Les yeux souvent fixés en sol, sans que jamais cela soit le signe de la moindre soumission, c’est presque un affront silencieux comme si aucun être ne méritait qu’elle daigne lever le regard pour croiser le sien. Les yeux fuyards et paresseux. Elle n’enfreint sa propre loi que quand un ordre est durement murmuré. ❥ Les blasons se sont succédés sur la veste de son uniforme, changement fréquents alors que ses parents tentent encore de trouver leurs repères, mais elle est resté immuable. Elle renié la possibilité d’être atteinte par ce quotidien déchainé, enchainant les bonnes notes et les triomphes en tous genres. Une ambition compilée à un complexe de supériorité. ❥ Image parfaite qu’elle a diligemment cultivée en des sourires graciles et une silhouette délicate. Chaste, le regard prude, on la pense innocente de tous les vices. Parfum vanillé ancré sur l’opale de ses poignets jusqu’à la pulpe de ses doigts pour dissimuler la senteur de clope, le souvenir la rend encore tremblante de cette fois où elle a maladroitement enclenché la sonnerie d’alarme dans les toilettes du lycée. Et si son cœur demeure gracié du moindre émoi, son corps s’est enlisé dans de doux ébats lunaires dès l’adolescence.  ❥ Ce n’est un simple caprice, ni même une envie passagère, c’est un besoin à travers lequel elle se sent enfin exister. Celui seul de mériter les flatteries de ses parents et la tendresse d’une paume qui cueille chaleureusement sa joue ronde quand elle agit en leur sens. Elle ne vit que de leurs louanges, ne saurait survivre sans. Et quand elle manipule son monde entre ses paumes, elle ne réalise pas que son univers est détenu par ses géniteurs, êtres narcissiques qui ont conditionné sa vision du tout. Son échec est leur échec et elle désire leur tête toujours haute.  ❥ Papi. Syllabes qu’elle avait aimé murmurer, elle en sentait presque la saveur sucrée se répandre sur son palais, si différente du père et mère impersonnels. Papi. Tendre et joueuse. Il était si différent, toujours une friandise au creux de la paume, des sourires-soleil dont il illuminait son visage. Elle ne ressentait plus la douleur de ses jambes ecchymosées, de ses pieds meurtris par les quatre heures de danse. Il ravivait son faciès de couleurs et son cœur d’étoiles. Papi n’est plus, parfois elle ne l’imagine rien de plus qu’un songe que son esprit a monté de toutes pièces, mais ça a l’air si réel. Le télescope au pied de sa fenêtre et les constellations qu’elle connaît encore par cœur. Cygnus, son adorée.