Née dans le milieu des forces de l’ordre, Yeo Na a toujours été élevée de façon à respecter à la lettre ce qui lui était enseigné. Ne pas fumer, ne pas boire avant l’âge autorisé, ne jamais voler, respecter les limites indiquées… Bref, une bonne tenue, pour une fille unique. Enfin, c’est ce qu’elle pensait. Un souvenir; une petite fille qui rigole, allongée sur un tas de jonquilles, Yeo Na l’observe, souriante, puis plus rien. Jusque là, rien d’alarmant. A sa huitième année, elle déménage de son village d’enfance – rejoindre la ville, les grandes personnes, Yeo Na ne rêve que ça. Vite ! Fouiller dans la cave pour trouver des trésors avant de partir, cette boite !

Cette photo, maintenant dans le carnet de Yeo Na, trouvée dans le carton maudit – on dit qu’il l’a torturée avant de la tuer – et qui ne bougera plus jamais. Elle est si mignonne sur cette photo, si jeune, si innocente, si vivante.

Une crise d’adolescence post-traumatique, c’est ainsi que Yeo Na appelle sa période de délinquance. Pendant 8 ans, du collège jusqu’au lycée, elle s’est révoltée contre les lois tant imposées par ses – menteurs – parents. Une vengeance contre la vie qui lui a enlevée une partie d’elle-même, dirait-elle. Mais il a fallu le délit de trop, l’erreur presque fatale, la seconde de sa vie; emportée au commissariat, bien connue de ce sombre univers, ses parents viennent la chercher en panique.

Ma fille ? Si douce, si fragile ? Si – obéissante – respectueuse ? La voiture accélère dans la nuit, sur la route humide, même les marionnettes de l’État dépassent les limites. Et crash, l’accident. La voiture en face, victime, toutes des victimes. Dont les parents. Pas de mort, seigneur, Yeo Na ne s’en remettrait pas, mais une piqûre de rappel. Elle se calme, arrête tout, ses heures d’anarchie sont éteintes. Les parents, eux, partent – elle est assez grande, elle se débrouille bien toute seule.

Un calme olympien dans son esprit brisé, Yeo Na développe cette psychorigidité qui la transforme en un être impassible, peu importe la situation dans laquelle elle se trouve. Elle devient comme l’assassin de sa petite sœur.