un ; nuances d’ocres et de roses, voûtes splendides peuplées de lueurs adamantines, et des coulées d’or, comme les fleuves à l’aurore, le long des sols de marbre. des tâches pastel sur les aquarelles peintes avec la délicatesse d’une main maternelle, comme elle aurait préféré qu’elle dépose de tendres baisers sur ses joues rosies, avant que l’absence ne gomme les tons clairs, la soie et le satin ; jusqu’à ce qu’elle ne laisse plus place qu’à la brutalité des contrastes, à la rugosité tranchante de la perte comme une entaille dans la chair de ses espoirs.

deux ; nitescences azurines qu’elle frôle à peine de la lame de ses patins quand elle pourfend l’espace, s’élève dans des tourbillons d’opal au-dessus de son asphalte de verglas immaculé, et ne s’échoue jamais sans se relever ; des genoux écorchés, teintés d’ecchymoses violacées comme les lueurs d’acharnement qui se dressent au creux de ses iris radieux.

trois ; pourpres déchirants, vermeilles inquiétants des rougeurs à l’aube de la nuque de son père et sur les lèvres des amantes qui défilent comme des fantômes pâles à l’ombre des salles enfumées. éclatent les lumières écarlates, ses yeux fendent le voile grisâtre, évidence des affres du paternel quand le carmin coule et s’écoule, réveille des frissons sur sa peau d’albâtre. les passions sont criminelles ; le crime, lui, n’a rien de passionnel.

quatre ; noirs et blancs défilants sur le grand écran, absence de couleur comme un souffle qu’on retient dans le tout paris, et qui vient, soudain, se teinter de rose quand ses lippes vernies viennent se blottir dans une nuque au détour des rues monochromatiques. les premières passions et les ébauches des vices qui s’éveillent en quelques battements fugaces et qui fardent les joues et les esprits de torpeurs enivrantes.

cinq ; répercussions d’éclats contre la rétine, flashs multicolores et dénués d’harmonie sous les néons aux lueurs artificielles, qui semblent teinter les poussières les plus pures, dans leur céleste robe blanchâtre, de pigments fascinants. des lucioles comme des songes à l’ombre de ses paupières, des illusions aux parures diaprées comme une échappatoire sacrée. divinités chamarrées, se perdre dans les bras des se perdre dans les bras des nuées épileptiques, s’y blottir dans un dernier souffle de vie, s’échouer pas à pas vers l’apoplexie.

elle est née en russie, à saint-pétersbourg — sa mère, coréenne, était peintre, son père, russe, tient un casino — elle pratique le patinage artistique depuis qu’elle est enfant, sa mère espérait la voir devenir professionnelle mais nina ne suit plus des cours aussi intensifs qu’auparavant — elle était âgée de treize ans lors du décès de sa mère, atteinte d’une tumeur — elle a souvent voyagé, et se rendait souvent en corée lors des vacances, en visite chez des parents du côté maternel — elle s’est passionnée pour le cinéma lors d’un voyage à paris, où elle a découvert le cinéma européen, du haut de ses quinze ans — le cinéma s’est présenté comme une échappatoire face à certains tracas de sa vie ; ça et le refuge au creux de soirées mondaines surfaites et de substances illicites — le casino de son père abrite des affaires peu claires, dans les arrières salles, et il a su le lui cacher pendant ces quinze années ; de même pour les amantes de passage — bien qu’elle aime profondément son père, leur relation s’est intoxiquée depuis, et c’est le choix avisé de nina de partir définitivement pour le sol coréen lors de son entrée à l’université, que son père n’a pas essayé d’empêcher — elle espère finir loin du monde de son père, se rêve réalisatrice et songe à un futur stable, pourtant tout l’y ramène : soirées, alcool, drogues, relations, appât du gain.