L A G R E N A D E
jeunesse talking blues en bas des immeubles, l'odeur du tabac froid sur les vêtements, l'coeur
crevant troué par les méfaits de la vie. les gamins qui se connaissent tous dans les bâtiments, les rêves qu'ils s'inventent, la vie qu'ils mènent.
banlieue cauchemar; ils
vendent de l'onirique, de la folie, de l'addiction et des amours à chaque coin d'rue — ça veut donner
l'sourire à leurs parents, alors ils risquent les brûlures et
trépassent sous le soleil ardent. et jian, qu'est-ce qu'il est maître de ces lésions —
magicien des ruelles, marchand d'ambitions et d'affections, il offre la
dépendance et
l'excitation. et sa boutique s'ouvre aux rayons lunaires, l'coeur qui bat jusqu'à
briser la cage thoracique des uns et les artères des autres. on l'traque, on veut goûter à ce
nectar empoisonné qu'il abandonne volontiers entre les mains des plus faibles — parce que rien n'est plus délectant de les voir
s'effondrer tout en comptant ses billets, parce que
l'argent fait tourner le monde et que l'enfance a été difficile : alors on
triche, on
brusque, on
détruit pour faire vivre sa famille. et c'est dur, on a l'impression de
bouffer d'la terre, de
cracher du sang, de
claquer contre l'béton.
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rub a dub dans les soirées, les couleurs exotiques qui siphonnent les plafonds, noient les passants et envoûtent les
âmes perdues. air chaud, lumières jaunes, vertes et rouges, ambiance
caliente a rendre jaloux les coeurs froids et desséchés. ça danse
collé-serré sur la piste, les bras qui se perdent autour des tailles, les hanches qui se
déchaînent, les lèvres qui
s'effleurent. ça finit entre les draps, des prénoms
inconnus au bout des lèvres, des mots doux échangés qui perdent de leur sens. les soirées d'samedi soir qui finissent mal,
le sang qui éclate contre l'pavé, les
insultes balancées au détour des ruelles, les poings qui se blessent contre le visage des autres. s'recoudre l'arcade sans
anesthésie, cracher c'liquide rouge dans l'évier, perdre la tête et s'fracasser les côtes à coup de têtes. jian qui arpente les rues, l'coeur qui s'balance contre les murs, la tête qui
hurle, la rage qui
s'envenime. et la douceur de ses mots contraste avec la
dureté de son humeur — l'alcool pullule dans l'sang, on
s'abîme à coup d'sentiments, on cri
nos peines au ciel, on danse avec les étoiles sur le rythme des battements.
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de ceux qui s'regardent dans le miroir,
laideur dans son trente-et-un, les yeux en amandes d'une
imperfection originale, l'visage pas commun mais en même temps l'visage qu'on oublie car il est
si fade. de ceux qui utilisent cette
normalité à leur avantage, s'glissant dans la foule tel un
caméléon, trichant sur le monde et ricanant de leurs regards aveugles à ces gens — oui! eux qui pensent que le monde tourne autour de leur
squelette écaillé, de leur
âme cabossée. parce qu'il est né dans un pays superficiel, jian, et que la beauté apporte
richesse et
abondance. mais il profite de cette différence : de son regard simplement
farouche, de son visage gamin qu'on veut ignorer. il aime l'authenticité, ce sentiment
électrique d'être unique, de ne pas ressembler aux autres visages de
gangnam.
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sous les arcades les
sourires éclatent, on fait valser dans les airs des
rires et résonner des
cris. ça s'tue à coup d'joker, d'humour et de sarcasme. on s'balade les mains pleines de pêchers
immortels, d'amours
vagabonds et de poisons
fumigènes. on écrit, sous la pluie,
une ode à la jeunesse, on dessine dans les nuages des rêves et merveilles. l'futur et trop loin et le présent
trop mortel, alors on essaye de survivre dans
ce monde brutal, on inscrit dans l'écorce
son prénom, unique marque de son passage sur cette planète. car dans l'fond ça se joue gros dur mais l'unique dessein est de
survivre.
BLIZZARD, tu es infiniment nombreux.