«  Est-ce que tu veux bien m’épouser ? »

Puis il l'avait embrassée. Elle se souvient encore de la tendresse de ses lèvres et de la douceur de ses gestes, à l'époque folle amoureuse, elle pensait vivre l'idylle de sa vie. Encore étudiante et pourtant fiancée, elle n'avait pas pu se résoudre à refuser. D'un sourire elle avait dit oui, oui je le veux, le serrant à son tour dans ses bras avant de fondre en larmes. Il y avait d'ordinaire ces larmes salées trop amères, aujourd'hui transformées en lumières. Elle avait dix-huit ans, elle croyait encore au bonheur, elle le vivait d'ailleurs, ce bonheur.

Il demeurait ancré dans son être, incapable de s'effacer. Sa mère aimait toujours trop fort. Toujours, toujours beaucoup trop fort.

Les corps enlacés après l'amour lui laissaient aveuglément croire à un nouvel espoir, à l'idée que, plus tard, après tout ça, on lui donnerait une chance de vivre en paix. Le matin devant la glace elle ne regarde plus ses bleus, ni les égratignures, c'est un enfant qu'elle observe naître calmement dans son ventre en chantonnant sa berceuse préférée. Celle qu'on lui chantait avant son départ précipité. Les journées à Gwangju lui paraissaient bien plus ensoleillées que jamais, malgré sa nature assez renfermée elle tentait de s'imposer. La détermination et la passion, presque trop rayonnante, certaine d'y arriver.


Des pleures d'enfants qui résonnent…

« Papa ! Arrête papa ! »

Je m'approche à grands pas, court vers le téléphone posé sur le meuble, près de la baie vitrée. Dans mes petites mains du sang coulait, mon visage remplit de larmes.

« Police, j’écoute. »
« Papa va nous tuer si on ne l’arrête pas. »
« Où habites-tu petit ? On arrive tout de suite. »

De ma petite voix, je leur donne l'adresse d'habitation. Mon père m'attrape par le col et me jette comme une vulgaire serpillère. Ma mère et ma sœur au regard apeuré, dans les bras de ma mère l'enfant semblait pleurer. Ce n'est que passager, ma puce ? Papa est en colère. Chante une chanson pour te rassurer.

« Je chante une prière. » Dit-elle à voix basse.

Pour que ton amour ne s'éteigne jamais, avait-elle continué. Comme ça, même si on se sépare, je sais que tu m'aimeras toujours ! Elle avait pleuré. Et moi aussi je t'aimerai toujours ! Elle avait hurlé en voyant son fils se faire tabassé.

Sous l’eau brûlante de la salle de bain, moi, je continuais de pleurer.
Dans ses bras ce jour-là, sa famille tant aimé,
Était morte un soir d’été.


Errance si tôt dans les rues, une valise roulant sur l’asphalte au rythme de la lenteur de mes pas qui se succédaient. La veille on m’avait chassé de mon métier, moi qui étais policier. Juste une dérouillée à la personne qui menaçait ma copine, de quoi lui donner une bonne leçon. Je me suis fait attraper par mes supérieurs. Mon capitaine m’a suggéré de prendre un congé sabbatique. Ce grand homme aux rides marquées m’avait engueulé, alors je suis parti très rapidement à l’armée pour faire mon service militaire sans plus rien demander.

Enfance défoncée, tuteur attitré, petite sœur envolée, papa et maman délaissé. Des amours malchanceux, dévasté, trop secret pour être aidé. Une mère qui n'écoute pas, des heures passées à pleurer, puis à regretter, à se chagriner d'un espoir de nouveau envolé.
Tous les humains n'étaient pas des monstres et pourtant la plupart m'avaient rencontré. Tous les humains n'étaient pas des monstres, car dans l'instabilité de l'âme certains me protégeaient. Cependant, j'avais tendance à croire que rien ne s'arrangeait, que les couleurs disparaissaient sous une teinte de gris puis une légère épaisseur de rouge. Je désespérais de devoir survivre.


Une gorgée de mon café que je prends trop vite, j’agite énergiquement sa main brûlée par la boisson sans prendre le temps de la passer sous l’eau. Bien trop pressé, trop stressé pour faire quoique ce soit d’un temps soit peu futile aujourd’hui. Rapidement j’avais quitté mon studio où je venais roupiller. Mon temps à Séoul n’est pas précieux, il fallait que je retrouve ma petite sœur et la convaincre de revenir vivre avec moi.