« Quand je serais grand, je vous offrirais une belle maison à toi et papa » avait déclaré Jae Hwan du haut de ses dix ans. Il entrait tout juste dans l’adolescence mais à cet âge là, il avait déjà plein de rêve qu’il souhaitait réaliser. Passionné de musique depuis tout petit, il n’avait jamais cessé d’inonder la tête de ses géniteurs avec des idées aussi farfelues et inimaginables. C’était vrai, il avait beaucoup de talent, une voix suave et si agréable à écouter ; la danse ne lui faisait pas peur, s’il y mettait du sien, il était certain d’y parvenir… Jae Hwan n’avait que ça à l’esprit et ce malgré la réticence de ses parents qui lui répétaient que la vie n’était pas aussi simple, lui avait toujours voulu essayer ; sa sœur en était d’ailleurs sa première fan. Ils n’avaient pas énormément d’argent mais ils n’étaient pas pauvres non plus et parce qu’ils avaient remarqué que la passion de leur fils n’était pas qu’une lubie qui lui passerait le mois suivant, ils avaient commencé à l’encourager. En plus de lui avoir payé un piano pour son quinzième anniversaire, ils l’inscrivirent également à des cours de chant afin de l’aider à maîtriser correctement sa voix. L’année de ses dix-huit ans, son diplôme en poche, il passa enfin l’examen d’entrée dans l’une des agences de la capitale. Le casting lui avait paru plus difficile que ce à quoi il croyait et pourtant, contre toute attente, il avait été sélectionné.

« Allez les gars, soyons fou ! A nous tous, je suis sûr qu’on peut le faire ! » C’était grâce à ce genre de belles paroles qu’il les avait rassemblé tous les dix. Ils s’étaient rencontrés le jour de l’examen, ils avaient donc déjà eu l’occasion de se croiser et se parler. Du genre sociable, toujours le premier à plaisanter et s’amuser, il ne lui avait pas été difficile de se lier d’amitié avec chacun d’entre eux. Et parce qu’il les appréciait tous, parce que cela serait plus convivial de s’entraîner à plusieurs, il les avait motivé à le rejoindre. Ces deux années furent certes très intenses néanmoins à ses yeux, c’étaient les meilleures, les plus belles, celles où ils avaient encore leur innocence et ses étoiles qui étincelaient rien qu’à l’idée de débuter un jour. Malheureusement, seuls sept d’entre eux furent acceptés en tant que groupe alors que les autres furent renvoyés. Évidemment que Jae Hwan en fut déçu, il était celui qui les avait rassemblé et leur avait donné de faux espoirs. Hors, parce qu’ils s’étaient promis de ne pas se détester, de se supporter quoi qu’il arrive, sa déception fut de courte durée et il fut rassuré de ne pas avoir perdu contact avec ses amis malgré leur défaite.

Très vite, la réalité les rattrapa cependant, leur prouvant que le monde artistique n’était pas aussi beau et utopique que ce qu’ils voyaient à la télévision. Tout d’abord, ça avait commencé avec la drogue qu’on leur obligeait à prendre pour qu’ils soient constamment à leur maximum, pour qu’ils se tuent à la tâche et que la fatigue n’ait jamais raison d’eux. Jae Hwan n’avait pas voulu au début mais avait rapidement compris que ce n’était pas comme si on lui laissait vraiment le choix. Ils avaient signé un contrat, c’était leur devoir de le respecter. S’en suivit ensuite l’addiction, car s’il souhaitait être au meilleur de sa forme, ne pas se prendre des réflexions de la part des supérieurs, il devait être irréprochable dans chaque tâche qu’il entreprenait. Si ce n’était que ça, Jae Hwan était certain qu’il aurait pu le supporter, il ne se laissait pas abattre aussi facilement. Mais à l’arrière des coulisses, il n’était pas question que de drogues ou de faire attention à ce qu’on disait devant les caméras ; c’était un tout autre univers. On n’attendait pas d’eux qu’un beau sourire et quelques pas de danses, on leur demandait des services parfois plus osés, des mains baladeuses qui se déplaçaient ici et là… C’était ce genre de choses que le jeune homme avait eu du mal à faire face. Pourtant, il était sûrement le membre le plus tactile du groupe, celui qui avait toujours don d’enrouler son bras autour d’une épaule, celui qui n’avait aucune honte à se montrer incroyablement proche sans qu’il n’y ait d’ambiguïté. Est-ce que cela signifiait que ça ne le dérangeait pas quand ces vauriens avaient tenté de l’approcher et faire de lui ce qu’ils désiraient ? Non. Il détestait ça et à chaque fois il trouvait un moyen pour s’éclipser ; peut-être était-ce la raison pour laquelle à lui plus qu’un autre, on l’avait piégé de cette manière.

Après une journée de dure labeur pour un tournage d’un clip solo, il avait sincèrement cru pouvoir se reposer une fois de retour à l’hôtel… Quelle ne fut pas sa surprise quand rentrant dans sa chambre, une jeune fille l’attendait sagement assise sur le lit, enroulée d’un drap blanc. Perdu et surpris, il avait d’abord pensé s’être trompé de pièce cependant le message qu’il venait de recevoir lui indiquait le contraire. Un rire nerveux s’était échappé de ses lèvres alors qu’il n’avait pu s’empêcher de se demander dans quel monde il vivait… Son manager lui expliquait qu’elle avait donné une somme exorbitante et qu’en tant qu’idole, c’était son devoir de réaliser ses désirs. Depuis quand est-ce qu’une star comme lui devait se plier à ce genre d’activité ? Tout ce qu’il souhaitait était vivre de sa musique, faire sourire le public comme lui souriait à l’époque quand il plaçait ses écouteurs dans ses oreilles… Et voilà qu’on lui ordonnait clairement de ne pas vendre que son image, pas même ses chansons, mais aussi son corps. Il savait que s’il ne le faisait pas, il y avait de grandes chances que cela porte préjudice au groupe alors oui, il avait essayé, vraiment. Seulement essayer ne voulait pas dire réussir puisqu’il n’était pas ce genre d’individus, puisque non, son corps n’était pas à vendre et que le peu de fierté qui lui restait l’empêchait d’agir de façon aussi irresponsable. Sans trouver d’excuses, tandis que ses lèvres effleurées celles de sa vis-à-vis, il s’était décalé prestement pour au bout du compte prendre sa veste et sortir précipitamment de la chambre. Cette réaction lui avait valu une énorme gifle de la part de son manager le jour suivant, ce dernier lui rétorquant qu’il devait cesser cette attitude rebelle s’il ne désirait pas le regretter. C’était plus facile à dire qu’à faire, ce n’était pas par manque de volonté, simplement que ce que lui dictait son cœur était toujours beaucoup plus fort que sa raison.

On lui avait soit disant donné une chance de se rattraper, lui déclarant que cette personne plus qu’une autre en attendait beaucoup de lui et qu’avec la somme qu’elle avait laissé, c’était dans son propre intérêt de faire ce qu’on lui rétorquait. C’était réticent, traînant des pieds que le chanteur s’était rendu dans cette chambre, tentant de se motiver en se disant que c’était pour leur succès, pour le bien du groupe puis si elle était jolie, pourquoi devrait-il se priver ? Ce n’était pas lui qu’on payait après tout, c’était l’agence qui se remplissait les poches avec des manigances malsaines. Il essayait de se convaincre par toutes les manières possibles cependant quand son regard s’était posé sur l’individu qui l’attendait, il avait sérieusement cru à une blague. Un homme, il s’agissait d’un homme. La première chose qu’il fit fut de s’excuser envers les membres d’AWEEK puisque même pour eux, Jae Hwan n’était pas capable de tomber aussi bas… La deuxième chose qu’il fit fut de sourire bêtement à son invité puis lui déclarer qu’il s’était trompé de numéro de chambre. S’il avait cru pouvoir s’échapper comme toutes ces autres fois, il s’était trompé. Cet homme – probablement très riche au vu de sa tenue vestimentaire – n’avait pas hésité à le retenir et le frapper violemment au visage, lui ordonnant par la même occasion de rester ici. Ce soir-là, Jae Hwan avait clairement vu toute sa vie défiler devant lui… Il avait vu tous ses rêves se briser en morceaux, entendu son cœur tomber en lambeaux et le peu de dignité qui lui restait s’était envolé en même temps que tous ses espoirs. En une soirée, on lui avait tout arraché… L'homme finalement parti, des tas de réflexions s’étaient infiltrées dans son esprit sans qu’il ne daigne quitter cette chambre, incapable de bouger à cause de toutes ses émotions qui l’habitaient.

Lorsqu’il eut repris ses esprits, il s’en alla dieu ne savait où et il disparut des radars de tous pendant plus d’une semaine. Son téléphone était coupé, sa maison était vide, ses lieux favoris ne laissaient aucune trace de lui… Tous s’inquiétaient certainement, se demandant ce qui avait bien pu lui arriver pour que lui, ce garçon si jovial, si soucieux de tous, toujours présent pour amuser la galerie disparaisse soudainement sans donner de nouvelles. Et c’était comme une fleur qu’il était réapparu, une esquisse radieuse au coin des lèvres alors qu’il expliquait s’être pris des vacances surprises mais que la batterie de son téléphone avait rendu l’âme, qu’il en avait profité pour se couper littéralement du monde. Est-ce qu’on l’avait cru ? Peut-être ou peut-être pas cependant c’était l’excuse qu’il n’avait eu de cesse de répéter, gardant fièrement ce sourire accroché à son visage alors que son cœur lui criait aux larmes… Hors il ne voulait pas leur causer plus de soucis, il ne voulait pas en parler non plus et même face à son manager, il ne put rien dire, se morfondant dans un silence à ce sujet, ayant pertinemment conscience que s’il le mentionnait, ce serait une nouvelle chose qu’on pourrait utiliser contre lui.

