas trop quoi dire je ne vous dirai ni mon nom ni mon âge, ce sont des informations top secrètes, et si vous voulez vraiment savoir mon tarif est de 10 000 euros et 500 câlins jsuis bien contente d'être sur le forum, ça fait longtemps que je n'ai pas joué un personnage féminin en plus :<33:

Et le petit bout de code pour le bottin

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