Regard perdu vers les lumières de la ville. Il n’est qu’un enfant et il aime s’isoler dans le balcon de sa chambre. A l’intérieur, il n’y a que les disputes. On parle de son avenir alors que lui hésite encore entre passer l’après-midi à dessiner ou bien à jouer avec sa petite voiture. On veut en faire un adulte bien trop tôt. Il refuse, mais ça ne dure pas bien longtemps. Maman veut le voir devenir médecin, ils sont tous médecins dans la famille. Papa le préfère en politicien comme lui. Et les cris montent en crescendo. On lui demande son avis et lui ne fait que les regarder. Iseul veut devenir collecteur d’étoiles. Il ne comprend pas ce qu’il dise. Il ne se rend pas encore compte que sa vie ne lui appartiendra jamais. Ce sera l’un de ces deux avenirs et ce n’est même pas à lui de décider. Pour ses parents, c’est un jeu de domination, qui aura le dernier mot ?
Iseul grandit, prend de la hauteur. A présent, il doit presque courber le dos pour déposer un baiser sur la joue de son paternel. Il sourit de ce mélange de gêne et de fierté qu’il voit dans le regard de papa. Il s’en amuse. L’homme aux cheveux gris le remarque et lui assène une claque aux fesses. Ils rient ensemble. L’adolescence a été une des phases les plus tranquilles de sa vie. Il n’y avait plus de cris à la maison, ses parents semblent s’entendre à nouveau. Il pense naïvement qu’il sera laissé tranquille, il ne se doute pas que le choix a déjà été fait.
Son menton posé contre le rebord de son éternel balcon, une bouteille à la main. C’est en cet instant qu’Iseul ressasse de vieux souvenir. Il se rappelle surtout qu’un jour à sa dernière année de collège. Il y’avait ce garçon, un petit être chétif que les autres martyrisaient. Il l’avait aidé à plusieurs reprises sans vraiment y porter attention. Iseul n’a jamais eu peur des représailles, il est trop riche pour qu’on s’attaque à lui, trop grossier et violent aussi. Il n’est pas certain de ce qui dissuade les autres le plus. Mais cette fois, les bourreaux de ce garçon étaient allés trop loin.  Iseul les fit déguerpir à nouveau à coups de poings et d’insultes. Heureusement qu’il a fait vite parce qu’il n’a qu’à se tourner pour voir que le garçon était au bord du toit, prêt à sauter. « Hey descend de là et fais pas le con, je me suis pas fait chier à te sauver pour que tu sautes. » Il avait un sourcil levé et un air mauvais sur le visage. Ce serait trop facile de sauter après tout ça et il n’avait aucune envie d’avoir une mort sur la conscience. Il n’a plus revu ce garçon, Iseul a été envoyé finir le lycée aux États-Unis. Il pense à lui parfois, se demande ce qu’il est devenu, s’il a repris sa vie en main ou a fini mort quelque part.
Cela fait à peine un an qu’il est revenu en Corée du Sud suite à la demande de ses géniteurs. Il sait qu’ils ont compris que l’avoir loin d’eux réduisait leur influence. Il est déjà assez ingérable ainsi. Iseul a compris un moment que c’est papa qui a gagné ce petit jeu quand il s’est vu inscrit en sciences politiques. Au final, ça ne le dérange pas, il sait qu’il ne pourra jamais collecter des étoiles.

le jeune homme aime l’art, sous toutes ses formes, il peut passer sa journée dans une galerie ou une exposition sans jamais sentir le temps passer. Dans le salon, il y’a ce gros piano, sa mère adore cet instrument alors il a appris à y jouer, simplement pour lui faire plaisir, pour voir ce petit éclat de fierté dans ses yeux. Il appris à l'aimer. Les ballades, le matin, sans but, errer ici et là. Remonter les manches de sa chemise blanche et ouvrir le capot de sa voiture pour trafiquer je ne sais quoi, finir les vêtements sales et chez un mécanicien. Sortir au balcon de son appartement et balancer ses jambes dans le vide, une bouteille de whiskey à la main, sentir son cœur battre. Les ballades nocturnes, aussi, les visages sans noms qui se bousculent alors dans son lit, jamais les mêmes. Simplement sa vie.

bonjour, je ne suis toujours pas surprenante   iseul passe sous le bistouri et perd quelques années