Il n’est plus là. Réminiscences confuses infestant les sinuosités du cerveau, souvenirs nébuleux engendrant céphalées amers ; l’enfance n’était que fragments d’images brouillées, émotions âpres ou veloutées se ficelant aux dires de sa génitrice.
Ton père ne reviendra plus. Ses prunelles candides ressassaient précisément les aspérités de son faciès (( ce faciès ciselé dans l’amertume )) et ses tympans, ses tympans enflés d’ignorance, retraçaient avec clarté les saccades de son timbre ; papa était fort, papa était grand, papa était
imposant, vision superficielle qu’entretient chaque enfant.
Mais les émotions fleurissant en sa présence furent répudiée dans une faille sibylline de sa cervelle enfantine, oubliée et scellée à jamais ; l’apaisement d’une palabre rassurante, l’engouement d’une risette affable, ces fragments d’âme zébrant son faciès, désormais supplantés par une amertume acharnée (( réminiscences sans substances, souvenirs exempt de leur quintessence )).
Seul le vide subsistait, langueur palpable logée entre ses côtes, langueur amer entravant le palpitant ; Sua ne connaissait son père qu’à travers les insultes et les blasphèmes, lippes maternelles susurrant son prénom tel une malédiction.
On n’a plus besoin de lui. Mais l’absence, scindant une plaie béante au creux de son poitrail, fut comblée par la tendresse d’une génitrice aimante ; foyer souillé par la pauvreté, mais foyer exhalant de chaleur. Les bras bienveillant tarissaient ses pleurs ulcérées, les doigts délicats épongeaient les larmes lamentables, les prunelles paisibles tempéraient l’orage inondant son regard ; nulle autre ne pouvait apaiser ses lamentations telle sa mère, forteresse de tendresse emmurant ses deux enfants. Chez les Rhee, le bonheur se composait à trois.
Il te manque pas, ton papa ?Non. J’ai ma maman.♡♡♡
L’adolescence s’imposa brusquement, coltinant dans son sillage humeurs versatiles et conscience accablante ; Sua voyait, la carence d’argent gangrenant son foyer. Sua voyait, la violine ourlant les prunelles maternelles. Ainsi, la décision germa avec célérité au creux de son encéphale ; un jour, Sua leur offrira le
monde, à cette mère nécrosée par la pauvreté, à ce frère dépouillé d’opportunités (( promesse enfantine d’une pauvre gamine )).
Mais avant de lui décrocher la Terre, Sua conquerra la Corée.
Et si cette détermination vivifiée ne pouvait ameuter des légions terribles, saignant la terre d’un assaut ultime, vibrer ses cordes vocales et onduler sur scène la propulserait au sommet. Songerie chimérique éveillant ses pensées, songerie utopique s’amalgamant à la réalité ; l’
I.M Entertainment décacheta ses portes, lui allouant une place en son sein.
Soo Yun, premier faciès familier, premiers secrets confiés.
Soo Yun, douceur ciselant les risettes, cruauté suintant des palabres.
Soo Yun, début de la fin.
Bora, cadette complétant le binôme, cadette devenue moitié.
Bora, crinière mordorée, prunelles étoilées.
Bora, l’achèvement.
Mais elle n’en savait trop rien, Sua. Elle aimait de toutes ses fibres, ou abhorrait de tout son être ; tout était noir ou blanc, l’entre deux inexistant. Les femmes telles Soon Yun, brouillant ces frontières trop poreuses, se fardant d’une amabilité factice, échappait à son champ analytique. Elle ne voyait que le masque, jamais le revers de la pièce.
Et puis.
Et puis il y avait cet homme, cet homme trop vieux, cet homme venimeux.
Lui.Première amour pigmentant les pommettes, première amour si doux si mielleux si beau, première amour trop puissant, première amour aveuglant.
Lorsqu’il jouissait entre ses reins sa
passion artificielle, Sua l’aimait toujours un peu plus. Il aurait pu lui cracher un
je t’aime suintant de haine, Sua picolerait ses putains de mots ; camée shootée aux syllabes sucrées.
(( T’es pas au courant ?
