Ce soir-là, la maison est calme. Papa et Maman sont sortis dîner en amoureux pour fêter leur vingt ans de mariage. Min Yul n’habite plus ici depuis longtemps. A 30 ans, il a son petit appart’ qu’il partage officieusement avec sa copine mais chut, Papa est pas au courant. S’il le savait, il en pleurerait toute la semaine parce que Oppa a beau être adulte et se débrouiller tout seul depuis des années, ça reste le gros bébé de Papa, son tout premier. Faut dire que quand il est né, Papa n’avait que 17 ans, l’âge de Min Seok aujourd’hui alors quand il est parti de la maison, c’était l’horreur. On avait l’impression qu’il était parti dans un autre pays ! Il l’appelait tous les jours, pleurait quasi tout le temps et avec mon petit frère, on a subi les frais de son trop plein d’amour dès qu’on avait le malheur de le croiser dans les couloirs. « Promettez à Papa que vous partirez jamais de la maison hein ? » qu’il nous répétait en nous serrant contre lui comme s’il nous avait pas vu depuis des années. Mon père il est comme ça, c’est un gros émotif. Enfin je peux parler, je suis vraiment pas mieux. Ça et l’humour potache, j’ai hérité ça de lui. Min Seok lui, il doit être chez un de ses potes. Lequel, j’en sais rien. Il a tellement de potes que c’est difficile de se souvenir du prénom de chacun. Tout ce que je sais, c’est qu’il est pas là et que j’ai la maison pour moi toute seule ! Ça veut dire popcorn devant mon film préféré, maki sous le plaid et bubble tea à portée de main. Ça, c’est la soirée parfaite par excellence.

Puis à la fin du film, je me sens vraiment seule. Ce soir, même Robert Downey Jr. n’arrive pas à combler le vide qui règne dans le salon. Les crédits défilent sur l’écran et je me dis que les commentaires de mon frère me manquent un peu, même si je l’engueule à chaque fois qu’il ouvre sa bouche quand RDJ parle. Je scrute chaque millimètre jusqu’à ce que mon regard se porte sur l’étagère où ma mère range précieusement les albums photos. Sans réfléchir, je m’y précipite et retourne vite fait sous la couette. J’étais contente d’être toute seule chez moi au calme sans toute ma famille et voilà que je me retrouve à regarder leur tronche et à les vouloir à côté de moi. Vraiment Soo Min, tu sais pas ce que tu veux. J’enfourne un popcorn dans ma bouche tout en tournant la première page. C’est une ribambelle de photos de mon grand-frère, Min Yul. J’ai parfois du mal à me dire que ce petit garçon, vêtu de sa tenue de pilote préférée avec ses grosses joues, est le même que cet homme qui porte des costards cravate et que ces collègues surnomment le « requin ». Oubliées les courses de voitures, le tribunal est aujourd’hui devenu son terrain de jeu. Moi j’aurai bien aimé le connaître quand il était gamin mais j’ai toujours Papa pour me raconter les innombrables conneries qu’il a pu faire étant gamin. Maman aussi, elle en a été témoin même si c’est pas sa vraie maman. Pour lui, c’est tout comme bien qu’il aime aussi sa vraie maman. Je l’ai pas rencontré beaucoup de fois mais c’est quelqu’un de bien. J’le dis jamais mais j’suis bien contente que Papa soit pas restée avec elle sinon il aurait jamais rencontrée Maman et avec Min Seok, on serait pas là. Puis quand je regarde mes parents, je peux pas m’empêcher de penser qu’ils étaient faits pour être ensemble et qu’importe où ils auraient été, ils se seraient quand même trouvés.

La page d’après, ce sont des photos de moi : à la maternité entourée d’un monticule de peluches, avec l’uniforme de mon père trop grand pour moi sur le dos, portant les talons de ma mère avec la tronche peinturlurée comme un clown, dans mon kimono pour mon premier cours de taekwondo, la tête enfouie dans un carton le jour de Noël parce que j’étais persuadée que y’avait un petit lutin caché dedans. A côté, y’a Min Seok mon petit frère, le papier cadeau à la bouche. Déjà à cet âge-là, c’était un ventre sur pattes. Je veux bien qu’à l’adolescence, on a un trou dans les boyaux mais faut le voir, il boo pour quatre ! Et comme Maman fait toujours à manger pour quinze, c’est toujours lui qui racle le fond des plats. Suffit de regarder la photo d’après : Min Seok, endormi dans son plat de nouilles. Même en dormant, on le voyait encore aspirer ses ramyeons. Il a pas tellement changé depuis. Sur l’image suivante, on est tous les trois, devant le sapin de Noël. Rien que de la voir, ça me fait mourir de rire. Parce que seulement quelques secondes après avoir pris ce cliché, les chats ont sauté dans l’arbre qui nous est tombé sur la gueule. Je retrouvais des épines dans mes cheveux encore deux jours après. Les chats se sont plus jamais approchés d'un sapin de leur vie.

