Toutes les grands mères vous diraient: si un bébé à un érythème sur ses jolies joues rouges, passez-y du mitosyl.
Elle gratte, rougit, saigne, laisse des marques à ne pas pouvoir dormir tranquille, elle rend fou et pour finir c'est quand on en pense guéri que ça revient. Et tous les mitosyl de Séoul ne suffirait pas à apaiser ses sensations de brûlure que lui inflige cette existence bancale, violente, sans fin. Pas faute de l'avoir souvent convoité ce "terminus". Seulement le "tout le monde descend" ne serait pas d'augure, parce que s'il atteignait ce but, personne ne le suivrait.
 
Seul sur ce quai poussiéreux à regarder les autres âmes geindre et souffrir, là où lui prendrait son pied. Il faut bien avouer qu'il kiff ça le risque, opulente drogue de ses envies, qui le rend vibrant de souffles et de battements trop humains pour être pris en compte. L'anonymat de la basse Séoul l'a forci, endurci, bâti comme un building à l'ancienne qu'aucun séisme ne pourrait totalement défoncé.
Et se prendre les pieds dans un Kwanghe marque. Il aurait pu être le parfait petit coréen, issu d'une famille banale, sans histoire, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie. Personne qui l'attend à la maison, à part un tas de joints mal fumés, des capotes usagées, du bordel et une mère qui dort à moitié à poil sur le canapé plus vieux qu'elle. Parfois un inconnu fume dans le canapé, mais le gosse, il passait son chemin, cartable sur l'épaule, le regard fuyant tout comme le pas, refermant la porte de sa chambre comme la herse d'un château fort. Si c'est un jeu vidéo, ce n'est pas de son âge et pourtant c'est la réalité, sa mère est une putain, sexy, belle comme la rosée mais foutrement fanée, avec un arrière gout de clope froide et d'alcool frelaté, quand c'était pas le sperme qui apparaissait sur ses bas filés. Il a grandi seul. La honte au corps, pourtant il a une bonne gueule le petit Kwang he. Son père? Il devait être un de ces hommes qu'il a vu sur le fauteuil, le jean usé et la bouteille à la main, qui le regardait comme si c'était un cafard.... Ces joues rondes, les mains pleines de paquets de gateaux, parce que sa mère ne faisait jamais à bouffer, il allait se réfugier la moitié du temps chez la voisine, une vieille dame qui ne comprenait pas comment une mère pouvait faire ça à son enfant, mais la vie ne donne pas toujours ce qu'on espère.
Le petit So ne pose plus de questions, pour lui, toutes ces choses font parties du monde. Alors il paie la vieille en gâteaux et a le droit à son silence et à son canapé, comme son fichu caniche plein de puces. Il l'aide pour les courses, pour l'accompagner chez le docteur, et un jour, le docteur ne peut plus rien pour elle, et c'est la rechute. De nouveau sa chambre. Il a treize ans, il a quelques amis qu'il va voir en faisant le mur la nuit, et ses résultats à l'école sont acceptables. Mais rien de bon n'arrive aux gamins peu encadrés. Il va connaitre sa première fille à treize ans, sa première cuite la même année, mais ne plongera pas dedans. Il est prudent. Il est avisé. Il est déjà dedans le gamin. Il a déjà morflé de l'autre coté du miroir. Il a vu les ravages que tous ces excès provoquent. Il ne veut pas devenir ces types dans le fauteuil brûlé par les clopes mal éteintes.  Il a appris à se taire. Il a appris à ne rien faire, à observer et à attendre le bon moment, pour s'esquiver, pour réagir, et en vieillissant, cette discrétion est devenu un atout.

....de cette même Séoul qui fait du stop et qui compte le moindre petit sou. Il ne sera pas ce mec qui fait le con en permanence, qui gueule trop fort pour impressionner les filles, qui excelle en études, qui brille tout simplement. La seconde place lui va mieux, même la troisième, celle qu'on voit un peu mais qu'on arrive à oublier. Celui qui est assez bien pour avoir de la considération, mais pas assez pour qu'on le harcèle. Il a fait sa place le puma. Il a compris les codes et les échéances de la société.
A l'adolescence, un type de son quartier l'a pris sous son aile, pour lui éviter de partir trop en couilles. Le kick boxing est rentré dans sa vie et lui a donné une raison valable de ne pas tenir compagnie à sa mère qu'il n'arrivait pas à sortir du trou. Il s'était déjà battu avec certains de ses clients, mais ça l'avait juste foutu encore plus mal, alors l'âme en berne, il a vite pris goût au sac de sable, et ses amitiés se sont renforcées lentement mais surement, suivant ceux de son petit groupe dans leur passion pour la street dance. Il garde son désir de devenir flic pour lui, suivant des stages et commençant des formations en prétextant bosser dans un coin de Séoul, chez un oncle. Il sait que ça ne plairait pas forcément. Pour tout dire, il ne veut pas que cela se sache, de peur de perdre le peu de liens solides qu'il a avec son groupe. La solitude de son enfance est son démon, et continue encore aujourd'hui de le hanter. Lui qui voulait tout sauver a tout perdu pour avoir dit la vérité: son attirance pour Bo Ra, une de ses amies de l'époque... Un refus, une baston avec son meilleur ami, une baffe douloureuse sur la vie, lui avait l'habitude de se battre sans rien dire... cette baston là fut la guillotine de son adolescence et signa son passage dans la vie active chez les flics. Mais son objectif n'a jamais changé et il a percé: les stup, sur le terrain sous couverture, les grades lui filant entre les doigts à force de prise de risque et d’initiatives. Dealers, proxénètes... il les fréquente tous les jours, il les connait mieux que ta grand mère, et sa tâche le détruit d'autant plus que tout son entourage pense qu'il est entraîneur dans une salle de sport mal fréquentée et qu'il trempe dans le business. Sa mère le traite de bon à rien et ses fréquentations sont souvent bien malsaines. Ceux qui sont du bon monde et qui osent vouloir le fréquenter, se rendent bien vite compte de ses fréquentations et décident de couper les contacts. Il sacrifie sa vie, sa jeunesse, à jouer le super héros à la con, pour ne plus que la drogue se vende à la sortie des écoles, que les étudiantes ne se prostituent plus et que sa sœur ne finisse pas comme sa mère... parce que voilà... il a appris qu'il a une petite sœur, Rose...
mais ... dans tout ça... où est le vrai Kwang He....? Qu'est-ce qui se cache sous cette peinture fissurée de violence et de silence?  Qui voudrez-vous? Le fauché de la rue ou le sergent? Le bastonneur ou le tendre? L'osé ou le timide? @Poker-face-puma@