i. chapitre 1 ; incipit

Bora c'est la gamine un peu cabocharde, toujours à côté de la plaque, celle qui rigole très fort, celle qui sourit souvent. Impertinente, certainement mal élevée. On dirait pas comme ça, qu'en fait elle est paumée, qu'on l'a propulsée dans un monde d'adulte bien trop tôt, un monde où on lui a demandé de connaitre se place, et de ne jamais déborder. Jamais exister. Bora c'est une batarde, une fille illégitime comme on dit poliment. Le fruit d'un écart de conduite de Papa, ceo d'une agence de divertissement comme il en fleurit beaucoup en Corée, avec la jolie chanteuse chinoise de son nouveau groupe phare. Personne n'a rien vu, jusqu'à la principale intéressée. Huit mois que ça se tramait sous sa peau et voilà qu'on met un nom à ses maux de ventre. Grossesse. Foetus. Bébé. Bora. Elle est l'aboutissement du déni. Et c'est dans les bras de son père que sa mère la place sur le champ. Fallait se débarrasser de ce monstre, guérir de sa tumeur qu'avait fleurit du jour au lendemain dans ses entrailles. La mère disparait. Les médias diront suicide, mais personne connait vraiment l'histoire, et Bora reste un secret. Un secret imposé par la femme légitime de son père qui n'acceptera jamais la tromperie de son mari. Ce même mari qui par culpabilité fermera les yeux sur la rancoeur de son épouse envers sa fille. Sa si précieuse fille qu'il écartera finalement du domicile familiale pour la protéger du dragon qu'est devenue sa belle-mère.

i. chapitre 2 ; childhood

Bora n'a jamais grandit sans une maison. Dès l'âge de six ans elle a été placée dans un des dortoirs de l'agence de son père. On l'a pris pour une aspirante à la célébrité, comme tant d'autre. Elle dansait plutôt bien, et sans voix n'avait rien d'exécrable, même si elle n'a jamais trop aimé chanté. Puis elle était là sur décision du président, alors personne n'avait trop rien à dire. Tour à tour elle est passée d'orpheline à fille gâté d'un riche investisseur, sans qu'on ne sache trop comment la qualifier. Bora parlait pas de sa famille. Elle parlait peu tout court. Surtout avec les adultes, y avait un genre de gêne, le sol captait ses yeux et ses mains qui devenaient moites. Elle connait sa place, elle sait qu'elle en a pas. Alors elle se fait oublier.

i. chapitre 3 ; teenage & more

le milieu de son absence est marqué par la mort de sa meilleure amie et compagne de dortoir, SUA, qui s'est laissée tomber dans le fleuve Han après avoir été mise à genoux par un scandale médiatique. Bora garde le sentiment terrible d'avoir contribué à sapé sa carrière sous l'influence de Soo Yun.
Durant le lycée, elle s'ouvre davantage, abandonne les cours de danse à l'agence qu'elle suivait pour maintenir l'illusion, et s'engage dans un groupe moins conventionnel, plus libre aussi. Il finit par se séparer pour des raisons obscures.
A la fac, elle suit des cours d'Histoire, s'enrôle dans le conseil étudiant, en quête d'importance et d'utilité. ça la mène à être choisie pour diriger l'une des sociétés nouvellement formée, un peu malgré elle.

eux c'était la bande, la famille si on veut. Pour Bora en tout cas, ça y ressemblait beaucoup. ils se sont connus au lycée pour la plupart, parfois avant. Ils ont dansé ensemble, trainé, se sont soulés parfois. L'équilibre était précaire, ils ont dû se foutre sur la gueule plus d'une fois. Y en a eu des cris, des pleurs, et plus encore de rire, de musique qui fait vibrer les murs de leur sous-sol. Faut dire qu'ils étaient tous différents, trop sûrement. Y avait des règles, des lois dans le groupe. Ils étaient loyaux entre eux. Puis ils se sont séparés. Tacitement, ils ont cessé de se voir, de s’appeler. Ils savaient tous que les autres étaient là, dans la marée de visages inconnus. Ils le savaient, mais ils ont pas cherché à se reconnaitre. Chacun a fait de son mieux pour se noyer dans le flot de la cité, pour disparaitre. Cesser d’exister. Parfois, un signe leur rappelait l’époque où ils étaient ensemble. Un graffitis sur le goudron, un écho de voix mêlé à la guitare, dans les boyaux du métro. "Ils sont là, tout près. » C’est ce qu’ils se disaient alors. Et il continuaient de marcher, ils essayaient d’oublier. Et personne n'a jamais vraiment su pourquoi tout avait éclaté.

pris:

minus (♀ ︎ 20 - 25 ans) : Elle, elle a toujours été borderline. C'est la pote qui vient jamais les mains vides, qui partage ses clopes, sa beuh, qui éduque les plus jeunes aux "bonnes choses de la vie". On sait jamais trop si elle est vraiment sobre, mais sous ses airs de râleuse tempétueuse, ça a toujours été la plus fragile de tous. Elle se cache sous un manteau de conneries pour se permettre d'exister, pour sortir lot. Elle est incontrôlable, indomptable, mais la bande, c'était un peu son équilibre. C'est elle qui a insufflé à Bora un peu de sa décadence, son goût pour la vie, et son optimiste pour l'avenir.

Spoiler: