SECRET SPEED MEETING LEE KAEDE & OH ARMEL duo pour la Saint-Valentin 2018, présentée par Jamee

y ' a  l e  l u x e jusqu’au bout des lampes d’or et de marbre dans le hall d’entrée. Le goût du sophistiqué jusqu’à la pointe des pompes cirées. Le portable sorti fissa pour une photo bêta dans la glace de la réception, grands escaliers lustrés dans le fond, Armel se sent pris par l’excitation. Comme le gamin qui se réjouit de son premier cinq étoiles au goût de gratuit, grippé par la somptuosité offerte pour une nuit. Il est satisfait de s'être inscrit. Armel l'sourire d'enfant et les tripes remuées. La Saint-Valentin ça s'oppose à sa passion instinctive qui le déchire, faire plaisir au mieux d'arracher et de céder à ce qu'on veut, prendre le temps, ça, Armel, il connaît pas tellement. Les nuits d'hôtel elles servent de lieux que dans ses histoires fugaces, où les vulgarités murmurées remplacent les mots d'amour. Mais il attend. Grandes jambes filées dans un pantalon noir éternel, et le long manteau pendu à ses épaules, Armel attend. Y'a la fibre rouge des amoureux au coin des lèvres des couples qui partent enroulés de l'hôtel ; celles d'Armel ne sont pas encore très colorées, sa pâleur se confond avec son assurance affinée, contraste avec le noir de sa pensée (ce soir, elle est peut-être un peu plus colorée). Y'a Kaede, perchée sur ses talons, de son attitude royale. Leurs deux longues silhouettes viennent se dire bonjour, fugitives, mais le sourire d'Armel s'éternise. — alors c'est toi qui me fais attendre, qu'il souffle, sa tête se penche, son sourire fend son visage et ses mèches tanguent, t'as soudoyé Romee pour qu'on tombe ensemble ? qu'il coule dans un regard tacite, puis le rire léger qui vient écarter la plaisanterie. Armel vient pencher l'oreille à la réception, donner les noms au type serré dans son costume, qui s'empresse d'énoncer leur chambre, la suite nuptiale. — rien que ça. on y va ? La carte de la chambre glissée entre l'index et le majeur qui viennent remuer dans le vide, en compagnie du sourire de gamin flânant sur les traits. — promis, tu regretteras pas. C'est presque une main qui vient se proposer pour l'agripper monter les étages, mais il ne le fait pas. Son ton se fait doux comme il l'a toujours été, perlant d'une ambivalence mesurée, presque sans ambiguïté. Parce qu'Armel, il est content, d'être tombé sur Kaede.

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La soirée qui s’approche l’angoisse. Kaede, elle n’a jamais passé la Saint Valentin autrement que seule. Et elle en a vu, des couples, beaucoup, pendant ses dix-neuf ans. Chaque fois elle a levé les yeux au ciel, comme elle sait si bien le faire. Et chaque fois elle a eu cet étrange, horrible point de douleur juste là, au niveau du coeur. Mais c’est pas grave, pas vrai ? C’est pas grave, ça compte pas.

Comme elle n’avait rien à perdre, cette fois-ci encore plus que toutes les autres, elle a foutu son destin entre les mains de Ja et de Romee. Romee, elle lui fait confiance. Ja, moins. Parce qu’elle ne le connait pas, et que par défaut, les inconnus ne se classent pas dans la catégorie ‘amis’. Et comme elle n’avait rien à perdre, cette fois-ci encore plus que toutes les autres, elle s’est pointée à l’endroit du rendez-vous à l’heure du rendez-vous (à peu près). Le tout dans une robe que ses mains angoissées s’attelaient à froisser régulièrement. Le pire, c’était de ne pas savoir sur qui elle a allait tomber — ou alors peut-être que le pire, c’était de découvrir qu’il s’agissait d’Armel.

Nouveau levé de rétines au plafond.

Il est un peu plus grand qu’elle, ce qui fait qu’il est très grand. Et il a cet éternel sourire agaçant, celui qu'elle a envie d’effacer avec une gomme lorsqu’elle y est confrontée mais dont elle se surprend parfois à rêver lorsqu’elle a les yeux fermés. « Alors c’est toi qui me fais attendre. » Elle se contente d’un rictus satisfait avant qu’il n'ajoute : « T’as soudoyé Romee pour qu’on tombe ensemble ? (Les yeux au plafond) — Prends pas tes rêves pour des réalités. » Il a une voix de connard et elle a une voix de connasse. C’est un joli match.

Il parle au réceptionniste et elle parle à la petite fille à l’intérieur d’elle qui est terrorisée. Ça va bien se passer. « Suite nuptiale. rien que ça. on y va ? » Alors elle passe devant pour filer jusqu’à l’escalier, pleine d’assurance, et s’appuie sur la rambarde d’une main légère, toujours pleine d’assurance. Oui, pour ça aussi, il faut de l’assurance. « promis, tu regretteras pas. » Yeux au plafond. « Tu veux parier ? » Elle l’entend juste derrière elle avant qu’il ne la rattrape et ne se mette à avaler les paliers à ses côtés. Elle entend son souffle, surtout. A lui. Et puis à elle, un peu, aussi. « File moi ton bras. » qu’elle impose finalement, lasse de lutter avec ses talons trop hauts. Armel arbore un sourire triomphant, mais juste un instant, parce qu’ensuite elle lui plante ses ongles dans la peau.

Du coup, il grimace un peu. Et ils sont devant la porte. « Dis-moi que t’as pas trouvé le moyen de perdre la carte pendant les trois minutes qu’il nous a fallu pour monter. » Son ton est d’une condescendance inépuisable mais non, il n’a pas perdu la carte. La porte s’ouvre dans un clic presque heureux et Kaede la pousse négligemment du pied. Devant leurs yeux légèrement ébahis se dresse alors la suite, ses immenses baies vitrées, ses touches de marbre, ses lumières tamisées, ses miroirs travaillés. Et même si elle a été élevée dans le luxe, Kaede a le mérite de toujours s’émerveiller. Intérieurement. Elle commence la visite froidement et tourne aux côtés d’Armel dans le salon, puis dans la salle de bain, puis dans la chambre. Et c’est là qu’elle oublie son rôle d’enfant pourrie gâtée le temps d’un battement de cils pour redevenir simplement une enfant — il y a un balcon. La chambre donne sur un balcon ! « Regarde ! » Elle ne sait pas vraiment s’il a le temps de regarder avant qu’elle ne le tire par la manche pour l’entrainer sur le balcon en question, et au diable le service d’étage et les obligations.

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prends pas tes rêves pour des réalités. L’frisson vient presque lécher son échine : les balles blindées de Kaede lui ont manqué, il est content de la retrouver pour la soirée. Il se contente d’un rire doucet alors qu’elle s’échappe, il la rattrape, le pas tardant. On dirait deux enfants, de grands enfants, qui se sourient, habillés comme des grands, qui se balancent des mots de grands. Quand elle semble commencer à voler plus que marcher, dans les couloirs tapissés, il vient se dépêcher, se glisser vers elle en se retenant de lui pincer le creux de reins ; il a envie de jouer. file moi ton bras, qu’elle lui ordonne, et il le fait avec un sourire carnassier, bien vite ravalé et troqué avec le plissement de nez au contact de ses ongles sur dans sa peau. Cadence menée par Kaede, Armel s’contente de la suivre, d’l’observer, perché du haut de sa mutinerie, sauf qu’il lui susurre, c’est plus fort que lui, incapable de résister à l’envie, t’as l’air pressée d’y aller, sa tête se penche légèrement, pour voir celui de Kaede. dis-moi que t’as pas trouvé le moyen de perdre la carte pendant les trois minutes qu’il nous a fallu pour monter. et non, je l’ai pas paumé, qu’il répond avec le sourire fier, mais elle menace déjà de lui replanter ses ongles dans la peau alors il sort la carte pour activer la porte. Les yeux de Kaede viennent l’abattre d’un regard royal, décharge électrique suscitée méritée, mais ils sont vite repris par le léger scintillement de la découverte de la chambre ; et Armel s’en éprend aussi. Il a davantage connu les chambres d’hôtels que les résidences permanentes, du bas de gamme au paradis touristique, avec son père et ses chemises fleuries, posant bagage dans les piaules pour une nuit. Et puis aux notes de Kaede et de son enthousiasme à la vue du balcon, il vient lui aussi un peu se laisser regagner de cet Armel enfant, qui riait de la taille du pommeau de douche et des flacons de gel douche offerts. Une légère brise, rien qu'un instant, un petit instant. Son manteau s'écrase sur le lit blanc, les doigts de Kaede viennent s'agripper à sa manche et le tirer vers le balcon, l'étreindre d'une fraîcheur mordante. Séoul de nuit ça scintille, Séoul de nuit, c'est joli. Mais à l'instant il regarde pas les lumières de la ville, mais les mèches de Kaede qui flottent et laissent ses épaules menues à la merci de l'air. Il est peut-être trop pris par l'innocence de l'instant pour être traversé par l'envie de les couvrir de baisers. Sa tête se tourne, et il vient se priver de la vue de la capitale en lui faisant dos, pour faire face à Kaede. t'es jolie. besoin instinctif de lui dire, au gré de ses pensées glacées en suspens à cause du vent. Et puis son regard se tourne vers la chambre allumée, espace démesuré, qu'il contemple comme mérité. t'as vu la salle de bain ? idée derrière la tête, qui vient de le traverser, avec une baignoire assez grande pour y être à deux. on peut faire comme dans les films, tu sais, à boire des verres de champagne dans un bain rempli de pétales, nuque qui vient de craquer, visage désormais tourné vers le ciel étoilé, et puis si t'as pas pris de maillot, c'est pas grave, on peut se contenter de boire le champagne. sourire léger.