« Scarlett come here. » De simples mots. Comment de simples mots pouvaient-ils l’effrayer à ce point. Ce n’était que des mots. Ce n’était que son homme, son mari, qui lui demandait de venir, rien d’autre. Alors pourquoi ses jambes tremblaient-elles sous son poids ? Pourquoi elle se sentait incapable de faire un pas ? Pourquoi elle avait si peur ? Pourquoi ? Et depuis quand aussi ? Depuis quand l’homme qu’elle aimait, qu’elle aimait tant d’ailleurs lui faisait à ce point peur ? Et si la peur embrasait ses sens, glaçait son sang, docile, elle se releva péniblement la joue encore douloureuse d’une gifle qu’elle avait reçue pour ne pas avoir fait un repas convenable et s'avança en direction de son mari, de son tendre Andrew qui avait perdu la tendresse dans ses gestes pour quelque chose de plus sec de plus acide comme la bile qu’elle sentait là au fond de sa gorge. Il était beau Andrew. Tellement beau avec ses cheveux blonds, sa peau pâle et ses yeux bleus métallique, si clairs qu’elle s’y était souvent perdue dedans. Il était grand aussi, de cette taille autrefois rassurante quand il la protégeait, de cette taille qui l’avait fait porter des talons pour essayer de voir l’univers de cet homme qu’elle aimait tant. De cette taille qui lui faisait se sentir si petite à présent tandis qu’il la surplombait, sa main venant s’enrouler autour de sa mâchoire tandis qu’il la forçait à relever la tête dans un gémissement plaintif qu’elle eut du mal à contenir. « You love me, right ? So why are you doing this? Why can't you be the lovely wife I've married? Scarlett I know … I know you try, but it's not enough. » Et les larmes étaient difficiles à contenir. Elle l’aimait tellement. Assez pour avoir changé pour lui. Assez pour avoir arrêté le droit pour le soutenir dans son entreprise, assez pour avoir mis son futur de côté et être une bonne maîtresse de maison, assez pour avoir avorté parce que ce n’était pas le bon moment. Assez …

Assez pour que les coups deviennent son quotidien,
Que son sourire se fane et que ses yeux se vident.

Mais elle avait beau tout faire, et ce n’était jamais suffisant, jamais, elle essayait vraiment. Il n’aimait pas sa peau tannée naturellement, elle faisait importer des crèmes blanchissantes de Corée pour avoir un teint de porcelaine, il n’aimait pas ses cheveux blonds, elle les avait teints en noir. Il n’aimait pas son rire, elle avait appris à le faire plus discret, des yeux bleus, elle mettait des lentilles, trop de formes, elle mangeait moins. Elle avait tout tenté pour devenir ce qu’il voulait qu’elle soit. Mais ce n’était suffisant alors quand elle avait pris une première gifle elle avait hurlé Scarlett, elle lui avait dit de recommencer et elle partirait. Il l’avait battue jusqu’à l’inconscience. Au matin elle s’était réveillée avec un homme aux petits soins pour elle et tellement de remords, d’inquiétude dans ses yeux, dans sa voix qu’elle avait pardonné. Ce n’était qu’un dérapage après tout. Andrew l’aimait. Et il y en avait eu d’autres, des dérapages, des coups, des insultes, des nuits douloureuses. Et doucement une routine amère s’était installée piégeant la jeune femme à l’intérieur sans qu’elle ne puisse s’en sortir. Elle n’avait pas voulu s’en sortir au début, elle l’aimait, alors elle s’était dit que c’était passager que ça passerait. C’était rassurant comme pensées. Scarlett était quelqu’un d’optimiste de base, joyeuse petite étincelle, toujours pleine de vie. Mais le sourire s’était fané, et la jeune femme pleine de vie était devenue quelqu’un d’effacé, de craintif, l’ombre d’elle même.

