Plus aussi chargé qu’il ne le devrait, c’est au fond de ton lit que commence ton samedi. Il est dix heures lorsque tu émerges au son d’une notification. Adieu Van Gogh et son exposition, les pass ont trouvé preneur dans la nuit. Miyoung l’a dit, elle est indisponible cet après-midi, tant pis. Finalement levé, tu prends le temps de déjeuner et de jouer quelques notes à ton auditoire de verdure. Le temps passe et paisible, tu te prépares à partir. Le trajet jusqu’au centre se fait en bus, tandis que dans la poche intérieure de ta veste tu gardes jalousement une surprise pour l’aimée.

Tic tac, il est encore trop tôt. Sur le chemin, tu fais halte chez un fleuriste et choisis toi-même les fleurs qui composent le bouquet. Camaïeux de rose, tulle et ruban ; l’amoureux sans destrier se met en marche pour être à l’heure au dîner. Devant le restaurant, tu attends un peu gêné puisque huppé. Tes beaux vêtements ont beau faire illusion, ce n’est pas ton monde et tu le sais. Pourtant, pour ses beaux yeux tu n’hésites pas à te déclarer roi d’un empire qui n’existe pas. Depuis cinq minutes maintenant, le portier te lance des regards insistants, mais entrer sans la reine à ton bras n’a aucun sens.

Un sourire sur tes lèvres lorsque tu reconnais sa voiture. Devançant le personnel du restaurant ainsi que son chauffeur, tu ouvres la portière passager et proposes même ta main pour l’aider à rejoindre le bitume. « Madame. » que tu articules respectueusement comme à chaque fois, un sourire trahissant ton sérieux. La belle à tes côtés, c’est triomphant que tu l’accueilles d’un baiser sur la joue. « Tu m’as trop manqué. » Un nouveau baiser, cette fois sur sa tempe alors que le bouquet entre dans son champ de vision, c’est à ce moment que tu lui offres ton bras.  

La douche qu'elle s'impose revêt une nécessité de la plus haute importance. C'est qu'elle veut faire disparaître son odeur de sa peau. Parce que les cuisses se sont ouvertes une nouvelle fois pour ses beaux yeux. Dowon, roi de son empire sans même le savoir. Et malgré toutes les atrocités qu'il lui jette à la figure. Il faut dire que Miyoung est capable d'être aussi abjecte que lui. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle lui donne son corps à chaque fois qu'il le veut? Même si elle tente de résister au mieux. Pourtant, son coeur est sensé appartenir à un autre homme aux racines bien différentes. Japonais qui ignore tout de ses aventures secrètes, elle qui lui ment sans vergogne pour profiter encore plus longtemps de ce traitement de Reine que Ran lui procure. Être mise en avant, c'est ce qu'elle désire le plus ardemment.

Enfiler une jolie robe au dos nu, puis s'occuper de son maquillage. Pour finir, elle lisse ses mèches noirâtres, se parfume et enfile ses talons hauts favoris. Lorsqu'elle est finalement prête, elle s'empare de son sac à main assorti à sa tenue et rejoint la somptueuse voiture qui est sensé la mener jusqu'au lieu de rendez-vous. Son restaurant préféré. C'est clairement hors de prix pour le budget mince de son petit-ami, mais elle en a très peu à faire. Ce n'est pas parce qu'elle possède plus d'argent que lui qu'elle va lui offrir de payer. Vipère jusqu'au bout des ongles, Miyoung n'a pas les priorités au bonnes places. Ce soir, c'est un chauffeur qui la conduira sur le lieu voulu, préférant ne pas conduire avec des talons de cette envergure.

Prenant place côté passager, elle fait attention à ses gestes en le faisant. C'est qu'elle a abandonné l'idée de porter quelconque sous-vêtements pour l'esthétique de sa robe. Si seulement Ran était du genre entreprenant... Et qu'il profitait de l'occasion. Comme le ferait un beau brun. Malheureusement pour elle, le japonais n'a pas l'intention de lui offrir une petite sauterie de si tôt. Quel homme ennuyeux, vraiment. Après plusieurs instants de route, elle arrive enfin devant l'entrée du restaurant et son petit-ami s'empresse de venir lui ouvrir la porte. Elle arbore alors un sourire si lumineux que n'importe qui peut y croire. "Monsieur." Donne-t-elle en guise de réponse pour entrer dans son petit jeu.

