«Hahahaha ! Leader-hyung, c’est à toi d’y aller, tu as perdu!» On pouvait entendre dans une des salles de conférences de la prestigieuse agence, où l'un de ses groupes à succès était en train de diffuser un vlive.
«Une simple glace du seven-eleven devrait suffire, non?» Hangyeol tenta de refuser poliment. Il n’avait jamais accepté ce jeu débile, d'enchaîner bras de fer et pierres-feuilles-ciseaux pour déterminer qui des membres du groupe allait devoir payer et chercher un McDo pour les trois autres. Mais il ne pouvait pas s’énerver ni montrer son clair refus alors que les fans étaient en train de regarder.
«Le jeu c’est le jeu, ça va, il n’est pas loin. Tu seras revenu en moins de vingt minutes!» Insista le membre qui avait failli perdre à sa place.
Hangyeol aimait ses collègues, ils étaient devenus des amis. Mais des fois, c’était épuisant d’être le plus vieux quand ils agissaient encore comme des enfants. Le groupe avait une bonne ambiance et un bon esprit d’équipe, mais des fois c’était trop de pression d’être ensemble à longueur de journées, et si Hangyeol ne pouvait pas avoir des moments pour se reposer mentalement, il était plus facilement irrité. Comme ce jour là où la fatigue des promotions en cours de leur nouvel album s'ajoutait à une mauvaise humeur passagère; mais il ne pouvait pas le montrer, il ne pouvait pas inquiéter les fans ou agiter les magazines pour une simple journée où il aurait préféré se reposer seul. Maintenir l'image du groupe soudé qu'ils étaient était primordial. Alors il accepta sans argumenter plus loin.
«D’accord. A tout de suite alors. Mais je me vengerai.» Il lança à ses membres avant de se tourner vers l’équipe de la compagnie derrière la caméra pour leur faire signe de préparer un van. Puis il se tourna vers la caméra et lança une dernière salutation.
«Et vous aussi, je vous retrouve donc dans vingt minutes, mes fans adorés.» Il lança avec un de ses sourires charmeurs.
«Le temps d’aller chercher de quoi nourrir ces sales gosses.» Et il disparût du champ de vision.
[…]
"Un Vlive de BOOST est stoppé brutalement après que leur manager soit apparu dans le cadre, les fans sont inquiêts."
"BOOST annule son concert de la semaine prochaine sans plus grandes explications de la compagnie"
"I.M entertainment stoppe toutes les promotions du dernier album de BOOST et annonce un hiatus pour raisons de santé de l’un des membres sans plus de précision."
"BOOST absents des réseaux sociaux depuis deux semaines ; les fans commencent à s’inquiéter; voici les théories."
"I.M entertainment répond enfin aux fans et apprend que 11 de BOOST est à l’hôpital depuis trois semaines mais que «son état est stable.»"
"Ce que l’on sait sur l’accident de 11."
[…]
«Est ce qu’on peut même encore m’appeler 11?» Hangyeol soupira en jetant le magazine sur sa table d’hôpital. Sa voix ne montrait aucun signe de faiblesse, mentalement, il avait récupéré. Et la dose d'anti-douleur qui lui était administrée quotidiennement le rendait presque énergisé. Ce qu’on pouvait y détecter, c’était juste de la frustration, et un certain abandon.
«Pourquoi entretenir l’espoir? Ce n’est juste ni pour les fans, ni pour les membres du groupe. C’est fini pour moi.» Il disait, le regard auparavant porté sur le paysage qu’il voyait de sa fenêtre redirigé vers son genou.
L’idole était assis dans un fauteuil roulant, une attelle entourant son genou qui était encore caché par un bandage épais. Comme ça, on pouvait presque croire que son état n’était pas aussi grave que ce que la communauté semblait le penser. Ses autres cicatrices étaient cachées par ses vêtements, et il ne restait que quelques bleus par-ci, par-là. Pourtant les radios encore accrochées contre l'un des murs à néons ne mentaient pas. Elles montraient un genou, une rotule, ou du moins ce qui en restait. La photographie médicale témoignait d'une articulation brisée en mille morceaux. Ce qui était peut être aussi désormais l’état de la carrière de son propriétaire.
Hangyeol était pourtant sur la bonne voie pour réussir. Au bout de six ans d’entraînement il avait pu débuter comme leader de son groupe, qui rencontrait maintenant un certain succès depuis quatre ans. Il était connu pour son timbre de voix spécial, son exécution des chorégraphies et surtout pour son attitude irréprochable. Un leader sensé et juste, une personnalité drôle et sérieuse, et une absence notable de gros scandales. Une fine récompense pour tant d’années de travail et de sacrifices. Ses activités personnelles étaient plutôt florissantes et il restait une valeur sûre de l’industrie. Comme tout le monde, il recevait aussi des critiques, notamment sur le fait justement que sa personnalité était basique et que ça le rendait ennuyeux, parfois même prétentieux, mais il arrivait à passer outre ces mots péjoratifs grâce à sa musique et son entourage.