Et la jolie Scarlett s’était retrouvée encore avec des bleus sur le corps, à trois heures du matin à s’enfermer dans la salle de bain. Elle s’était encore retrouvée devant le miroir à suivre les nouveaux bleus, les anciennes marques, la trace de main autour de sa gorge qui se dessinait joliment sur sa peau, la pâleur de ses traits, les cernes sous ses yeux. On était loin de cette image qu’elle avait toujours montrée, cette image pourtant si représentative d’elle. On était loin de la jeune femme avec un avenir tellement prometteur, celle qui se voyait déjà avocate de renom. On était loin de la jeune lycéenne adulée par tous et appréciée pour sa gentillesse et sa joie de vivre, loin de cette fille qui hurlait et scandait le nom des joueurs de l’équipe de football américain, tandis qu’elle présidait les cheerleaders, son sourire éclairant son visage comme un soleil dans le ciel. On était loin de la jolie demoiselle qui riait sur la plage avec ses amies, de celle qui courrait dans son jardin fuyait son frère qui la menaçait avec un tuyau d’arrosage. On était loin de ces temps appréciés et chéris où sourire n’était pas si difficile. On était loin de tout ça. Et finalement assise au sol, Scarlett s’entrainait, durement, sans répit pour ses pleurs, à sourire, à sourire encore et encore, parce que c’était plus facile en souriant. Tellement plus facile. Et quand elle eut son frère au téléphone le ‘je vais bien’ eut moins de mal à passer ses lèvres tandis qu’elle lui demandait de ses nouvelles, savoir s’il allait mieux, détournant habilement la conversation, sa voix ne flanchant pas une seule fois, tandis qu’elle restait alerte dans cette salle d’eau, le regard rivé sur la poignée de la porte, craignant toujours qu’elle s’abaisse.

Les appels à l’aide ne retentiraient pas ce soir.
Scarlett se tairait encore une fois.

Elle avait tenu quatre ans … Moins quand on comptait les premiers mois de bonheur. Même pas un an après son mariage, Scarlett savait déjà comment masquer les bleus sur sa peau. Elle avait quitté son foyer, pour aller vivre avec son copain, un homme plus âgé qui tenait les rênes d’une entreprise florissante. Il l’avait conquise alors qu’il repassait dans son ancien lycée un projet de sponsorisation à signer, et qu’elle lui était rentrée littéralement dedans comme dans un vieux film romantique. Elle lui avait fait visiter le lycée au final, joli cœur de seize ans dans son uniforme de cheerleader. Six mois plus tard ils étaient ensemble, et à sa sortie du lycée, son diplôme en poche, elle quittait sa cérémonie de fin d’année avec deux valises et des rêves plein le cœur. Deux semaines après le lycée, un sept juillet sous un soleil de plomb, elle devenait Scarlett Hampton et partait en voyage de noces aux îles canaries. Et elle ne savait pas Scarlett, elle ne savait pas où tout ce bonheur s’était perdu, elle ne savait pas ce qui avait pu se détraquer comme ça. Mais alors qu’elle avait vingt-deux ans, alors que les marques sur sa peau se faisaient trop prononcées, trop là, trop sombres et qu’elle n’avait bientôt plus que la peau sur les os, elle qui n’avait jamais osé quitter la maison récemment, qui ne pouvait plus la quitter de toute façon, décida de quitter sa prison, de quitter cet homme qu’elle avait tant aimé mais qui ne lui rendait pas. Enveloppé dans un chandail qu’elle avait pris à la va-vite, ses papiers, quelques billets, elle n’était parti avec rien d’autre si ce n’est son téléphone, un message pour Owen, son tendre frère lui disant qu’elle rentrait à la maison. Scarlett n’avait pas eu le courage de lui expliquer pourquoi. Pourquoi elle revenait dans cette maison où ses parents ne voulaient plus la voir, pourquoi elle revenait alors qu’elle était sensée vivre un conte de fée. Et dans le taxi, recroquevillée sur elle-même, elle avait tout fait pour ne pas pleurer. Ses yeux fixés sur cet anneau d’or blanc, elle avait tout fait pour ne pas éclater en sanglot, pour ne pas crier à l’injustice. Elle avait juste souri Scarlett, donné les quelques billets qu’elle avait au chauffeur tandis qu’il lui donnait un mouchoir. Et quand elle était enfin sortie de la voiture, ses larmes qui n’avaient toujours pas coulées rendant ses yeux brillants, elle avait souri à son frère qui l’attendait devant la porte de la maison. Et même quand ce grand garçon qu’elle n’avait pas vu depuis quatre ans à présent la serra dans ses bras, au lieu de fondre en larmes comme elle aurait du le faire, Scarlett ne fit que féliciter son petit frère d’être sorti, d’avoir pris sur lui. Au détriment d’elle-même alors qu’il pleurait, lui disant qu’il ne savait pas, il s’excusait, et elle souriait vraiment, Scarlett elle souriait tendrement jusqu’à ce que la pression retombe et que son corps frêle ne s’effondre dans les bras pas plus musclés de son frère.

