new york n'avait jamais rien eu à lui offrir. les néons pullulant dans la ville, s'accrochant aux immeubles, n'étaient devenus qu'une énième banalité imprégnée dans l'atmosphère américaine. un décor factice, superficiel, aux lumières trop fades pour être pleinement appréciées. kyun, encore petit, savait qu'il n'aurait jamais à pourrir ici éternellement. à travers les yeux de sa mère qui ne lui provoquaient aucune chaleur, c'était comme s'il pressentait les choses à venir. parce qu'il n'y avait qu'elle, elle et sa fragilité déroutante, ses émotions trop perceptibles et son coeur à découvert. n'importe qui pouvait les ressentir, et s'y noyer facilement. et quand il a fallu quitter new york pour rejoindre séoul, kyun remarqua que le même néant suivait l'ombre de sa mère. sans aucune fois être attachés à l'amour que l'on ordonne aux familles, les jang avaient cette habitude de vivre sous le même toit. pour le garçon qui ne grandissait que dans l'immobile, tout semblait trop petit pour accueillir l'immense vivacité qui s'éveillait dans ses veines. il voyait, à quel point tout le monde était si semblables, si unis dans le manque de saveurs, qu'il a privilégié tout le long de son enfance et de son adolescence, le froid de la solitude et le mépris qui s'y rattache.

sa mère, quant à elle, ne tarda pas à trouver un nouveau subterfuge pour prétendre être capable de combler l'abysse qui la dévorait. un autre homme, quelqu'un de nouveau à aimer, une autre façon de se déchirer. en même temps que l'aspect familial dégoûtait qui se bâtissait, arriva hana et sa délicieuse fragilité. petite fille scintillante quand on ne lui avait encore rien pris, kyun en fit la première victime de ses pulsions de cruauté. frustré de se trouver dans une famille qui ne lui a jamais rien apporté, le garçon s'immisçait dans chaque crevasse, s'appropriant tout ce qu'il pouvait. brillant en études mais désastreux dans les relations humaines. mais ça ne voulait plus rien dire, "être attaché", vivre avec les autres. ceux qui proclamaient qu'un humain ne pouvait vivre seul n'étaient que des abrutis, il suffisait de diriger son propre coeur et de se défaire du reste. pour sa défense, kyun ne faisait que s'épargner des relations épineuses, des poids trop lourds pour l'âme et des larmes qui salissent inutilement le coin des yeux - tout ça, il n'en aurait jamais besoin. il s'avait lui, et d'une certaine façon, il avait toujours su que ça lui suffirait.

les néons de séoul étaient bien plus prometteurs. ils avaient de cette richesse, quelque chose d'unique que kyun refusait de manquer. quitte à voler la passion des autres; il trouverait un moyen se refermer sa main sur tout ce qu'il désire. en s'emparant des rêves de sa soeur et de sa boîte de nuit, il avait enfin l'occasion d'étendre son avidité. visant le coeur de la corée, kyun répandait son venin n'importe où, utilisant n'importe qui. après avoir passé l'enfance dans une vie trop ennuyante pour un garçon explosif, il pouvait finalement se complaire dans son propre feu.
au risque d'y brûler les autres.