Mais ça c’était désormais du passé. Hangyeol ne se souvenait pas de ce qu'il s’était passé exactement, mais on lui avait fait un petit condensé au cours des dernières semaines depuis qu’il s’était réveillé. Pendant une vidéo diffusée en direct, il avait été désigné par ses membres pour aller chercher de la nourriture un peu plus loin dans la ville. Il s'était assis à l'arrière d'un des vans et le conducteur s'était mis en route. Le conducteur avait tenté de dépasser une camionnette trop lente par la droite, et un camion avait percuté le véhicule à pleine vitesse pile contre l'endroit où Hangyeol était assis. Un accident étrangement grave, qui lui avait valu plusieurs concussions et trois jours de coma. Un poignet foulé, mais surtout cette rotule totalement explosée. Et en conséquence, le mémento de son groupe stoppé. Ses collègues forcés de ne plus travailler. Le conducteur du van moins gravement blessé et viré, celui du camion totalement choqué. Ses fans harcelant la compagnie pour avoir des informations. Il y avait aussi eu sa mère qui habitait à Séoul depuis l’accident pour prendre soin de lui, et sa petite amie secrète qui l’avait quitté par ‘incapacité à pouvoir gérer ce handicap’. Tout perdre, y compris même peut être justement ses collègues, qui n’étaient pas venu lui rendre visite une seule fois, et qui se contentaient d'envoyer des SMS sans même que Hangyeol ne comprenne pourquoi. Aujourd’hui était le jour de sa sortie, et c’était le PDG qui était venu le chercher là.
Le chanteur, ou l’ex-chanteur, se sentait au bout du rouleau. Les docteurs restaient optimistes. Ils croyaient en une guérison. Si Hangyeol se reposait convenablement, cela prendrait du temps, beaucoup plus de temps dans le cas échéant, mais ils insistaient sur le fait que tout n’était pas perdu, et qu'il pourrait remarcher à un moment dans sa vie. Mais quand? Comment espérer quand la seule lueur était si floue? Comment penser à reprendre sa carrière alors qu’il était cloué dans un fauteuil roulant qu’il ne savait même pas utiliser?
«Fini pour toi?» La voix du PDG raisonna dans la chambre d’hopital.
«Tu t’es entraîné six ans sans jamais te plaindre une seule fois. Aurais-tu perdu ta persévérance?» Il ajouta simplement, sonnant sévère mais pourtant encourageant.
Hangyeol leva les yeux vers son patron, un regard confus. Pourtant, cette simple phrase raisonnait au fond de lui. Six ans d’entraînement. Six ans où il avait dû redoubler d’efforts pour montrer qu’il continuait à s’améliorer. Six ans où il avait enduré critiques, régimes extrêmes, et blessures légères. Six ans à lutter pour montrer qu’il valait le coup. Six ans de galère pour pouvoir débuter dans un groupe où la galère ne s’était pas arrêtée immédiatement. Quatre ans maintenant où il continuait à s’acharner de plus en plus pour pouvoir grimper les classements et gagner des prix. Quatre ans de sacrifices et de compromis pour garder une vie normale sans décevoir ses fans et entacher la carrière du groupe. Quatre ans de pur bonheur de pouvoir vivre de sa passion, mais quatre ans de jugement constant sur sa personnalité et sa créativité. C’était vrai. On pouvait dire qu’il était ennuyeux, qu’il n’avait pas plus d’intérêt au-delà de sa voix et de son visage. Mais on ne pouvait pas dire que c’était un lâche qui abandonnait facilement.
«Non.» Il répondit alors.
«La musique c’est ma vie… Dites moi ce que je dois faire pour que BOOST continue à vivre, et je le ferai.» Hangyeol surenchéri sous le regard désapprobateur de sa mère. Est ce que c’était réellement sa passion qui parlait, ou alors la peur de décevoir, la peur de perdre le peu qui lui restait? Il avait déjà failli mourir, allait-il vraiment risquer de se tuer à la tâche?
Maintenant commençait un jeu d’échec médiatique. Montrer au monde qu’il allait mieux tout en cachant son fauteuil roulant. Essayer de se reconstruire psychologiquement alors que ses appuis mentaux étaient aussi faibles que son état physique. Maintenir une image de groupe parfaite alors que l’accident possiblement causé par ses membres avaient placé une tension et une culpabilité pesante. Apprendre à vivre avec son handicap possiblement permanent, accepter que sa vie puisse être définitivement changée tout en restant dans cet univers auquel il souhaite tant continuer d'appartenir.
Retrouver qui était Hangyeol sans pouvoir redevenir 11.