Sur les suivantes, c'est Papa et Maman. C'est Oppa qui a pris les photos quand on était tous partis en vacances à Daegu, dans la famille de Papa. Je sais qu'avec ses parents, c'était pas facile et aujourd'hui encore, ça l'est mais il a fait des efforts pour que toute la famille soit réunie. Je crois que quand la photo a été prise, ça faisait plusieurs années qu'il les avait pas revu parce que leur dernière rencontre avec Min Yul s'était mal passée. Moi j'en garde un bon souvenir de ses vacances. On avait été tous ensembles à la plage et je me rappelle du sourire de Papa, de combien Mamie était heureuse de discuter avec Maman et de la fierté de Papy quand Min Yul avait réussi à pêcher son premier poisson. On a pas une famille des plus soudées mais on reste une famille quand même.

La photo qui se trouve derrière nous emmène en Chine, là où Maman avait grandi. Maman voulait pas trop qu’on aille là-bas mais Papa pensait que c’était important qu’on sache d’où on vient, c’est en partie pour ça qu’il a convaincu Maman de nous emmener dans son pays natal. Tout comme Papa, Maman ne s’entend pas vraiment bien avec ses parents. Elle nous a jamais raconté pourquoi et je doute qu’elle le fasse un jour et on ose pas trop lui poser des questions vu comment elle s’abstient toujours d’en parler. Malgré tout ça, la voir faire cet effort, ça voulait dire beaucoup pour moi. Au final, même si on voit pas beaucoup les parents de Maman, ils sont toujours présents aux anniversaires, aux grands repas de famille. Alors je sais pas ce qui s’est passé entre eux mais quand je vois l’émotion dans les yeux de Maman quand ses parents sont là, je me dis qu’au fond d’elle, elle est heureuse de les avoir retrouvé.

J’extraie ma main de sous la couette pour aller attraper mon bubble tea et en siroter quelques gorgées alors que je tourne une autre page. Portant fièrement son uniforme de policier, mon père se tient bien droit, l’air sérieux et impassible. Ça change de le voir arborer cette expression si froide, lui qui a toujours le sourire aux lèvres. C’est pourtant l’une des photos préférées de ma mère parce qu’elle dit que c’est en parti pour ça qu’elle est tombée amoureuse de Papa. Même si on éprouve chacun une certaine fierté (sauf quand il utilise son statut pour envoyer des patrouilles nous chercher à la sortie de l’école…), on a tous cette peur dévorante de ne plus jamais le voir franchir la porte avec son éternel « Super Papa est rentré ! ». Rien que de repenser à la fois où il a fini à l’hôpital me donne envie de pleurer. Une balle perdue qui a failli nous enlevé pour toujours notre père. Je serre un peu plus le plaid contre moi tout en cajolant la photo du bout des doigts. C’est dans ces moments là qu’on se rend compte que nos parents ne sont pas éternels et que rien ne l’est.

Je tourne la page et c’est le visage souriant de Maman qui apparaît. Elle a beau ne plus avoir la vingtaine, ça reste une très belle femme et un modèle pour moi. C’est une femme forte, courageuse et qui donne beaucoup aux autres. J’ai jamais vu quelqu’un s’investir autant dans son travail (si ce n’est Tata Aecha qui est flic comme Papa). Maman, elle s’occupe de jeunes qui ont un casier et cherche à se réinsérer dans la vie professionnelle. Quand elle nous parle parfois de certains et de la violence dont ils font preuve, j’ai peur pour elle. Mais elle a cet espèce d’aura qui émane d’elle et qui fait que personne ne lui cherche des noises. Maman se met rarement en colère, elle est plus le genre de Maman qui nous laisse un peu faire ce qu’on veut dans les limites du possible bien évidemment mais quand on a le malheur de faire, ne serait-ce qu’un pas de travers, elle se fout en rogne comme pas possible. D’ailleurs, Min Seok il fait le fier devant ses copains mais devant Maman, il rampe la queue entre les jambes ! Papa aussi mais Papa … c’est Papa quoi. Alors j’aimerai être comme Maman plus tard même si on me dit que je lui ressemble beaucoup sur ce point. Mais moi plus tard, je voudrai travailler dans les fleurs. Pas être fleuriste non mais plutôt botaniste ou alors créer des parfums naturels.

