D’aussi loin qu’il était capable de se souvenir, son enfance n’avait rien eu de dramatique… Une enfance banale pour un garçon tout aussi banal. La tristesse de sa naissance fut certainement que si lui ouvrait les yeux pour voir le jour, sa mère, elle, ferma les siens à tout jamais sans qu’il n’ait eu la chance de pouvoir la connaître. Toutefois, si le manque était présent de temps à autre, Min Woo n’en fut pas malheureux, recevant énormément d’amour de la part de son père qui faisait de son mieux pour que son fils ne manque de rien et puisse grandir confortablement. C’était difficile sans une présence féminine pour apporter un brin de douceur et chaleur néanmoins à sa manière, Monsieur Choi essayait d’être un exemple pour son enfant puis s’assurer que ce dernier ne souffre pas en silence. Il l’éduqua raisonnablement, l’encourageant et le supportant dans ses projets, l’aidant lorsque le garçon en avait besoin… Il ne lui imposait rien, le laissant prendre ses décisions, aussi petit soit-il, les choix de son fils passaient toujours avant tout le reste. Min Woo devait beaucoup à son géniteur qui n’avait jamais hésité à se sacrifier, à se faire passer en second, pour le bonheur de son enfant… Avant qu’il n’accepte de rencontrer quelqu’un à nouveau, il lui en avait fallu du temps et ce, malgré les conseils de son garçon qui tentait tant bien que mal de le pousser à faire sa vie, d’apprendre à être égoïste puis de penser un peu à lui avant le reste. Le jeune homme avait toujours été très mature pour son âge néanmoins ce n’était pas un défaut, bien au contraire, et tous deux parvenaient à avoir de profondes conversations parfois.

Son entrée au collège et au lycée fut tout aussi normal que le reste de son passé… Il n’était pas un mauvais élève hors il n’était pas le meilleur de la classe non plus. Il était plutôt réservé comme garçon toutefois ça ne l’empêcha d’avoir son propre groupe d’amis, de plaisanter avec eux, de profiter de sa jeunesse puis de peu à peu découvrir de nouveaux sentiments tels que la solidarité, l’amitié mais aussi les premiers flirts... On disait souvent que l’adolescence faisait partie des plus belles années dans une vie, qu’il s’agissait des plus beaux souvenirs sur une vie entière, des moments qu’on souhaiterait garder gravés et ne jamais oublier. Peut-être que c’était la vérité, peut-être que non, cela dépendait probablement des points de vue. A cette époque, il n’était pas malheureux, il souriait avec insouciance, étudiait sagement afin d’être la fierté de celui qui l’avait élevé, dansait pendant son temps libre puisque c’était son passe-temps et une activité qu’il appréciait particulièrement au point où il n’avait pas hésité à rejoindre le club de son école. Ce n’était qu’une passion, pas plus, pas moins, un moyen de décompresser, de libérer tous ses doutes et ses craintes qui le rongeait un peu trop parfois… Il aimait cette sensation de liberté que ce sport lui apportait mais jamais il ne voulut en faire son métier. Quel travail exerçait ? A cet âge, le garçon l’ignorait encore, ayant de nombreuses idées qui lui traversaient l’esprit sans qu’aucune d’entre elles ne le satisfasse vraiment.

Sa vie prit un tournant différent l’année de ses dix-sept ans… Elle changea brutalement sans qu’il n’ait rien pu voir venir. S’il était un étudiant calme, moins excentrique et dynamique que les autres, il était fidèle à lui-même autant qu’il était fidèle à ses proches, à tous ceux à qui il tenait. Il ne savait pas ce qu’il s’était passé ni pourquoi on les avait attaqué ce soir-là, tout ce qu’il savait était que cet évènement avait tout fait basculer, toute son existence et ce en quoi il croyait. Alors qu’ils avaient prévu de sortir, lui ainsi que deux de ses amis s’étaient retrouvés embarquer de force, tombant dans l’inconscience avant de se réveiller enfermé dans une pièce froide avec rien pour se couvrir ni pour se réchauffer. Aucun d’entre eux n’avait compris ce qu’il se passait si ce n’était que leur vie était très certainement en danger et qu’ils allaient peut-être mourir ici si on ne les retrouvait pas à temps.

