«Ichigo, je t’avais dis de ne pas rentrer dans ma chambre ! Pourquoi tu n’écoute jamais rien ?»

Ichigo frémit en entendant l’utilisation de son prénom au complet sans honorifique. Sa grande sœur de six ans, Naoko, se tenait face à elle en agitant devant son nez son appareil photo argentique Leica, le dernier ayant la lentille brisée. N’ayant pas écouter l’ordre de sa sœur, le petite s’était glissée en douce dans sa chambre pour jouer avec cet appareil qu’elle appréciait tant.

«Je…c’est pas moi !» bredouilla Ichigo, en jouant avec le bracelet de perles multicolores attaché à son poignet, qu’elle avait fait avec sa mère la veille. Elle savait que ce mensonge ne serait jamais accepté, mais elle ne voulait pas lui révéler qu’elle avait brisée sa promesse (et le Leica par la même occasion). Naoko la considéra quelques instants avant de pivoter sur ses talons, ses pas résonnant lourdement dans le couloir, avec l’intention d’aller parler de ce problème avec leur mère.

Ichigo, Naoko et leurs parents vivaient dans une paisible maison de la banlieue de Sendai, une métropole japonaise bordant la côte maritime. Une famille banale formée par un couple sans passions et sans ambitions. Peut-être avaient-ils à leur rencontre ressentis quelque chose, une étincelle, auquel ils se sont désespérément accrochés pour fonder une famille, afin que eux aussi puissent mener une vie qui ne leur apportera aucunes hontes aux yeux des autres. La mère avait arrêtée de travailler aussitôt qu’elle fut fiancée et son mari est salarié d’une grande entreprise, un job qu’il n’aime pas mais qu’il exécutera sans broncher tant qu’il pourra ramener de l’argent au bercail.

Mais ils étaient heureux. Nous n’avons pas tous la possibilité de réaliser nos rêves, et les Fujioka était les premiers à vous le confirmer, sans tristesse et sans regrets. Jusqu’à qu’ils aient leur première fille.

Il y avait une chose que Naoko répétait sans cesse, aussi blessant que cela puisse être: «Je ne veux pas devenir comme maman et papa». Elle faisait partie de ces rares enfants qui avaient découvert à un jeune âge que leurs parents n’étaient pas des super-héros. De quels branches généalogiques tirait elle se comportement si déviant du reste de sa famille ? Nul ne le sait.

Lorsque leur famille fut agrandit avec la naissance d’Ichigo, elle se donna la tâche de transformer sa petite soeur en, elle aussi, une rebelle des Fujioka.

Mais plus les années passèrent, plus elle se rendit compte avec dépit qu'Ichigo avait belle et bien héritée du sang de ses géniteurs. Malgré leur vie peu trépidante, elle admirait ses parents, aimait sa famille de tout son cœur, du même amour pure qui habite tout les enfants et qui se manifestait peut-être encore plus chez elle. Comment est-ce que deux sœurs pouvaient être aussi différentes ? Nul ne le sait.

Les années passèrent, Naoko grandissa et finissa par délaisser sa petite soeur, alors que pourtant cette dernière admirait son aînée. Même si elle ne lui montrait pas autant d’attention qu’elle le désirait, c’était une de ses modèles dans la maisonnées. Sans que Naoko le réalise, Ichigo, tout comme elle, commenca à ressentir le besoins de se sortir de la vie monotone et sans passions des Fujioka.

Mais à la place de se rebeller comme sa soeur, Ichigo passa son enfance à rêver, et contrairement à ses parents, à essayer d’atteindre ses rêves. Elle voulait devenir quelqu’un, créer un nom pour les Fujioka.

Et pour ça, elle a tout essayée. Que se soit les cours de danse classique dont elle avait suppliée sa mère de lui inscrire, ses cahiers de dessins dont elle remplissait les pages d’oeuvres d’arts divers et variées et sur lesquels elle y passait des heures, ou encore les cours de solfège et ensuite de piano qu’elle avait pris après s’être émerveillée devant le piano du salon de ses grand-parents. Sans compter la fois ou elle avait pris en douce l’appareil photo pellicule de sa sœur pour s’improviser photographe, mais qu’elle brisa par mégarde en plus de lui vider une pellicule. Les représailles on été tellement cuisante de la part de la plus vieille que les parents en achetèrent un à Ichigo.

