L’ombre d’une ombre. Son père. Yao s’en est souvent émerveillé, de sa haute stature que son métissage allemand lui a conférée. Il se sentait planer quand il l’élevait haut dans le ciel. Ses sourires, sa voix grave, apaisante. Plus haut. Plus haut. Jusqu’à la chute. Brusque et douloureuse. Son père était déjà marié, il avait une famille toute faite et eux n’ont été qu’une courte pause dans sa vie. Un genre de paradis artificiel, jusqu’à ce que la réalité le rattrape.

Pendant des mois, il a vu sa mère effondrée. Le noir sous ses yeux qui s’écoulent dès qu’elle rentre d’une longue journée de travail, parce qu’entre les murs rassurants, elle peut enfin cesser de feindre une force qui n’existe pas. Yao était celui qui venait sécher doucement ses larmes, quand sa sœur redoublait de discours motivant, assurant qu’ils n’avaient pas besoin d’un homme dans cette maison. Ils étaient deux jumeaux, comme deux faces d’une seule pièce, parfois semblables, d’autres fois, aux antipodes.
Il n’a su que bien plus tard pourquoi cette nouvelle rupture avait autant brisée sa génitrice. Ce n’était pas la première. Elle lui parle de son passé d’idol en Corée du Sud, pays où elle avait débarqué les étoiles dans les yeux et des rêves pleins la tête. Comment elle avait aimé, avait fait confiance à un homme qui représentait tout pour elle. Un autre homme marié. Schéma identique. Mais elle ne comptait pas refaire les mêmes erreurs, et si elle a abandonné sa première fille, elle compte garder les jumeaux à ses côtés pour toujours. Plus tard, par des paroles indirectes, Yao comprend que cette grande sœur était morte bébé. Il n’a jamais pensé à vérifier les dires de sa mère, et ce n’est pas comme s’il a les moyens de le faire non plus.

--

Il se souvient du flou, ses yeux qui ne perçoivent que le brouillard. Les oreilles qui sifflent. Malaise, puis le noir total. Aucun souvenirs quand il se réveille paniqué, aveuglé par les murs blancs d’un hôpital. Sa mère n’a jamais rien voulu lui expliquer, assurant que ce n’était que passager. Mais depuis ce jour, son visage est devenu plus sombre, ses heures de travail ont décuplés. Il grimace quand elle lui dépose une pile de médicaments devant lui. Il obéit bon gré, mal gré. Il obéit quand même. Parce qu’au moins, le visage de sa mère s’éclaire un peu. Il sent parfois le regard inquiet de sa jumelle sur lui, quelques attentions dont elle l'enrobe. Elle le taquine moins, semble plus aimante même si leur relation a toujours été fusionnelle. Il ne veut penser à rien. Mais quand les mêmes symptômes recommencent et qu’il se sent réellement faiblir, quand on ne le laisse plus faire de sport à l’école. Yao sait que ça n’a rien de passager. Ça ne passera pas. Ça fait déjà des mois que ça dure et ça ne s’arrête jamais. Sa mère lui explique, ses mots sont si vagues, si imagés. Il a du mal à tout comprendre, il aurait préféré qu’elle lui donne simplement le nom d’une maladie, des syllabes bien claires, quelque chose qu’il pourrait au moins chercher sur google. Yao comprend juste qu’il malade, et que les virées à l’hôpital risquent de devenir de plus en plus fréquentes.

--

La tête posée contre le hublot. Il ne saisit pas la raison de ce changement brutal de vie. Sa mère explique simplement qu’un médecin plus réputé réside à Séoul et au lieu de dépenser de l’argent en avion à chaque fois pour le consulter, ce serait plus simplement de déménager, juste temporairement. Sa jumelle est évidemment trainée avec eux. Sa mère préparait déjà depuis des mois une mutation dans son entreprise.  Il atterrit dans un pays à la langue inconnue, chaque pas se fait avec incertitude même s’il prend peu à peu ses aises. C’est difficile de se faire des amis au lycée quand il ne parle pas leur langue et s’absente énormément. Sa maman leur offre plus de luxes depuis ces derniers mois, et il ne se doute absolument pas que cela est le fruit d'un chantage avec son ancien amant.

Il est souvent scotché à son téléphone ou à sa console portable, image même de la jeunesse connectée. ❖ Quand ce n'est pas cet écran, c'est derrière un appareil photo qu'on le retrouve, il n'est pas si doué que ça, mais il aime prendre en photo tout et n'importe quoi, et en fait souvent des tirages. ❖ Passionné par tout, il apprécie la peinture également, pas seulement badigeonner sa paume de gouache et en salir les murs. Il est plutôt doué. Il apprécie les vidéos YouTube de chats également, et de chiens heureux en voyant leurs maitres rentrer de missions militaires. ❖ Sa mère le dispute souvent pour ramasser n'importe quel animal retrouvé dans la rue et le ramener à la maison pour s'en occuper. Il cache une grenouille et un chaton dans le jardin de la maison. ❖ Il a une santé assez fragile, tombe plusieurs fois malade pendant l'hiver. Depuis quelques mois, une tumeur lui a été diagnostiqué, elle progresse doucement mais le rend faible, le coût des soins sont très importants aussi. ❖ Il a plusieurs tâches de rousseur héritées de son père métisse, il les a toujours aimé, lui donnant l'image d'être unique, pourtant on s'est souvent moqué de lui à cause ça. ❖ Il adore les fraises, les smoothies à la fraise, la charlotte aux fraises, les sorbets à la fraise. Il se lève en pensant aux fraises, s'endort en pensant aux fraises. ❖ Il parle uniquement mandarin, cantonais et anglais. Il apprend petit à petit le coréen, connait les bases et surtout le "noona achète-moi à manger." ❖ Il a un style vestimentaire assez random, un jour en capuchon noir, le suivant habillé de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. ❖ Il adore avril lavigne, il a plusieurs poster d'elle et est déjà allé la voir en concert. ❖ Il a un tamagotchi. A chaque fois qu'il veut fuir une situation gênante, il use d'un "pardon, je dois faire à manger à mon tamagotchi." pour s’éclipser.❖ Il collectionne les figurines sailor moon. Les timbres aussi. Les coquillages. Beaucoup de choses à vrai dire, il se passionne rapidement de tout. Vraiment.

j'ai un épisode de shameless à regarder, dsl