Seul ce soir, tu restes dans le noir. Soojin rentrera tard, comme souvent ces derniers temps. Un ultime regard sur l’écran de ton téléphone, bientôt dix-neuf heures, il faudrait que tu te changes maintenant. Interminable soupir, tu optes pour une toilette express, sobre, mais efficace. Les rétines s’accrochent à leur reflet dans le miroir, va falloir que t’ais l’air moins agacé que ça. Une profonde inspiration et en un battement de cils, tu deviens ce que l’on attend de toi. Un fils modèle, peut-être même le gendre idéal pour certain ; pour toi, il ne s’agit que d’une vitrine, un rôle insipide que tu dois jouer.
Ton seul réconfort ce soir est sans doute la présence de Miyoung. Bien que cette histoire de dîner ne t’enchante guère, grâce à sa présence tu es sûr de ne pas t’ennuyer. C’est sans grande conviction que tu descends l’escalier menant au salon. Les mains dans les poches, tu jauges tes parents qui s’adonnent à leur rituel d’avant réception. Entendons par là, les plaintes de ta mère sur le choix de l’argenterie accompagnées de critiques cinglantes quant au désintérêt de ton père sur la question. Rien ne change dans cette maison... C’est d’un ennui. Accoudé à l’encadrement de la porte, ta posture en dit long.
« Ma présence est-elle bien nécessaire ? » que tu lâches en soufflant. Soudain l’attention de Maman est sur toi : « Soobin, s’il te plaît... » ne commences pas - voilà ce que veulent dire ses yeux. On sonne et c’est ta veste qu’elle ajuste, comme si tu avais encore cinq ans. Les globes roulent dans leurs orbites, tu restes en retrait. Papa est le premier à rejoindre l’entrée, le premier aussi à saluer vos invités. Tu surgis de derrière lui lorsque ton prénom est prononcé : « Bonsoir, c’est un plaisir de vous recevoir. » que tu agrémentes d’un sourire à vomir tant il est faux en serrant la main de Monsieur Seo.