Il savait qu’il aurait mieux fait de ne jamais venir – pourtant, il avait pris le parti de répondre à Boo, glisser quelques grammes dans ses poches afin de les lui remettre, puis s’était laissé happer par quelques connaissances. Le regret d’avoir trop traîné lui fait serrer les poings et la mâchoire, le regard noir qui tente de se frayer un chemin au travers de cette fichue fumée, et une manche plaquée contre le bas du visage dans une tentative de pas trop en aspirer. La fuite se heurte à des nouveaux débris, les issues sont obstruées et, d’un regard circulaire il cherche – mais les visages se dissipent entre les flammes et les nuages grisâtres, désormais hors d’atteinte. Il jure, et se promet que la tronche du responsable, volontaire ou non, rencontrera le pavé pour peu qu’une âme chérie ait été heurtée.

C’est dans une artère du bâtiment qui lui est inconnue qu’il se trouve retranché malgré lui ; les obstacles qui jonchent le chemin semblant le conduire tout droit vers un cul de sac. Il ne distingue presque rien dans la pénombre, et se pense seul quand il tâtonne et enfonce des portes en vain, en agite les poignées sans succès. Dans sa boîte crânienne y’a tout qui vrille – Gunhee n’est pas patient, et ne compte pas se laisser crever gentiment.

Ça se cogne dans son crâne compressé de panique, la vive allure, le regard transcendant la fumée pour voir qu'elle s'est bel et bien perdue dans une allée qu'elle n'a jamais fréquentée. Quelle idée de venir chercher une nouvelle porte de secours ici. Il n'y a rien. Ni personne. Les repères brouillés, il n'y a que cette terrifiante constatation qui la cristallise ; elle est seule face au feu qui s'étend, à la fumée qui arrache la trachée, elle en oublie sa respiration saccadée, la manche qu'elle devrait garder contre son visage. Ça s'agite, ça tourne sur soi. Que quelqu'un soit ici, qu'elle ne soit pas seule, qu'on ne l'oublie pas...

La peur l'enveloppe, ses jambes stimulées d'une envie de survie se mettent à courir. Tout se ressemble sous cette fumée opaque en devenir et les yeux, attaqués de caresses acides, s'indignent sous une couche humide – flou, tout commence doucement à devenir flou. Lorsque. « Eh ! » la silhouette brouillée n'avait pas dû l'entendre sous le crépitement des flammes soudainement affolées. Alors elle court, toujours, s'en approcher, pour l'aider mais aussi, plus égoïstement, pour ne plus rester seule avec elle-même, perdue dans une asphyxiante obscurité grandissante « Eh ! Ça va ? Perdu… » Elle ne le connait pas, ne l'a jamais vu de sa vie, mais il semble aller bien, qu'elle croit « T'es perdu ? Faut qu'on trouve une sortie ; le feu a déjà attaquée celle que j'ai utilisée pour venir ici » Une larme coule et son regard s'éclaircie, nettoyé de la pellicule provoquée par la fumée et elle le voit enfin. Sans se douter que si elle voulait tous les sauver, certains préféraient se sauver uniquement.

Il a un peu de mal à discerner le vrai du faux. Cette brume toxique s'attaquait à ses bronches dès qu'il avait le malheur d'inhaler l'air irrespirable. Pourtant, il s'efforce à garder son calme. Il s'efforce à ne pas projeter sa mort. Il n'y avait aucune raison que ça se termine ainsi… Pas à moins de totalement baisser les bras et de se laisser mourir de façon aussi pitoyable. Ça ne faisait pas non plus parti de son code d'honneur ; abandonner, avant d'avoir tout essayé. Alors il essaierait. Même s'il n'avait pas la moindre idée de ce qui avait pu provoquer cet incendie, l'envie et le besoin de s'échapper primait sur tout le reste. Le responsable paierait forcément pour les conséquences.