Réveil à l’hôpital, elle avait eu peur. Peur de ne pas avoir réussi à s’enfuir, peur qu’au final si elle était dans cette petite chambre blanche sentant les antiseptiques c’était parce que son amour, non Andrew avait frappé trop fort. Mais dans sa main il y avait celle de son frère, et il était là à ses côtés, un regard protecteur sur elle, lui promettant qu’elle ne remettrait pas un pied chez cet homme, qu’elle ne le reverrait jamais. Parce que le bilan n’était pas joli, non. Le médecin qui était venu lui expliquer tout ce qu’elle avait, avait la mine grave et un air sombre. C’était des bleus d’abord, des contusions, certaines laisseraient des traces comme quelques brûlures, d’autres non avec de la crème cicatrisante. C’était aussi des os cassés et mal réparés, c’était l’impossibilité de refaire de la gym à un haut niveau, c’était des douleurs parfois. Mais c’était aussi un poignet cassé encore et encore sous une poigne trop forte, un poignet qui ne guérirait pas et l’injonction d’apprendre à devenir gauchère. C’était une liste de blessures qui n’en finissait pas, c’était aussi la douleur au niveau de son ventre et le fait qu’elle venait de sortir d’une opération, qu’elle ne pourrait sans doute jamais avoir d’enfants, pas avec un avortement alors qu’elle était déjà sujet au stress, pas avec les coups qu’elle avait eus. C’était l’idée qu’elle était brisée, et qu’on l’avait mal reconstruite pour qu’elle plaise aux yeux d’une seule et unique personne. C’était douloureux. Vraiment c’était douloureux. Et la convalescence à l’hôpital fut longue, l’acceptation aussi. Parce que Scarlett se refusa à pleurer. Elle se refusa à verser des larmes sur quelque chose qui était de son propre fait. Owen pleura pour elle de toute façon. Il pleura pour ce gâchis, parce que vraiment c’était du gâchis. Il lui fallut aussi du temps à Scarlett pour pardonner à ses parents, de ne jamais l’avoir recontactée, de ne pas y croire quand elle leur disait que tout ça ce n’était pas une agression mais bel et bien que son mari la battait.

Et ça aurait pu recommencer. Ca avait failli, avec le coup de téléphone de la part d’Andrew, un parmi tant d’autres, promettant qu’il la retrouverait, que Scarlett lui appartenait, que si elle n’était pas à ses côtés elle était mieux morte. Et c’était la peur au ventre, à la sortie de l’hôpital qu’elle avait pris l’avion dans l’urgence, avec son tendre petit frère qui se refusait à la lâcher, pour Seoul, loin de la Californie, loin des Etats Unis, loin de lui. Et il avait fallu réapprendre à vivre, se refaire une vie, une identité, tenter d’oublier sans forcément y arriver. Elle était retournée à l’université Scarlett, son vieux rêve de devenir avocate entre ses fines mains, elle avait intégré la prestigieuse université de Seoul, le coréen coulant facilement entre ses lèvres, l’anglais lui faisant horreur, pour continuer son cursus de droit, des idées plein la tête de pouvoir défendre les malheureux, les orphelins et les opprimés. Et si sur le plan étude ça allait, sur le plan professionnel aussi elle s’en sortait, un petit boulot à la bibliothèque de la fac pour se tenir occupée, pour ne pas se rappeler, mais il y avait des nuits où c’était plus difficile, des jours aussi. Et si la nuit elle avait l’excuse de prétendre avoir peur du noir, la journée, elle prenait sur elle, ou allait un instant s’éloigner pour gérer la panique, l’angoisse. Et ça fait deux ans maintenant. Deux ans qu’elle arpente Seoul, les peurs toujours là derrière un grand sourire, une joie de vivre réelle malgré tout, les papiers du divorce jamais signés, à vivre, à sourire, à rire et à se rappeler que la vie mérite quand même d’être vécu, parce que vraiment le monde était toujours beau.

