Il fut cet instable portrait, de ceux qu'il est impossible de décrire sans y placer les innombrables ratures et les inlassables meurtrissures. Gamin jadis buriné par une éducation à la dure — Nola fut de cette candeur duvetée d’un songe d’enfant, caresses des nuits fauves et torpeurs des folies douces. Nola ou l'empreinte d'un passé trouble sous la pulpe de ses doigts, rage d'un souvenir figé dans l'âme, glacé sous les paupières, corps renfermant l'ouragan. Jadis Narcisse éperdu, fou des regards qu'on eut laissé effleurer sa peau — assoiffé des amours immobiles et des ardentes admirations. Pourtant assouvi d'un divin prestige depuis l'enfance, son âge tendre fut fracassé de discipline, dont la terrible brutalité eut vite laissé à Nola des bleus à l'âme. Nola ou le désir d'insuffler à sa musique un vécu, goût d'une existence à tutoyer l'excellence. Enfant terrible depuis toujours, déjà scélérat débordant d'affres lorsqu'il eut goûté ses premières déceptions et ses premiers émois. Gratifié d'un don pour la musique, on lui reprit son enfance en échange — le coût d'un succès trop délétère, duquel il n'en résulta qu'un gamin haïssable et amer. L'angoisse eut bientôt éclôt quand vint l'espoir de se lier — et ni l'amour, ni les amitiés ne furent assez quant à la quête d'être apaisé. Alors seuls les cachets, amants de tous les soirs, furent ceux à l'aider, quitte à les retrouver chaque fois plus amoché, quitte à repousser, quitte à provoquer une solitude insondable dans laquelle Nola perdit tous ceux qu'il eut jamais aimé. Nola, rien qu'un étranger à lui-même, incapable de s'aimer — prétendant tout et son contraire.

Loin des siens, arpentant les conservatoires, salles de concerts, opéras, auditoriums, réceptions. Seul, contre les saisons, le temps qui défile et toujours portant à bout de bras sa fugueuse passion. Un cou scellé d'une cravate ou un t-shirt imprégné de transpiration, un piano au bout des doigts ou un micro au bord des lèvres. Horla à la double identité, sujet des foules, objet des fantasmes, réceptacle d'ambitions. Nola ou l'imprévisible démence, entre le noir et le blanc, avec toutes les nuances de gris qui vont dedans — palette d'un jeune adulte en quête d'identité, à la  sensibilité aussi fugace qu'électrique.

Des jours heureux lui feront parfois retrouver sa miséricorde, mais trop souvent Nola se perdra dans l'enveloppe charnelle d'un bourreau, martelant l'existence des autres jusqu'à provoquer la répulsion. Nola est son propre fardeau, cherchant à se punir lui-même pour les fautes qu'il n'arrive pas à se pardonner.

Gratifiant le ciel de ses réussites, pleurant ses revers auprès des astres, Nola est de ceux qui, derrière l'apparent fatalisme, finiront toujours par croire. Habité d'une force de vivre presque vertigineuse, parfois même à s'en rendre le coeur au bord des lèvres — quelque chose de farouche sommeille en lui, une étincelle interdite de pureté, qui saurait raviver tous ces rêves égarés aux frontières de l'enfance.  La foi, celle qui malgré tout, au balbutiement de ses jours, le fit s'accrocher au coeur de l'ouragan.

Icarus, il fut de ceux à s'approcher trop près du soleil, envieux des triomphes qu'on attribua aux plus grands de ce monde. Décalogue bafoué depuis trop longtemps, il n'est plus question de se prouver dans l'espoir d'une rédemption, mais seulement de se (re)trouver et de s'accepter tel qu'on est. Sous cette nonchalance presque harassante — décadence d'une jeunesse dorée qui se veut d'élitisme et de frivolité. Nola qui embrasse les chairs, mais se dérobe aussitôt qu'on évoquerait le passage à l'acte. Car quoi de plus terrifiant que de s'offrir à l'autre quand on est aussi instable émotionnellement, un tombeau d'angoisses — alors il se complaît dans les séductions à contre-sens, feignant l'aisance, brûlant de toute son âme à l'idée du grand amour. De sons et de couleurs, de gloire et de douleur — Nola, fleur-splendeur.