Les mots résonnent inlassablement dans son esprit embrouillé par ses propres décisions, paroles de son meilleur ami dont elle n’arrive pas à se défaire malgré ses nombreuses tentatives de les ignorer. Elle le connaît presque par cœur et elle sait qu’il a voulu lui faire comprendre certaines choses, choses qu’elle a toujours soigneusement évité de prendre en trop grande considération. Mais le déni dans lequel elle s’est irrémédiablement plongée commence à peser bien lourd sur ses épaules, et surtout dans son cœur, épée de Damoclès au-dessus de sa tête, qui ne demande qu’à tomber et à tout ruiner. Sieun semble avoir cette fois-ci entendu ce que Haru a voulu mettre en évidence, leçon la plus élémentaire et importante : on ne peut pas jouer avec les sentiments des autres. Et la demoiselle s’est manifestement fait prendre à son propre jeu, à se brûler un peu trop les doigts, à davantage accepter les palpitations qui tambourinent et se manifestent bien rapidement quand elle est en présence de celui qu’elle est supposée duper. Promesse de ne pas tomber amoureuse de lui définitivement tombée à l’eau, dès l’instant où elle a compris qu’elle n’arriverait pas à rester davantage insensible à ce garçon pour qui elle semble nourrir un intérêt véritable.
Elle s’est lentement préparée pour la discussion qu’elle a voulu instaurer avec la demoiselle initiatrice du pari démoniaque, absurdité dont elle rêve de se défaire pour de bon, Sieun incapable de continuer ce qu’on lui a demandé d’exaucer. Rendez-vous improvisé dans un cours de peinture sur poterie, activité à la mode sur les réseaux sociaux ces temps-ci, espérances silencieuses que l’amie conviée la juge moins si elle est occupée par une tâche à accomplir, elle qui raffole des jolies choses. Eunchae ignorant les raisons malicieuses qui ont poussé Sieun à ne la voir qu’elle, fautive volontairement évasive, à avoir prétendu vouloir faire une activité avec elle pour resserrer leurs liens, ce qui n’est pas totalement artificiel. Anxiété qui la dévore au fur et à mesure de ses pas, à avoir trop chaud, à avoir trop froid, gamine sachant pertinemment qu’à évoquer la vérité devant Eunchae, cette dernière se moquera d’elle sans hésiter, Sieun qui ne s’est pas montrée assez maligne et qui est tombée la tête la première dans ce vilain jeu qu’est celui de l’amour. Elle marche nonchalamment jusqu’au lieu qu’elle a communiqué à son amie, réduisant sa cadence malgré son retard évident, comme un désir d'éviter ce qui est inévitable, discussion dont elle ne pourra se défiler une fois qu’elle sera assise face à Eunchae. La petite boutique se dévoile enfin, Sieun changeant son air préoccupé pour une mine plus réjouie, à sourire mécaniquement dès qu’elle passe le pas de la porte, indiquant son nom à la gérante qui l’amène immédiatement à la table réservée pour elles, Eunchae s’y trouvant déjà. Feindre le bonheur de la voir, agitation de son esprit qu’elle ne montre pas, accolade instantanée pour la demoiselle qui a dû l’attendre plusieurs minutes. Eunchae ! Excuse-moi pour le retard, il y avait plus de monde que d’habitude dans le métro aujourd’hui... C’est vachement mignon ici ! Compliments sur la décoration de l’endroit, belle blonde à qui elle adresse une risette sincère, écoutant soigneusement les indications de la dame. Avant de trouver leurs couleurs, elles doivent choisir les objets qu’elles veulent peindre.