Depuis toute petite j’adore (bon ok c’est peut-être un peu bizarre) renifler les gens. Je suis loin de me prendre pour un chien mais je suis très sensible aux odeurs et j’adore sentir le parfum des autres, du moins quand ils en ont. Un jour, je ferai un parfum pour ma mère, un parfum qui lui ressemble. J’ai déjà essayé d’en faire, comme le montre la photo d’après. Je m’étais improvisée un labo mais le résultat avait pas été terrible. Ça sentait plus les fleurs fanées qu’autre chose mais c’était déjà un début ! En attendant, je me contentais de jouer les scientifiques fous, menaçant mon frère de faire exploser sa console s’il mettait encore son nez dans mes affaires ! Je parle de Min Seok. Sa photo me rappelle la fois où, tout fier de lui, il était venu me dire que mon copain de l’époque me trompait. Mon frère n’est pas un menteur, il est trop perfide pour ça. Alors il m’a pas fallu longtemps pour arriver chez l’infidèle et lui tirer les vers du nez … avant de le lui éclater. Je me souviens encore de ce jour-là, ses narines étaient devenues des fontaines rouges et je crois qu’il a jamais autant pleuré sa mère. Durant sa partie de jambe en l’air avec cette fille qui était en plus censée être mon amie, il a oublié que j’étais pas vraiment le genre passive. Il est pas prêt de l’oublier maintenant, ni lui ni les autres mecs. Ça les a un peu fait fuir cette histoire.

En parlant de mecs … mon cœur loupe un battement quand j’aperçois des traits familiers sur le cliché suivant. C’est la remise des diplômes au lycée, notre dernier jour. Ce jour-là, on a rigolé, pleuré, fait la fête jusqu’au lever du jour en savourant nos derniers instants d’insouciance. Je suis à côté de Nyséa, ma meilleure amie qui se trouve être la fille de la meilleure amie de Maman. On se connait depuis des années et on ne s’est jamais quittées. Mais de l’autre côté, y’a Ahn Jung Dae, l’imbécile de service amoureux des fusées. Sauf qu’il se trouve que cet imbécile, il me fait ressentir de drôles de trucs, des trucs qui n’existent que dans les films genre les papillons dans le ventre, les montagnes russes dans la poitrine, le genre de trucs complètement niais qui n’arrivent qu’aux autres. Et bah non, ça m’est arrivé aussi, sans que j’m’y attende. C’était comme se prendre une grosse baffe dans la tronche et depuis, dès que je le vois, j’ai tout ses symptômes là. Noam m’a dit que son père lui avait expliqué que l’amour, c’était comme une maladie mais une belle maladie. Moi j’y comprends rien et je veux pas être malade, pas de lui ! Non mais vous l’avez vu ? Avec son sourire qui dévoile toutes ses gencives, avec ses yeux noisettes et clair, ses vieux tshirt de Star Wars pourris et son rire de débile heureux là quand il a fait décoller sa fusée l’autre fois. Non je vous jure, je peux pas être entiché d’un mec comme lui.

« Qu’est-ce que tu fais sous ta couette perverse ? ».

Je sursaute tel un chat qu’on balance à la flotte mais comme je suis enroulée comme un maki dans ma couette, je finis par rouler du canapé et étalée par terre. Min Seok … il a toujours le chic pour débarquer quand on l’attend le moins. « YAH ! Préviens quand tu rentres ! ». Je sors la tête de ma tanière pour lui lancer un regard noir qui ne fait qu’accentuer son rire. « Pourquoi t’es rentré ? » que je lui demande en remontant sur le canapé, refermant l’album photo. « C’était nul » qu’il me dit avec toute sa nonchalance d’adolescent. « Et donc tu préfères passer ta soirée avec ta grande sœur ? Que c'est mignon ! ». Il me regarde avec dédain alors qu’il s’affale dans le canapé, piochant dans mes popcorns. « Tu me faisais pitié à être toute seule alors ouais ». Ça lui vaut une bonne tape sur le bras, j’espère qu’il a eu mal ce petit con ! Mais … je suis contente qu’il soit là, le reste de la soirée sera moins triste avec lui ! « Je regardais Iron Man, ça te va ? De toute façon t’as pas le choix ». Il hausse les épaules comme il sait si bien le faire et sans plus attendre, je récupère le plaid pour l’installer sur nous et je me cale contre lui en attrapant les popcorns.

On est comme ça chez nous. On se dit mieux sans les autres mais au final, on est comme des aimants, on revient toujours les uns vers les autres.

« Sérieux tu faisais quoi avec la photo de Jung Dae sous ta couette là ? ». Le rouge imprègne mes joues et je lui frappe la jambe pour qu’il oublie. « Rien je regardais juste les photos de famille, c’est tout ! T’imagine pas des trucs toi ! ». Pour le meilleur et pour le pire !

Et le petit bout de code pour le bottin

Code:

[code]<span class="style1">✗</span> [b]LEE HYE RI[/b] (Hyeri - Girl's Day) ⟫ do soo min[/code]