“qu’est-ce que j’ai fait, pour que tu te retrouves ici ?”
non, maman, tu n’as rien fait. ce n’est pas de ta faute si quelque part, la connexion ne se fait pas. ce n’est pas de ta faute si le seul fils que tu as réussi à avoir, tu aurais préféré qu’il ne soit pas là. je le sais. tu ne me le dis pas, tu me couvres de câlins et de mots d’espoir, mais je le vois dans tes yeux. si c’est pour ça, n’aurais-je pas dû renoncer à le mettre au monde ? je suis désolé, maman. je suis désolé d’être brisé, de me jeter dans la piscine en plein hiver, enlevant précipitamment la bâche que tu as pourtant bien accroché. je suis désolé d’avoir pensé que tu lisais les messages échangés avec ringo, tout ça car j’ai cru détecter un regard, d’avoir jeté la vaisselle contre le mur. je ne suis pas désolé des étreintes que nous avons pu partager, je le suis d’avoir mouillé tes hauts de mes larmes. je suis désolé de n’avoir pas pu prendre sa place, d’avoir été celui à le faire fuir, même s’il avait déjà disparu au moment de mon premier cri.

tu peux m’en vouloir. je ne te le reprocherai jamais. je sais que tu le refoule et que ça te tue, je sais que tu détournes le regard car tu ne supporte pas de voir son visage en moi. je sais que tu voudrais m’échanger, remonter en arrière, le bébé contre le père. je sais que tu m’en veux, car en plus de l’avoir fait fuir, je t’ai ôté la possibilité d’avoir une autre chance. je le suis, l’essai et le dernier prototype, tu es coincée avec moi. je suis sorti comme la première crêpe, pas très belle et abimée, et tu dois faire avec, je m’en excuse à nouveau.

je suis désolée de ce que tu vas devoir dire au collège, pour expliquer mon absence, que je suis malade, mais sans dire quel genre de maladie, oui, tu ne l’avouerais jamais, non, il va aller mieux, une petite grippe, quelques semaines.. ah… tandis que je regarde les murs, avale mes cachets la mort à l’âme, pleure de frustration de ne pouvoir te parler, parler à ringo, parler à mes amis, parler aux gens, à d’autres gens, des gens qui ne me rappellent pas à quel point je suis cassé de l’intérieur.

ils m’enfermeront dans cette salle, avec cette femme qui me dévisage, et bientôt de frustration, j’attraperai les crayons, les pinceaux, le fusain, et je tâcherai de nombreuses feuilles. pendant des mois. rien que ça. une vie partagée entre les pigments et les lunettes du psychiatre qui sont bien trop rondes, parfaitement rondes pour ne pas me déconcentrer.

“sors de ton lit enfin !! tu dois aller en cours… qu’est-ce que je vais faire, moi, si tu passe tes journées à dormir ? est-ce que je dois les appeler ?”

que veux-tu. je ne sais pas si tu préfères que je sois abruti  ou trop émotionnel, quoi que je fasse tu es inquiète, je ne sais pas quel comportement adopter, et celui que tu veux je ne le connais pas. mon carnet de présences ne sera jamais parfait, mes journées ne seront jamais toutes remplies de sourires, laisse moi, s’il te plaît, laisse moi chercher un apaisement dans les rêves. demain je me lèverai, demain je me forcerai à y aller, laisse moi juste, pour aujourd’hui, juste aujourd’hui, j’ai besoin de faire une pause, une pause.

“je veux arrêter ce médicament. il ne me convient pas. je suis fatigué, je suis une larve, je ne peux rien faire ! je refuserai.. si, maman, je ne veux pas être mal, mais je veux être au moins quelque chose ! je ne peux pas vivre en étant.. mort de l’intérieur.”

on essaie. on regarde. je suis bien. je suis mal. je suis trop bien. je suis trop mal. mais au moins je vis. et puis j’ai l’impression d’y arriver de mieux en mieux, c’est vrai. et je sais que ringo peut me regarder avec un peu moins de peine quand elle me voit faire au lieu de me morfondre. je gérerai. je pourrai gérer. non. je ne gère pas. je veux que ça s’arrête. ça fait mal.

je ne sais pas quoi choisir. rester sur ma barque, perdu au milieu de l’océan, sans choix, sans possibilités, sans envie. ou la mener dans les vagues trop violentes, risquer de me noyer, me laisser porter, dériver, arriver je ne sais où.

je choisis toujours la deuxième possibilité. avant de prendre peur. de revenir. de m’accrocher. de souffrir. et de repartir.