Et parce qu’ils n’eurent vraisemblablement jamais le droit à un peu de calme, les problèmes continuèrent après leur voyage au Japon. Cette fois-ci, ça ne le concernait pas directement mais l’un de ses collègues qui se retrouvait accusé injustement ; oui « injustement » parce que pas une seule seconde Jae Hwan n’avait douté de l’innocence de son camarade. Certes, cela n’empêcha pas Mi Reu d’être renvoyé néanmoins selon lui, il était important que le jeune homme sache qu’eux croyaient en lui et qu’il ne devait pas abandonner. Personne ne voulait qu’il revienne parce que tous savaient qu’il serait mieux dehors que dans cette agence moisie jusqu’au coude mais Mi Reu était revenu… Évidemment que tous l’avaient réprimandé, que tous le lui avaient reproché ; c’était admirable de penser à eux seulement il aurait dû penser à lui d’abord, pour une fois.

Le reste s’était enchaîné rapidement, tous continuant leurs activités, luttant très certainement contre la dure vie qu’était celle des stars puis un nouveau scandale fit son apparition… Un scandale que cette fois-ci Jae Hwan fut incapable d’apprécier à sa juste valeur. Son ami, celui avec qui il avait passé tant de temps, avec qui il s’était rapproché et qu’il se plaisait à enlacer parfois, oui cet ami là… Il était gay. Si d’autres n’y avaient pas vu d’inconvénient, lui n’avait pas été en mesure de l’accepter. Il avait essayé pourtant mais malgré lui, il avait machinalement mis des distances entre eux, il l’avait rejeté et n’avait pas hésité à lui balancer des remarques désagréables… Parce que ça le dégoûtait, parce que ça lui rappelait des choses qu’il souhaitait oublier et parce qu’il n’était tout simplement plus en mesure de voir son camarade de la même manière. Il avait détesté avoir fait cette découverte autant qu’il s’était détesté lui-même pour être aussi méprisable avec un proche à qui il tenait énormément malgré tout… C’était juste plus fort que lui et ce qui le ramena durement à la réalité fut cette tentative de suicide que Mi Reu fit trois mois plus tard. L’idole avait cru à un cauchemar, il avait cru qu’il ne pourrait plus jamais voir son ami et que ce dernier garderait comme souvenirs de lui ses remarques acerbes et horribles à son égard. Dire que la culpabilité l’avait touché était un bien faible mot, il s’en était rongé les sangs, se surprenant même à prier toutes les divinités de la terre pour la survie de ce garçon qui méritait réellement d’être heureux… Toutefois Mi Reu était injoignable, personne n’avait idée où il se trouvait ni s’il allait bien et Jae Hwan ne l’avait pas lâché, persistant à l’appeler encore et encore jusqu’à ce qu’il décroche. Il l’avait cherché, en vain, jusqu’à ce que finalement son ami ne daigne enfin répondre au téléphone… Là où il aurait dû s’excuser, le supplier de lui pardonner, il n’avait fait que crier et le réprimander ; ce n’était pas méchant, c’était sa façon d’exprimer son inquiétude et de libérer toute cette pression qu’il avait éprouvé de ne recevoir aucune nouvelle. Ce n’était qu’après l’avoir revu, qu’après l’avoir serré dans ses bras aussi fort comme si sa vie en dépendait que Jae Hwan n’avait pas arrêté de répéter ô combien il était désolé.

Et le contrat de l’agence enfin terminé, aucun d’entre eux n’avait voulu resigné, et franchement le contraire aurait été étonnant. Bien qu’il aurait été préférable de ne plus rester en contact, ils n’avaient pas résisté à le faire pour autant… Sûrement qu’ils s’aimaient trop pour faire comme si plus aucun lien n’existait entre eux désormais. La star qu’était Jae Hwan n’était plus ce qu’elle était, ayant coupé les ponts avec la musique, en plus d’avoir repris ses études, il a ouvert récemment son propre café à chats. Il n’est plus aussi riche qu’avant à présent et s’il souhaite pouvoir financer sa scolarité, il n’a pas d’autres choix que de travailler.

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Bon jeu sur Hundred Miles !