la vie est trop courte pour la prendre au sérieux. cette phrase est sur toutes les lèvres et pourtant, la grande majorité ne la comprend pas. wichian est de cette minorité qui a vu la vie s'éteindre trop tôt dans les yeux de gens trop jeunes, aussi bien au sens figuré que littéral. son pays l'a appelé à servir l'armée, il a participé au tirage au sort et tels les tributs d'une trilogie célèbre, il a tiré la mauvaise pioche. on ne l'a pas envoyé au casse-pipe, dieu merci, mais il n'est pas parti en camp de vacances non plus. on l'a entraîné et il s'est endurci, et s'il n'a jamais eu à tirer sur la gâchette, il a vu la mort de près malgré tout. ça vous change un homme, quoiqu'on dise.

il se souvient du dortoir, des rires à la nuit tombée quand, durant les plus calmes, ils pariaient autour des parties de poker ou de truth or dare. il se souvient des matins tendus, pas de place aux grasses mat' et ses camarades pourtant, toujours prêts à se foutre dans les pattes des uns et des autres, le sourire large. la solidarité, le soutien, les difficultés, le moral qui parfois ne suivait pas, les larmes des uns, les coups de colère des autres, le réconfort. et wichian l'observateur, la grande gueule qui ne craquait pas, qui raisonnait ses pairs, les ramenait vers la lumière, vers la fin du tunnel pour les plus faibles ; deux ans, ce n'est qu'un claquement de doigts dans une vie. on le disait fort, imperturbable, déconneur, mais résistant sur les deux plans – physique et moral. le mensonge, c'était ce wichian invincible, pilier pour ses amis à qui il offrait ses épaules et ses oreilles, attentif. c'était ce garçon aux punchlines infinies qui osait rouler des yeux devant le caporal, le grand frère idéal. mais la vérité, c'était ce wichian un peu plus fragile qui souriait pour ne pas flancher, l'injustice sous ses yeux et la dure réalité qui ne le quittait jamais. jamais, parce qu'il se souvient aussi, de ce fameux matin. celui qui a éteint les rires, effacé les sourires et ramené la peur, le silence et une ambiance pesante pour ce qui leur restait à supporter. il se souvient, wichian, du corps froid qu'il a aidé à décrocher de la poutre, visage familier et à la fois étranger, pâle et sans vie – son ami était parti.

il n'a jamais su pourquoi. si quelqu'un savait, il s'est tu et tout le monde a préféré oublier. sauf lui. il passe son temps à observer les gens, à tenter de les cerner, de les analyser et il s'en est voulu de n'avoir rien vu. on entend souvent parler des cas de suicide, on se dit 'les pauvres' ou 'ils sont stupides' et on reprend sa route, peu attentif. lui aussi avant, pensait différemment. et en deux ans, son regard a changé. la vie est bien trop courte pour la prendre au sérieux, alors depuis son retour en corée du sud, un an bientôt, wichian vit. et sa façon de vivre n'est pas au goût de tout le monde, mais comme il vous le dirait aussi : who cares?