Ça serait mentir de prétendre qu’elle commence pas à avoir peur. Peut-être que c’est la mise en garde de Hyuk, ou simplement l’idée qu’elle est seule dans ces couloirs pourtant si familiers, et à présent défigurés par les émanations denses. Elle voit pas de flammes. Pas encore. Mais à la manière dont les murs vibrent et aux échos des crépitements, c’est facile de deviner qu’elles sont pas loin. Derrière une cloison, au détour d’une allée. La fumée commence à s’épaissir. Assez pour irriter ses yeux, et attaquer ses bronches déjà fragiles, lui arrachant une quinte de toux. Elle va à contre-courant d’un groupe d’étudiant qui cherche à fuir le brasier, tout en sondant les faciès à travers la brume carbonisée. Bora cherche un visage, son visage. Inseong est parti la chercher, c’est Ja qui l’a dit au téléphone. Mais il est pas arrivé jusqu’aux toilettes des dames, elle l’aurait vu. Impossible de sortir sans en avoir le cœur nette, alors elle remonte le dédale jusqu’à la salle des fêtes.

Les tentures sont enflammés. C’est les prémices du brasier que Bora discerne en premier. Les longs rideaux de velours de la salle de balle, dévorés par les langues voraces et brûlantes. Au-dessus d’elle, un projecteur crépite de manière inquiétante, projetant une lumière intermittente sur la salle à présent déserte, et inondée de fumée sombre. Sous la lampe à l’agonie, elle plisse les yeux pour discerner une silhouette, sans succès. En revanche elle repère la sortie principale condamnée par la chute d’un morceau du plafond en proie au flamme. « Et merde. » La melted inspire profondément. Ses cheveux trempés gouttent désagréablement dans son dos. Avant de s’engager dans l’incendie, elle a pris soin de mouiller sa robe et sa chevelure, dans l’espoir de se protéger un minimum. Elle peine à respirer à travers la serviette humide qu’elle a plaqué contre ses lèvres. Et la fumée brûle ses prunelles sombres, embrumant sa vision déjà gênée par la chaleur. « Inseong ? » Voix érayé qui peine à couvrir le vrombissement des flammes et les hurlements de l’alarme au loin. « INSEONG OPPA ! » Silence. Rien que le souffle en machine de l’incendie qui lui répond, envoyant une gerbe d’étincelles qui glisse jusqu’à ses pieds.

Elle s’apprête à faire demi-tour quand une quinte de toux la fait se retourner. Une ombre attire son attention sur sa droite, étendue près de la scène où le dj se tenait. Le cœur de la petite brune fait un bon horrifié lorsqu’elle se précipite, tombant à genoux à côté du grand brun étalé là. « Oppa ça va ? Pourquoi t’es pas sorti. » Son regard longe le corps du jeune homme. « Tu t’es fais mal ? ça va pas ? » Ses mains empressées viennent appliquer le tissu mouillé sur le visage d’Inseong pour l’aider à respirer. Ça va aller, ça va aller il est là. C’est ce qu’elle essayer de penser en soulevant son crâne pour le faire reposer sur ses genoux, enroulant son bras autour de son buste. « ça va aller ok ? » Elle halète douloureusement, les bronches qui se révoltent face à la fumée qui les irrite. « Regarde moi, t’as mal où ? Tu penses que tu peux marcher ? »

La terreur est suffocante. Presque autant que la fumée épaisse qui lui brûle la gorge. Elle a peur Bora, ses repères disparaissent dans les vapeurs toxiques, y a plus que les flammes qui dansent autour d’eux, Inseong étendu entre ses genoux. Et le sang. Les trainées écarlates qui souillent ses longs doigts tendus vers sa cuisse. Bora tend la main pour écarte le tissu, découvrant une blessure béante entaillant la chair du brun. La vue du liquide pourpre imprime des paillettes sur la rétine de la jeune femme, qui se sent vaguement vacillée sous l’effet de la nausée. Ses iris couleurs mazout se détournent de la plaie pour se porter vers celle de son compagnon, dilatées, effrayées. Ses phalanges à présent ensanglantée viennent se lier à celle du Starchild dans un vain espoir de le réconforter. « Je te cherchais. » Elle replace le tissu humide sur son visage et laisse sa main propre effleurer les mèches de son front, effaçant la suie de son pouce. « Je sais. » et si elle l’avait ignoré ? L’idée la saisit douloureusement, et elle l’écarte rapidement de son esprit embrumé. Son timbre se fait tremblant quand elle demande s’il peut se lever. Sa jambe n’obéit pas malgré ses efforts. Elle l’aide à se redresser sur son séant malgré tout, lui offrant l’appui de son torse.  

« Va-t-en.. va chercher quelqu'un, sors d'ici. » Y a une part d’elle-même qui serait tentée d’obéir. La portion la plus instinctive de son être, celle qui pousse son cœur à continuer de battre, qui lui souffle de faire demi-tour quand elle s’immerge jusqu’aux genoux dans la rivière hivernale. Puis y a le reste de son âme qui se bat pour faire taire cet ordre de survie. En son sein grandissait la rébellion. Survivre maintenant pour mieux agoniser ensuite, sortir sans lui n’est pas une option. « Dis pas n’importe quoi. » Les fumées altèrent sa voix autant que son courage, en témoignent ses doigts tremblant irrépressiblement lorsqu’ils viennent agripper fermement les épaules du brun. « On sort ensemble, ou pas du tout. »  Elle se redresse en chancelant, le corps en proie à l’asphyxie croissante, et entreprend de le tirer avec elle pour l’éloigner des langues de feux qui les menacent. Elle lutte pour parcourir quelques mètres, mais la faiblesse de ses membres et la fournaise la rattrape, et elle se laisse retomber à côté de lui, tremblante et haletante. « Inseong… » Son souffle apeuré effleure son front quand elle enroule son buste au-dessus de lui pour éviter une gerbe d’étincelles qui s’envolent en myriade autour d’eux. Sa voix devient supplique, comme pour appeler un quelconque miracle, une miséricorde en laquelle elle n’a jamais cru.

Lorsqu’elle pense avoir regagné un peu de souffle, bora reprend sa progression, avec la rage des éperdus, des condamnés, alors que les lames incandescentes s’amusent à les poursuivre, grignotant chaque fois davantage les mètres qu’elle parvient à gagner. la melted s’est à nouveau effondrée, les poumons brûlés, lorsqu’une silhouette attire son regard ourlé de perles salée que la fumée s’obstinent à faire couler. « EH ! » L’effort semble surhumain lorsqu’elle cherche à couvrir le ronron de l’incendie pour interpeller l’inconnu. « On a besoin d’aide ici ! » L’ombre fait volte-face et finit par s’approcher après quelques seconds qui semblent suspendus. Une vague de soulagement déferlent sur la jeune femme lorsqu’elle reconnait l’individu. « On se connait non ? t’es le gars du bar, le médecin !  » Impossible de se rappeler de son nom dans ce chaos d’émotion et de terreur. Épuisée par une nouvelle quinte de toux, elle reprend, le souffle court.  « Pitié aide nous, il est blessé, j’peux pas le bouger toute seule, j’arrive plus à respirer. »