Son regard se perd sur la ville. Ses ongles tracent des lignes invisibles, de cercles et d’éclipses. Il souffle au loin la fumée, inspire et expire. Son cœur qui bat enfin, parce qu’il n’a pas l’impression qu’il l’ait fait toutes ces années qu’il a vécu. Il n’a été qu’un pantin, bougeant au gré des désirs paternel. Tout contrôlé. Chaque mot et regard passant presque par une minutieuse censure. Pas assez bon pour toutes leurs expectations. Son cœur tambourine. L’excitation et la peur mêlée, il ne sait même pas faire la différence entre l’un et l’autre.

Libre.

L’est-il vraiment ? C’est difficile à croire. Il regarde sa montre. 9:30. Il devrait être en train de passer son examen final, comme le reste des étudiants. Celui qui concrétiserait tout. Six années déjà d’études, de labeur. Mais Iseul a enfin les couilles pour tout lâcher et dire non. C’est terminé. Derrière lui. Il ne tentera plus de plaire aux autres et se tuer à essayer de rentrer dans ce moule que ses parents lui ont préparé. Fait dans du feu et des lames. Il sent chaque cicatrice sur chaque parcelle de sa peau, pourtant invisible à l’œil nu. Il ne veut même pas imaginer la tête de son père à la nouvelle. Son fils ne sera pas médecin. Il ne suivra pas le chemin qu’avait pris chaque membre de sa famille avant lui. Il l’a lâché, elle aussi. Cette jeune femme que ses parents l’avaient obligés à fréquenter. Un simple message, trouve-toi quelqu’un de mieux, il ne lui a rien offert de plus.

Libre et pauvre.

Un rictus travers les lèvres d’Iseul devant sa carte bancaire bloquée. Il pourrait presque entendre la voix de sa mère, ne fais le gosse et reprends tes esprits. Une façon de l’intimer à leur obéir à nouveau. Mais cette fois, il ne courbe pas le dos. Pour la première fois, il s’essaye à enchainer des petits boulots. Livreur, serveur, masseur dans un sauna gay…Des boulots dont il n’a jamais soupçonné l’existence. Et il reçoit une aide extérieure, après des mois. Cet homme qu’il appelle son ange gardien. Il n’a pas de nom, pas de visage. Il ne le reconnaitra même pas dans la rue. Il n’est même pas certain que ce soit un homme.

Il reprend ses études, cette fois totalement différentes et bien plus courtes que celles d’avant. Il teste un peu de tout. Toujours sous ce soutien mystérieux.

Curieux.

Iseul se fait doucement un nom. Il ne fait pas partie des plus grand mais depuis un an à peu près il commence à plus se faire connaitre, les prestigieux restaurants font appel à lui, son visage est reconnu. Ses parents, toute sa famille, lui sont devenus étrangers. Alors il a perdu espoir en eux aussi, en la moindre possible réconciliation.

Peu importe.

le jeune homme aime l’art, sous toutes ses formes, il peut passer sa journée dans une galerie ou une exposition sans jamais sentir le temps passer. Dans le salon, il y’a ce gros piano, sa mère adore cet instrument alors il a appris à y jouer, simplement pour lui faire plaisir, pour voir ce petit éclat de fierté dans ses yeux. Il appris à l'aimer. Les ballades, le matin, sans but, errer ici et là. Remonter les manches de sa chemise blanche et ouvrir le capot de sa voiture pour trafiquer je ne sais quoi, finir les vêtements sales et chez un mécanicien. Sortir au balcon de son appartement et balancer ses jambes dans le vide, une bouteille de whiskey à la main, sentir son cœur battre. Les ballades nocturnes, aussi, les visages sans noms qui se bousculent alors dans son lit, jamais les mêmes. Simplement sa vie.

bonjour, je ne suis pas surprenante