Sooli est une femme d'action. D'action si possible rapide et déraisonnable.
Alors, tirer à l'arc, très peu pour elle.
Mais tirer à l'arc en réalisant tout un tas de petits défis truculents, définitivement pas pour elle.
Pour Sooli, c'est sûr, trois petits gages un peu dangereux, mais surtout très cons, ça fera pas du tir à l'arc un sport intéressant.
Mais elle a surmonté le basket, alors hors de question d'abandonner avant la natation (parce que, ça, c'est du vrai sport pour elle).
Et c'est comme ça qu'elle part piocher un petit papier.
« Tir en regardant le ciel pour compter les étoiles »
Y a peu de gens qui auraient sérieusement levé la tête.
Y a que des cons qui auraient réellement cherché des étoiles.
Et y a que Sooli pour en trouver.
Sur la robe de la directrice, trois petites étoiles. Alors c'est pas vraiment le ciel, mais la directrice Han est tellement au-dessus de tout que c'est exactement la même chose.
C'était sans doute le petit papier blague qui devait bien faire rire celui qui le piocherait, mais pour Sooli, c'est juste le petit papier chiant qui l'a faite réfléchir.
Et réfléchir, ça la met de mauvaise humeur. C'est une femme d'action, vous entendez ?
Alors elle compte les trois étoiles de la directrice à voix haute (si elle avait été de bonne humeur, elle aurait compté version gwiyomi), se place devant la cible 3 (ironie du sort) et tire la flèche.
Sans viser.
C'est trop surfait pour les femmes d'actions.

Pourquoi sa flèche a atterri dans la cible ?
Pourquoi elle a tué personne ?
Pourquoi est-ce qu'elle commence à sentir un peu d'excitation grimper le long de sa colonne vertébrale ?
Il s'est pourtant rien passé de folichon.
Ok, elle a peut-être souri comme le Cheshire Cat quand Hanja a tiré son papier. Elle a peut-être rigolé comme une merde quand il s'est mis à implorer sa môman de le délivrer du supplice des glaçons. Elle est peut-être tombée à terre quand il s'est loupé comme pas permis. Elle a peut-être suffoqué quand elle a vu la tête de Julian avec sa pomme entre ses dents.
Peut-être.
Aucune importance : encore une fois, une épreuve sérieuse s'est transformée en centre aéré pour enfants stupides.
Et c'est exactement pour ça que Sooli part piocher un nouveau papier avec entrain.
« Tir dos à la cible »
Ah oui.
Mais non.
« Impossible, je vais tuer des gens ! »
Ou bien elle est dans une université de kamikazes, ou bien tout le monde s'en fout de ce qu'elle a à dire.
Obligé c'est des kamikazes, pas vrai ?

Du coup, elle s'avance (« c'est leur responsabilité, pas la mienne ») choisit l'emplacement le plus éloigné des gradins, la cible 10, et essaye de placer son arc.
Elle finit par le coincer sous son bras, et d'une certaine perspective, on dirait qu'elle s'est empalée avec sa flèche.
Alors qu'en vrai, dans cet instant précis, la seule personne qui a une probabilité de finir perforé par une flèche inférieure à 30%, c'est elle.
« Tous aux abris, » murmure-t-elle avant de tirer.
Elle sait pas encore où a atterri la flèche, mais en tout cas, personne semble agoniser trop bruyamment.

Cette fois-ci, y a rien à questionner. La flèche a juste percé le sac d'un étudiant, mais c'est encore un de ces mecs qui va mettre un énième thermocollant Nirvana dessus, et qui est secrètement en train de béatifier Sooli pour lui avoir donné une raison valable d'en foutre un de plus.
Elle part se rasseoir un court instant, et elle assiste à quelques défis... étranges.
Si elle croyait que se plaindre d'être dos à la cible était justifié, cette fille qui tire avec ses dents lui fait comprendre qu'elles sont pas au même level. Parce que, sérieusement, ça doit niquer la mâchoire. C'est un coup à foutre en l'air un traitement orthodontique de trois ans et quelques millions de boules.
Elle espère qu'elle va bien. Sincèrement.
Les dents, c'est la vie. Les dents, c'est la jeunesse, c'est manger, c'est sourire.
La vie serait terrible sans dents.
Terrible.
C'est à nouveau à son tour. Elle prend son troisième papier : « Tir accroupi. »
Petit joueur.
Elle se baisse tout de suite face à la cible 7, parce que askip c'est le chiffre de Dieu — ce qui est un bonus non-négligeable, surtout pour les athés comme Sooli.
Et il lui manquait juste un élèment : elle peut plus mater la cible. Ses cils l'empêchent de proprement voir là où elle doit tirer.
Ça va être folklo.
« Je vais vraiment tuer des gens... »
C'est bien connu, ça commence avec des sacs éventrés, et ça finit avec des dos criblés de flèches.
C'est la base de la base.
Et rien que d'y penser, ça la fait marrer.
Karma dégueu.
Karma des gueux.
Trop drôle, putain.
Elle se marre encore plus fort.
Laissez-la respirer.
Relevez-la.
Ah, ça va mieux.

Seule, accroupie, secouée de spasmes de rire, avec un arc dans les mains, on dirait juste un chasseur sous LSD parti pisser pour finalement tomber nez-à-nez avec une biche de satin aux bois dorés et aux cheveux de licorne azurée. Elle a pas spécialement l'air d'une flèche.
D'une flèche, putain.
C'est des pures barres.

En vrai, laissez-la juste tirer qu'on en finisse.