Déjà du haut de ses six ans, Matteo se prenait très au sérieux dans son rôle de grand frère. Quand sa mère lui avait expliqué qu’il allait avoir un petit frère, il n’avait pas compris qu’il en aurait deux pour le prix d’un. Effectivement, une petite soeur suivait celui-ci de très pres. De faux jumeaux. Cela surprit tout le monde, mais pour leur plus grand bonheur. Vous auriez vu cette bouille d’enfant se rider sous la concentration extrême qu’il prenait pour délicatement bercer la cadette quand sa génitrice le lui déposait au creux des bras. Avec une très grande attention, il prit ses précautions pour ne pas la faire tomber, et fit preuve d’une douceur infime dont un gamin de son âge ne devrait pas être capable. Au premier regard qu’il avait posé sur elle, il en était devenu complètement gaga, avec ses petites paumettes roses et ses grands yeux l’observant pour la première fois. Il était loin de se douter qu’elle allait devenir sa préférence bien malgré lui en grandissant. Il aimait énormement son frère, il aurait donné sa vie pour lui, mais sa soeur, elle était l'unique et la seule. Trop jeune pour le comprendre, il avait grandi dans l’insouciance d’un foyer chaleureux bien que stricte en règles.

Jusqu’à l’âge de douze ans, Mattéo vécu en Italie avec sa famille. Son père tenait une petite boulangerie traditionnelle qui n’avait plus à faire son renom. Il ne comptait plus les fois où il se levait avant les autres pour rejoindre son paternel qui s’afférait déjà au travail dans son atelier depuis l’aube. Il profitait pour observer le moindre de ses gestes, apprenant en silence avant d’aller à l’école à contre cœur. Le soir, il venait l’aider à nettoyer le tout, essayant de soulager son père d’une partie de son travail. La raison principale d’un tel dévouement de sa part était qu’il était fasciné par ce que son géniteur produisait de ses doigts magiques. Tout comme lui, il voulait devenir un adepte de cet art. Son avenir était déjà tout tracé : il reprendrait l’affaire de son père dès qu’il serait en âge de le faire. La vie n’était parfois pas clémente, mettant des obstacles sur la route de chacun. La destinée est souvent si fataliste, empruntant des chemins détournés. Comme ce jour de fin d’année où son père s’éteignit pendant la nuit de la veille de Noel, exténué par une passion qui avait usée jusqu’à son âme… Depuis, Matteo fuyait les cadeaux de Noël. Celui-ci lui avait suffi …

Un bonheur éphémère. Cette vie qu’il pensait posséder pour l’éternité. On lui a tout pris depuis cette fameuse nuit. Tout ce qu’il restait était cette blessure gravée au fer rouge sur son cœur. Leur mère, emplie de tristesse n’en supporta pas d’avantage. Aussitôt l’enterrement terminé, elle vendit leur maison et la boutique de leur père au plus vite. Munie du strict minimum, elle partait avec ses enfants en Corée, revenant dans sa famille. Les enfants n’avaient pas eu le temps de faire leur deuil. Les jumeaux, âgés de six ans, ne comprenaient pas pourquoi on avait enterré leur père dans une boite, criant au scandale. Seul Matteo restait silencieux, obéissant adroitement à sa mère détruite par la dépression. Malgré son jeune âge, il avait déjà compris avant tout le monde que plus rien ne serait pareil. Plus jamais …

Les années qui suivirent, il prit la tête de la famille, devenant la figure paternelle. Il était le pilier de leur mère dont le comportement était devenu instable depuis la mort de leur père. Elle s’était révélé être maniaco-dépressive. Le traitement qu’elle suivait stabilisait son moral, la rendant normal la plus part du temps. Pourtant, il ne avait toujours ce pincement au cœur de la laisser seule, ou pire : seule avec les jumeaux. S’il tenait énormément à sa mère, les jumeaux étaient devenus la prunelle de ses yeux. D’avantage le jour où il est rentré et où il avait trouvé une marre de sang dans la cuisine, sa soeur allongée au centre. Il avait cru que son coeur allait s'arrêter pour la rejoindre. Il avait d’abord appelé les secours avant de retrouver sa mère hystérique devant la porte de la salle de bain. Son petit frère s’y était réfugié après avoir vu ce que leur mère avait fait à la cadette. Celle-ci tentait d’ouvrir la porte, mais elle se calma presque instantanément en voyant son ainé auprès d’elle. « Matteo, tu es rentré ? Tu arrives juste attend. Dis à ton frère qu’il ouvre cette porte afin qu’on puisse tous retrouver votre père. » C’était les mots qu’elle avait prononcé avant que le choc et la peur ne tiraillent Matteo. Par miracle, il parvint à lui faire lâcher le couteau menaçant. Il savait que ce jour maudit, il aurait dû l’interner. Ca aurait été pour le bien de tout le monde, mais il ne pu s’y résoudre. Même sa sœur n’en eut pas le courage. La douceur incarnée, elle feignait d’avoir voulu se suicider auprès des autorités. Et même si son jumeau ne la contredit pas, il ne peut supporter leur mère depuis. Il en veut parfois à Matteo de ne pas avoir pris les décisions aussi dures soient-elles, mais il comprenait aussi… Si Matteo s’occupe aujourd’hui à survenir au besoin de sa famille, il en délaisse sa propre vie sentimentale. Sa plus longue histoire n’a pas du dépasser un an de relation, quand bien même il était amoureux tel un fou. Sa famille occupait toujours la première place dans sa vie au plus grand damn de ses conquêtes.

C'est le coeur brisé qu'il s'échappait en Italie pour une durée d'une quinzaine de jour chez un vieil ami de son père pour apprendre certains secrets du métier qu'il ne connaissait pas encore. Une évasion anticipée pour s'échapper de ce monde dont il avait l'impression de perdre le contrôle. Il n'avait prévenu personne. Il était juste parti en laissant un mot derrière lui "Je reviens bientôt."