C'est volontiers qu'elle glisse sa main aux doigts manucurés dans celle qu'il lui offre. Elle fait bien attention en s'extirpant de la voiture pour ne pas exposer son intimité et une fois debout, il lui offre un baiser sur la joue. "Tu m'as manqué aussi." Cette fois, le baiser se loge sur sa tempe et adoucit son rictus. Elle hausse les sourcils sous la surprise lorsqu'elle voit apparaître le joli bouquet de fleurs dans son champ de vision. "Oh! Mais non, oppa, tu n'aurais pas dû." Miyoung doit bien avouer que de ce côté, il a bon goût. Les fleurs sont absolument magnifiques. Elle se penche légèrement pour en humer leur parfum. Elle prend le bras qu'il lui offre en jouant les parfaites hypocrites petites-amies.

Le rose surplombe ton sourire qui n’en finit plus de grandir. À l’imagine du bonheur qu’elle t’inspire, c’est à ses côtés que tu brilles le mieux. Parce qu’à ton bras la grâce s’est installée, tu chantonnes cette phrase digne d’une série télévisée : « Ça me fait plaisir, même si elles ne sont pas aussi jolies que toi. » Peu habitué au faste, si ce n’est pour ses beaux yeux, tu la conduis à l’intérieur de l’étoilé. Moulures et dorures à la française s’étalent sous vos mirettes tandis que tu renseignes le maître d’hôtel.  

Ton bras quitte le sien et ta main épouse la nudité de son dos. Une découverte loin d’être désagréable, quoique embarrassante si elle venait à être découverte par un autre. Les doigts caressent l’échine dissimulée sous la chevelure de jais au moins le temps de rejoindre votre table. Les caresses cessent comme elles ont commencé, puisque tu tires maintenant la chaise réservée à son altesse. Inquiet quant à la place occupée, tu demandes quand même : « Notre table habituelle est indisponible, j’espère que ça ira... Ça va, tu n’es pas gênée par la lumière ? »

Plus près des grandes fenêtres, le soleil menace de faire de l’ombre à ton joyau. Tu t’installes tout de même en face de Miyoung, prêt à te relever et demander une autre table si c’est ce qu’elle souhaite. L’amour déborde de tes pupilles lorsque tu la regardes, c’est écœurant, mais t’es bien le seul à ne rien voir lorsque tu t’enquières de sa journée : « Comment s’est passée ta journée ? Vous avez réussi à trouver un cadeau au final ? » Si seulement tu savais...

Ignorant, tu lui accordes toute ton attention malgré le manque évident de détails. Bien loin d’imaginer qu’elle ait des secrets, tu bois ses paroles tel un élixir de vérité. C’est vrai Miyoung est si gentille et attentionnée, un modèle de bienséance, pourquoi diable s’abaisserait-elle à de vils desseins ? Fort de ces certitudes, aucun doute ne fragilise l’estime que tu as à son égard. Miroir de son sourire, tu commentes en ouvrant le menu : « C’est chouette, je l’espère aussi après tout le mal que vous vous êtes donné. » et tu parcours les lignes sans grandes attentions, ton choix est déjà fait.

Pourtant, tu prends ton temps pour l’imiter, faire comme si tu n’avais pas choisi le moins cher de la carte. Et la conversation suit son cours : « De mon côté, je ne suis pas mécontent non plus. » Tu te retiens de rire comme un gosse et affiche plutôt un air trop sérieux. Dans la poche intérieure de ta veste, tu récupères une petite enveloppe et la glisse sur le coin de la table. En ta possession, le billet jumeau de celui qu’elle contient ; et à la clé, un concert en guise de dessert. Devant son regard inquisiteur, tu anticipes : « Je t’avais dit que j’avais une surprise pour toi. »

Avant que la Reine ne puisse ouvrir la bouche, un serveur fait son apparition : comme prévu, tu optes pour le steak et son accompagnement plus riche que de simples frites. Tu laisses à Miyoung le choix du vin, bien qu’il ne soit pas nécessaire, tu n’y connais rien. L’homme disparaît avec votre commande et tu pries intérieurement : ( faites qu’il n’y en ait pas pour longtemps ~ ) pace qu’un autre événement vous attend ! Avec tout ça, la surprise s’est presque faite oublier, alors tu rappelles avec un peu trop d’excitation : « Ouvres la. »