Sua sucerait son manager. ))
Rumeurs visqueuses pullulant entre les murs, rumeurs vénéneuses serpentant à travers les tympans ; tous savait, mais seulement deux s’étaient vues confiées le secret. Les palabres fielleuses l’estropièrent. L’évidence l’annihila.
Trahison trahison trahison. Mais elle n’avait pas eu le temps de s’énervé, ni de réaliser ; on l’avait déjà humiliée, souillée, dépecée. Âme arrachée de sa carcasse à coup de mots aiguisés.
Sua salit, Sua saignée, Sua
supprimée.♡♡♡
Elle tangua ; savoureuse sensation engendrant une saccade de frissons.
Regard ébène agrafé à la pénombre constellée, phalanges blanchies par une étreinte ferme ; les ongles titillèrent la barrière cimentée, seule rempart aux flots ténébreux. Elle tangua un peu plus.
Ainsi la voila, son
ultime scène ; des eaux troubles, une nuit orageuse, des lumières artificielles. Une risette affligée cisela ses lippes vermeilles. Les âmes sculptées dans la pauvreté et le désespoir n’aboutiront jamais à la délivrance ; vie pathétique s’éteignant pathétiquement. Elle tangua toujours plus.
Le faciès de se génitrice et de son petit frère s’esquissa brièvement, asséchant le fleuve de pensées morbides. Sa conviction vacilla. Mais les traits éthérées de Bora érodèrent ces visages familiers, s'amalgamant aux rictus insolents de Soo Yun. La perspective de leur instiller regrets et culpabilité, couplée à une désillusion exacerbée, nécrosa tout instinct de survie.
(( La décision était prise
Et ses doigts lâchèrent prise. ))
Carcasse avalée par le vent, palpitant martelant sa cage thoracique dans une ultime valse ; elle tombe tombe tombe, et son coeur fait boum boum boum, finalement libre, finalement vivante.
La vie ne lui a jamais parut plus belle qu’en cette instant éphémère.
Mais.
Il y a toujours un mais, putain.
La claque givrée des flots ne suffit pas à lui ôter la vie, cette chienne de vie pullulant sous sa chair telle un parasite ; eau bileuse infestant ses poumons, noirceur sinistre nappant ses pupilles. Elle ne voyait rien, elle avait froid, elle ressentait tout, trop, d’un seul coup ; peur parasitant la cervelle, peur gangrénant les pensées. Ses membres ankylosés s’agitèrent frénétiquement, son hémoglobine pulsa à nouveau ; la vie s’animait sous sa peau.
Echouée sur la rive, une inspiration bruyante érafla sa gorge. Une inspiration terrifiante, aussi.
La mort même répudiait son âme esseulée. Malgré tout, Sua savait, un fragment de son être voguait toujours parmi les flots ; galvaudé et putréfié. Elle était bien morte, si ce n’était qu’à moitié. Son corps se contorsionna en de bruyantes pleurs ; chaque larme taillait une nouvelle balafre sur ses joues.
L’aurore et sa crinière framboise gommèrent la pénombre, marquant une nouvelle journée.
Une nouvelle vie.
Un nouveau fléau. ♡♡♡
Passé jetée, fuite entamée.
Aux yeux de tous, sa carcasse jonchait dans les entrailles du fleuve. Peut être était-ce mieux ainsi.
Pensées nébuleuses, esprit confus ; converses éraflant le macadam sans destination précise. Elle voguait, errait, hantait ; ombre vivace filant entre les murs. Puis, elle tomba sur
lui.
Seok, mélopée velouté déliant sa langue avec nonchalance. Boucles safranées ourlant sur son crâne, malice électrisant son regard océan ; lumière au bout du tunnel interminable. Si des questions brulaient ses lèvres, Sua ne le savait guère ; il lui offrit un job et un toit, sans rien demander (( c’était trop beau pour être vrai )).
Gémissements étouffés au bord des lippes, poudre nacrée criblant les nasaux, herbe médicinale troublant l’encéphale ; amalgame de vices et de drogues sculptant trois longues années, isolée de tous. Jonglant entre plusieurs boulots, ils subsistaient dans une cabane établit dans les montages.