« Hé ! Y'a quelqu'un ? » s'écria t-il entre deux toux frénétiques. Il avait beau ramener sa manche contre son visage, l'apnée n'avait jamais été son fort. Qui plus est, la fumée commençait à lui piquer sauvagement la rétine. Faute à ses lentilles, et aux résidus de poussières dans l'air ambiant. C'en était devenu aussi pénible de respirer que de garder les yeux ouverts ! Cependant, il lui semblait avoir entendu des voix. Shang Ti ne reconnaissait absolument rien de ce secteur. Mais il était certain de ne pas avoir rêvé. Son instinct de survie le guida du côté des deux individus, qu'il ne reconnut pas tout de suite. « Pareil pour moi. » fit-il à la suite de Romee. Il lui fallut un laps de temps supplémentaire avant de reconnaître son visage, et d'y lire un drôle de soulagement. Son regard se tourna vers l'autre homme présent. « On a pas le choix. Il faut absolument qu'on trouve un moyen de sortir, sinon on est fichu. » Et l'optimisme dans tout ça ? Bizarrement, il semblait moins paniqué à l'idée de clamser à plusieurs, plutôt que seul.

Toi contre la fin du monde, la frangine égarée probablement en sûreté, ou tout du moins tu l’espères. Situation opposée à la tienne, poumons martyrisés par les effets de la fumée, toux qui se manifeste avant d’avoir le réflexe de tirer un peu sur ton haut trop grand pour venir le hisser jusqu’à ton nez. Trouvant enfin avantage à tes vêtements trop grands, tu n’es pas entièrement certain à l’idée de savoir si cette découverte te plais. Probablement pas, cœur battant en cherchant une issue de sortie. Quelle idée stupide d’être revenu. Quelle stupidité qui pourrait te coûter cher à mesure que tu progresses. Coquerelle à travers les couloirs, la main qui se glisse sur la poignée de toutes les portes que tu croises sans succès. Presque toutes fermées, presque. L’une d’elle cède, un placard. Rien d’intéressant, encore moins une issue de sortie, mais l’objet rouge capte ton regard et tu pousses l’audace à mettre un pied dans l’espace clos. La porte se referme un peu dans ton dos, lâchant ton emprise sur ton pull le temps de quelques secondes pour venir attraper l’extincteur, le secouant par réflexe plus qu’autre chose puisque tu n’as pas la moindre idée de comment cet objet fonctionne, mais il peut toujours être utile pour fracasser une porte ou une fenêtre – et peut-être éteindre un bout de feu qui te fait assez chier pour que tu découvres un pompier profondément endormi au fond de ton être. Clairement, faut pas croire que ce sera ton dernier jour.

Écho de voix à proximité, tu sors du placard avec ta trouvaille sous le bras et l’autre main qui revient mettre un bout de tissu sur ton visage pour t’éviter de te détruire les poumons. Trop de bruits ambiants pour reconnaitre une voix sur le tas, tu te laisses tout de même guider pour tomber sur le trio. « Vous faites la bronzette en attendant que la Pat’Patrouille vienne vous chercher ? » Le moment te parait peu propice pour taper la discussion, mais chacun ses projets en cas de crise. Il te faut quelques secondes pour reconnaître Romee, un peu plus pour Shang Ti que t’as déjà croisé – et puis, solidarité chinoise – et finalement le dernier tu ne le connais pas. La foutue fumée te pique les yeux, mais tu ne peux rien y faire en plus d’avoir ton extincteur qui pèse une tonne pour ta force frêle. « Sinon, j’ai trouvé ça ? Je sais pas du tout comment ça fonctionne, mais si quelqu’un se sent le cœur de défoncer une porte avec, je veux bien vous le prêter en échange de ma survie. »