De toutes ces différentes disciplines, aucunes ne l'ont satisfaite jusqu’au bout. Ce n’est pas qu’elle n’aimait pas, ou qu’elle était mauvaise, loin de là, mais elle savait qu’elle n'avait pas encore trouvée sa future vocation.

Ses parents quant à eux, étaient aux anges: ils avaient une fille qu’ils pouvaient supporter dans ses diverses activités, dont ils étaient fière de dire qu’elle était la leur et qui en retour, les aimaient infiniment. Naoko se sentie délaissée, entraînant une jalousie envers sa jeune sœur de sa part. Elle ne vint jamais la voir à ses récitals de danse ou de piano et ne portait aucune attention aux divers œuvres qu’elle tentait de créer. Mais Ichigo s’était habituée à se manque d’affection de la part de Naoko, espérant secrètement qu’un jour cela changera.

Lorsqu’elle commença ses années de collège, elle entra dans le club d’art dramatique. Ce fut un coup de cœur immédiat pour la jeune japonaise. Le plaisir grisant de jouer un personnage, de se faire passer pour un autre, d’échapper quelque instant à sa réalité pour s’en créer une nouvelle, la subjugua. Elle avait enfin trouver quelque chose qui faisait battre son cœur, quelque chose pour quoi elle voulait devenir quelqu’un. Sous les recommandations de Mme. Tanaka, sa professeure d’art dramatique qui l’avait prise d’affection, elle se renseigna sur le monde des spectacles, et plus précisément du cinéma.

«Cinéma et audiovisuel», voilà, c’était ça le domaine artistique qui lui avait fait chavirer son monde. Alors que la plupart des jeunes de son âge n’avait même pas encore l’idée de quoi étudier plus tard, Ichigo, elle, avait choisie.  

La scène coréenne l’attire. Elle a l’impression que, dans se pays si proche mais si loin, elle a une chance de se faire un nom. Elle se renseigne sur cette contrée dont elle ne sait que peux de chose, en apprend la langue, rencontre un correspondant en ligne avec lequel elle tissera un lien qui lui sera fort utile.

Pendant ce temps, sa sœur grandit et deviens adulte. Elle aussi, elle veut partir, elle aussi, elle veut se faire un nom. Du jour au lendemain, Naoko fait son départ pour Tokyo, dans l'espoir de s’y trouver un avenir, quelque chose qui pourrait également lui faire battre son cœur. Mais tout le monde n’a pas cette chance.

Même si sa sœur s’est toujours montrer froide pour elle, Ichigo est restée à ses côté pour la supporter, pour la soutenir, essayer de la protéger. Elle même ne savait pas exactement se qui la poussait à agir ainsi. Mais elle savait qu’elle aimait Naoko.

C’est pour cela que lorsqu'elle apprit qu’elle ne s’en sortait pas à Tokyo, du haut de ses dix-sept ans elle est aller la chercher, accompagnée par sa tante, pour la ramener à Sendai. Elle avait insistée pour que ses parents ne viennent pas, sachant que cela ne pourrait que envenimer la situation. Mais ils lui faisaient confiance.

«Pourquoi est-ce que tu tiens tant à moi ?» furent les premiers mots, échappés des lèvres de Naoko, qui brisèrent le silence glaciale qui s’était installé entre elles après qu’elles se soient assises sur la banquette arrière de la vieille voiture de leur tante.

Ichigo jouait avec son bracelet,un cadeau de ses grand-parents pour son dernier anniversaire. Elle ne savait pas comment lui ouvrir son cœur. Elle n’en avait jamais eu l’occasion, avait à peine essayée.

«Je sais pas» finit-elle par bredouiller d’une petite voix. C’était la réponse facile, la réponse vide de sens, qui signifie juste que tu ne sais pas comment répondre. Parce qu’au fond d’elle, Ichigo savait pourquoi. Tout comme sa sœur, elle avait envie de partir, de se créer une vie qui la fera rayonner. Mais il fallait aller loin, plus loin que Tokyo, dépasser les frontières du pays et les étendus d’eau qui coupaient le Japon de tout contacte directe avec l’extérieur.

Elle savait où elle voulait aller, elle avait même une adresse précise en tête. Seoul National University.