Était-ce de l’amour ? Était-ce une dépendance malsaine ? Sa cervelle shootée peinait à les différencier. Mais Seok lui faisait tellement du
bien (( langue délivrant flatteries enjôleuses et supplices savoureux )) une journée sans lui engendrait des névroses anxieuses ; camée privée de ses pilules les plus addictives. Il effaçait de ses prunelles enténébrées (( regard conjuguant désir et émotions sibyllines )) ces parcelles tenaces de son passé ; exploit dont nulles drogues ne pouvaient se vanter.
Est ce que tu m’aimes ?
Bien sur.Un éclat misérable vibra au creux de sa trachée ; on ne trompait guère la reine des mensonges. Mais ces palabres faussées lui suffisaient ; il ne lui restait plus grand chose à Sua, si ce n’était un amour factice et une rage pusillanime.
Finalement, il l’abandonna aussi, prétextant chercher un job en ville. Quelque part, elle n’était plus étonnée. Son regard suintant ne perlait plus des larmes, mais bien des
lames ; incisant ses pommettes, mais surtout son coeur, galvanisant sa rage, mais surtout sa ran
coeur.
Et comme toujours, après chaque trahison, chaque balafre, chaque mensonge, Sua se releva.
Plus terrible.
Plus détraquée.
Mais surtout,
toujours plus enragée.
♡♡♡
Séoul la Belle, et ses néons artificielles.
Séoul la Belle, et son dynamisme continuelle.
Séoul la Belle, et ses allures criminelles.
Sua la brulerait, cette ville logeant ses sombres secrets. Mais il lui restait un dessein à accomplir.
Ses doigts leptosomes pianotèrent sur l’écran d’un portable usé.
Je t’ai manqué, Bora ? ▷ Sua est de ces personnes au sommeil léger, la paupière tremblante et les rêves houleux. La plupart du temps, elle termine ses nuits entre les pages d’un livre, dévorant les métonymies de ses auteurs favoris.
▷ Depuis sa tentative de suicide, la simple vue des vagues engendre des céphalées intenses. Sua ne se baigne plus, abhorrant plages comme fleuves, et ses douches s’égouttent en cinq misérables minutes. Le contact de l’eau serpentant sur sa peau instille une névrose terrible.
▷ Une passion que Sua entretient secrètement est l’astronomie. Les constellations jonchant la pénombre et la composition du cosmos intrigue et stimule considérablement ses pensées. Quelque part, elle rêverait de s’évader.
▷ Son épiderme crémeux exhale du jasmin. Sua se parfume quotidiennement du Gelsomino Nobile de la marque Acqua di Parma. Ses économies sont fréquemment corrodées par l’achat de cette fragrance couteuse ; péché mignon qu’elle s’octroie de temps à autres.
▷ Un grand nombre de cigarettes viennent se loger entre ses lippes, malboro red ou lucky strikes selon ses envies. Fumer excessivement lui permet de tempérer ses besoins en drogues dures, mais parfois sa volonté défaille et ses doigts s’affairent à rouler un joint.
▷ Sua arbore un style assez proche du casual chic. Elle affectionne les tons pastels et les parures féminines, sans pour autant chuter dans le coloré à outrance.
▷ Détestant parler pour ne rien dire, Sua se manifeste dans la réflexion, et pense deux fois avant de cracher ses mots.
▷ Adepte de l’humour noir, Sua se complait dans les blagues douteuses et les jeux de mots salaces. Elle rit de tout, mais ne le montre plus ouvertement.
▷ Sua ne fait plus l’amour, elle baise. Le sexe est un passe temps ou une arme, rien de plus ni de moins.
▷ Intrépide et farouche, Sua vit pour une giclée d’adrénaline à travers les veines ; l’une des rares choses contribuant à la rendre vivante, si ce n’est sa haine ébène. Ne la trouvant plus à travers les drogues, ses actions se font de plus en plus dangereuses, et les vas et viens entre bars et boites de plus en plus fréquent.
▷ Ses lippes rubis sont constamment malmené par ses dents. Tic nerveux subsistant depuis l’enfance.