elle a la peau naturellement bronzée elle tient ça de maman qui doit avoir du sang portugais dans les veines + elle n’est pas très pudique et clairement ça ne la dérange pas de se promener en petite culotte sur le balcon + lorsqu’elle rit tout le monde l’entend, elle n’a pas été élevée pour passer inaperçu + elle est un pur produit américain de la côte ouest avec des cheveux décolorés bien souvent, les mini shorts et les petits hauts, de même que sa peau bronzée + elle est partisane des pulls trois fois trop grands et pique sans vergogne ceux de son frère + dans le genre cliché elle a été capitaine de l’équipe de pompom-girl de son lycée et elle a fait pendant très longtemps de la gymnastique artistique + même si elle ne se trouve pas belle, elle passe facilement deux trois heures dans la salle de bain le matin au grand damne de son frère + elle a une collection de maquillage digne d’un professionnel + elle trouve ça moche l’accent des coréens quand ils parlent en anglais + elle a été éduqué dans un environnement très catholique et devait aller à la messe tous les dimanches, si elle n’est pas pratiquante, elle croit quand même en dieu malgré tout + la première fois qu’elle a voulu décolorer ses cheveux (de base châtains) elle a entrainé son petit frère dans cette histoire et il a fallu expliquer aux parents pourquoi alors qu’il avait 10 ans, il arborait une magnifique couleur platine + elle n’a jamais été le genre de grande soeur vicieuse, bien au contraire elle a toujours pris son rôle de grande soeur au sérieux et a passé son temps à pouponner owen et à le trainer partout avec elle + elle était du genre à attendre le car de l’école primaire alors qu’elle était déjà au collège pour aller câliner son frère après les cours et être la première personne qu’il voit + elle a eu sa première cuite à quatorze ans, et s’est juré de ne plus jamais boire + elle se cantonne donc aux panachés et aux cocktails sans alcool + elle n’est pas en si bon termes que ça avec ses parents, même si elle apprécie grandement leur aide financière + elle ne veut plus jamais remettre un pied à san francisco alors qu’elle adore cette ville + elle est allergique aux poireaux, même qu’on ne la croit jamais + elle a encore du mal à dormir seule et va souvent se faufiler dans le lit de son frère avec un oreiller, trouvant toutes sortes d’excuses alors qu’elle en a pas besoin + elle a peur du sang aussi, et elle a déjà de nombreux malaises à la vue de celui-ci + elle a camouflé une longue cicatrice sur son ventre par un tatouage et ce jour là, elle a sans doute broyé la main de son frère + elle a été dans une relation abusive pendant quatre ans et quelques mois + même qu’elle a été marié à cet homme et qu’elle l’est toujours + elle s’est d’ailleurs mariée à ses dix-huits ans après avoir quitté la maison de ses parents qui n’approuvaient pas + elle n’a vécu que pour lui quasiment et a abandonné ses études de droits après sa première année à berkeley + si elle tenait le coup c’est parce qu’elle avait quasiment tous les jours son petit frère au téléphone qui est par ailleurs ultra protecteur avec elle,  d’ailleurs si vous voulez sortir avec elle, il faut réussir l’interrogatoire du petit frère + lors qu’elle a enfin eu le courage de quitter sa maison, son foyer pour revenir chez ses parents ils ont eu du mal à admettre qu’elle se faisait battre par son mari ce qu’elle a très mal pris + suite à des menaces de son époux, elle a fuit avec son frère, qui est et restera son soutien émotionnel, en corée du sud remerciant le fait que leur père leur ait appris sa langue maternelle + elle a repris ses études de droit à séoul et travaille à la bibliothèque universitaire pour essayer d’être indépendante, chose qu’elle n’a jamais été

je me surprends moi même à être de retour ici encore une fois, genre pour la cinquième fois. mais j’ai une excuse : c’est une fille. voilà, j’suis okay pour qu’on me rappelle ma faiblesse now ou qu’on m’appelle faiblesse tout court.

(cedou avait raison en me disant que je finirais avec 5 comptes.
j'ai ri à l'époque et voilà quelques mois plus tard le résultat orz.   )