Ça commence par une voix qui semble l’interpeller, et quand il fait demi-tour sur lui-même pour toiser l’étrangère, il découvre un visage inconnu (@junko romee) – sans surprise – et arque un sourcil. Elle veut quoi. « T’es perdu ? Faut qu’on trouve une sortie ; le feu a déjà attaqué celle que j’ai utilisée pour venir ici.
- Sans blague. » Il roule des yeux, se détournant déjà dans l’optique de s’attaquer à une nouvelle porte ; c’était sans compter sur l’interruption d’un nouvel arrivant (@duan shang ti). « On n’a pas le choix. Il faut absolument qu’on trouve un moyen de sortir, sinon on est fichu. » Gunhee ne peut retenir une grimace, les poings qui le démangent quand il ne se rappelle pas avoir fait mention d’une quelconque volonté de faire équipe avec les premiers glandus du coin – le problème ne résidant pas dans le fait qu’il aurait envie de les laisser crever, mais dans le fait que lui ne souhaite pas y rester. « On ? » Un rictus narquois dessine ses lippes, alors qu’il hausse les épaules – excédé, la perte de temps précieuse se faisant ressentir dans l’opacité de plus en plus importante de la fumée. Et à son plus grand désarroi, il s’apprête à répandre un peu plus de venin avant de reprendre son chemin, quand une troisième voix fait irruption (@bai liu), le ton léger qui aurait, selon lui, mérité une droite dans pareille situation si l’inconnu n’était pas en possession de ce qui pourrait être l’objet de leur salvation. « si quelqu’un se sent le cœur de défoncer une pote avec, je veux bien vous le prêter-
- Fallait le dire plus tôt putain. » Il écoute à peine la suite – la survie des autres, certes, mais la sienne avant tout. D'une main il vient tirer l’extincteur, et Gunhee jauge l’objet d’un coup d’œil rapide – demi-tour, il fait à nouveau face à la porte récalcitrante, contre laquelle il enfonce sans sommation l’extincteur. De toute façon, il sait pas comment ça fonctionne non plus.

Cette bande de bras cassés qu'ils formaient, c'était la fumée qui la faisait halluciner ou il y en avait bien un qui semblait excédé de trouver du renfort et un autre qui venait d'évoquer la Pat'Patrouille en plein milieu d'un incendie? Le facepalm ne serait pas passé loin si, malgré la chaleur, les sueurs refroidies d'une frayeur instinctive d'un danger oppressant ne l'avait pas rappelée à l'ordre. « On ? – Oui, on, fais toi rapidement à cette idée » Alors son regard se porte sur les deux visages qu'elle reconnaît, soucieuse pour ceux avec qui elle a partagé. « Ça va vous deux? » Et elle a pas le temps de comprendre, ni de voir, mais bien le temps d'entendre la poignée qui saute, la porte qui s'ouvre dans un fracas monstrueux, la collision métallique qui résonne et elle se tourne vers l'inconnu, l'extincteur à la main, la mine sûrement arrogamment fière qu'elle ne saurait voir.

« Top », et elle se hâte d'aller voir ce qu'il venait d'ouvrir ; une pièce bien entamée par les flammes – des étagères entière remplies de documents et finalement une fenêtre au fond – une possible sortie quand la fumé prenait douloureusement demeure dans ses poumons affectés. Et elle accoure vers la vitre, s'efforce de l'ouvrir, quand rien ne glisse, rien ne se décide à bouger, la chaleur et l'impatience lui attaquant la nuque, elle s'épuise... « C'est quoi cette blague? » elle tire, pousse, soulève, force et se croit un temps pas assez puissante quand finalement, elle remarque la soudure sur la trame d'ouverture « Purée mais qui a condamné cette foutue fen...!!! » Un crie s'échappe d'entre ses lèvres, quand un fracas sourd la coupe. Une dalle du plafond venait de s'écraser au sol. Et elle panique, demandant à voix portée au dessus des crépitements, intelligible inquiétude « Tout le monde va bien?! » Manquerait plus que quelqu'un ait fini sous la plaque de plâtre.