+ hospitalisé pour la première fois à ses 13 ans en service de pédo psychiatrie. les noms de diagnostic ont changé selon les années, personne n’est jamais sûr, mais trouble bipolaire, c’est ce qui est revenu le plus souvent. il alterne entre épisodes dépressifs et épisodes maniaques.
+ il passe parfois plusieurs journées dans son lit, parfois plusieurs journées sans pouvoir fermer l’oeil
+ il reste une personne qui a de l’espoir, qui est positive et qui fait tout pour le bonheur des gens autour de lui. la culpabilité n’en est que plus forte quand il impose ses difficultés à son entourage malgré lui, ou quand ses conduites irresponsables peuvent directement affecter ses proches.
+ sa mère lui a acheté un furet à ses dix huit ans, il l’a appelé Tipsy, et l’a encore avec lui aujourd’hui. il essaie de le garder sur lui autant qu’il peut, mais doit parfois le laisser tout seul dans sa chambre. la plupart du temps, il arrive quand même à le cacher pour pouvoir l’amener en cours et tout le reste. c’est un furet très nerveux, et ils fonctionnent souvent en miroir dans leurs moments compliqués.
+ son appétit varie selon son état, il peut oublier de manger comme avoir une très forte envie d’un certain type d’aliment tout d’un coup. il n’a pas de troubles alimentaires, ce n’est qu’un reflet de son humeur psychique.
+ a toujours été très bon en cours, sans travailler. cela a souvent fait la rage de ses camarades qui ont eu tendance à le rejeter plutôt qu’à l’accueillir. il pouvait être absent un long moment, revenir et avoir la meilleure note au contrôle. on disait qu’il trichait. mais il avait tellement peur de faire mal qu’il travaillait à fond la veille ou le matin même : sa mémoire lui permettait de réussir avec si peu. il n’a jamais été heureux d’avoir une bonne note, il ne l’a jamais sentie “mériter”. il ne sait pas faire d’efforts.
+ puisqu’avant, ses phases maniaques pouvaient passer par des achats excessifs, c’est sa mère de loin qui contrôle ses dépenses et qui fait en sorte qu’il ne fasse pas n’importe quoi. d’ailleurs, il a du aller faire maitre nageur à la piscine pour repasser dans le vert à un certain moment. Il continue le travail car il lui convient et lui permet d’avoir de l’argent de poche
+ passé un certain seuil, ses sens lui font mal. si une pièce est trop éclairée ou pas assez, il peut ressentir une gêne ou même une douleur (selon les seuils), pareil si la musique est trop forte. il est régulièrement assailli par des odeurs fantômes et ne peut pas se concentrer avant d’avoir trouvé d’où elles viennent, et s’il adore le contact physique qu’il engage, il n’aime pas qu’on empiète sur son espace personnel. pour supporter, il doit contrôler.
+ a des tendances hypocondriaques sans vraiment l’être. mais à chaque fois que quelque chose ne va pas dans son corps, il pense avoir une maladie, et que pouvoir savoir qu’il a cette maladie et être traitée pour va résoudre tous les problèmes qu’il a eu jusqu’à présent. ça lui redonne de l’espoir. il passe beaucoup de temps sur google.
+a tendance à s’inquiéter si on ne répond pas à ses messages, et se fait tout un tas de films dans sa tête jusqu’à être sûr que la personne est saine et sauve
+ s’est mis à la musculation il y a un an pour essayer de calmer son corps et son esprit. il a des phases où il en fait jusqu’à avoir bien trop mal et à risquer des blessures graves. c’est son échappatoire.
+ complimente souvent les autres, les pousse à travailler sur leur confiance, leur estime, les rassure, mais est incapable de faire ça pour lui même. il écarte les compliments, est incapable de sentir de la fierté pour ce qu'il accomplit.

c'est narae les gens je me présente pas