Des minutes, des heures, des jours mêmes s’écoulèrent sans qu’ils ne puissent vraiment savoir depuis combien de temps exactement ils étaient là. Min Woo se rappelait parfaitement de la froideur de son corps, de la faim et la soif qui l’accaparaient de plus en plus mais aussi de la faiblesse de son organisme à ce moment-là… Il n’était pas quelqu’un de faible à l’origine, il ne tombait pas souvent malade mais pourtant c’était lui qui à cette période s’était avéré être le plus affaibli des trois. L’agresseur avait énoncé ce qu’il désirait la veille, l’un d’entre eux devait mourir si les deux autres souhaitaient survivre… On les forçait à choisir et lui n’était pas d’accord de rentrer dans le jeu de cet individu. Il était jeune et n’avait aucune envie de mourir tout comme il ne voulait pas que ses camarades perdent la vie non plus. Ils étaient ses plus proches amis, ceux qu’il connaissait depuis des années et avec qui il avait partagé tellement de choses. Jamais il n’aurait pu imaginer qu’un tel incident puisse briser leur amitié et les séparer pour toujours. Allongé sur le sol, luttant à ne pas s’endormir, plus affaibli que jamais, il les entendait chuchoter sans parvenir à discerner ce qu’ils disaient… Ils avaient fait leur choix, profitant de sa faiblesse pour se donner bonne conscience, ils décidèrent de répondre au jeu de l’agresseur et d’éliminer leur camarade. C’était triste. C’était dramatique. Encore plus lorsqu’on savait qu’on les avait obligés à le faire de leur propre grès et qu’ils n’avaient pas hésité à utiliser ce couteau pour le poignarder puis essayer de l’achever.

Comme promis, on les avait libéré sans qu’ils ne puissent voir le visage de leur agresseur, le dernier restant suffoquant dans son propre sang tandis qu’à moitié conscient, il réalisait ce qu’il se passait et du ô comment ses amis l’avaient trahi brutalement. Ses paupières se fermèrent dans l’obscurité sur ses pensées, n’espérant pas même une seconde en sortir vivant et pourtant… Lorsqu’il les rouvrit, il était allongé dans un lit d’hôpital, son père à son chevet. On lui expliqua qu’il avait eu beaucoup de chance, qu’il pouvait remercier les cieux puisque n’importe qui d’autre à sa place serait certainement mort à l’heure qu’il était. Le coupable avait été arrêté, ses amis qui n’étaient plus rien à ses yeux étaient également hospitalisés mais dans une clinique différente de la sienne, et il était en sécurité désormais.

A partir de cet instant, Min Woo ne fut plus réellement le même. Il mettait des distances avec les personnes qu’il rencontrait, lui donnant un air plus arrogant et froid. Il ne souriait plus aussi facilement qu’avant, rares étaient les fois où une esquisse traçait ses lèvres, il restait enfermé dans son propre monde. Après sa réhabilitation, on le fit suivre par un psychologue afin de s’assurer qu’il n’était pas marqué par les récents évènements cependant plus que ce calvaire par lequel il avait dû traverser, c’était la trahison de ses amis qui lui laissaient un profond goût amer dans le creux de sa gorge. Il n’oubliait rien de ces jours qu’il avait passé enfermés tout comme il n’était pas en mesure d’effacer ses chuchotements qui bourdonnaient dans ses oreilles, ni ce moment où on l’avait poignardé sans le moindre remord. Fort de caractère, le jeune homme ne s’était pas laissé abattre, quittant sa ville natale en compagnie de son père et sa belle-mère pour la capitale, souhaitant reprendre un nouveau départ, repartir de zéro et poursuivre ses rêves. Il effectua sa dernière année étude dans un nouvel établissement, ne se mêlant à personne, se contentant d’étudier en solitaire. Un an plus tard, fraîchement diplômé, il choisit d’effectuer son service militaire avec comme objectif d’essayer d’intégrer les forces spéciales à son retour. Peu importait ce qu’il avait pu vivre, son but n’avait pas changé, au contraire, il n’avait fait que s’accentuer au fil des années. Il aurait pu prendre un autre chemin, devenir aussi cruel que l’homme qui avait tenté de jouer d’eux et qui avait échoué dans sa propre mission puisque Min Woo était en vie seulement ce dernier n’avait pas suivi cette voie… Il avait connu l’horreur et plus que vouloir créer le mal, il voulait faire le bien. Il voulait se battre pour l’ordre et la justice, il voulait agir sur le terrain et défendre tous ses innocents qui ne demandaient rien d’autres qu’une vie normal. La question qu’on pourrait se poser alors était pourquoi intégrer les forces spéciales, pourquoi ne pas se contenter de la police et d’utiliser son savoir pour résoudre des enquêtes ? Et bien…. Pourquoi pas ? Lui aimait son métier, c’était le choix qu’il avait fait des années en arrière et il ne le regrettait pas. A tout moment sa vie pouvait basculer, il en avait purement conscience toutefois c’était également ce qui lui permettait de se sentir vivant.