❯ story5 ans
«
Et toi, c'est quoi ton endroit préféré au monde ma Mimi ? »
Mimi, emmitouflée dans les bras de sa maman qui vient de lui raconter une super histoire de princesse, fait remuer sa baguette magique en plastique en direction de son père, installé un peu plus loin, en faisant le vœux qu'il vienne avec elles. C'est à cet instant qu'il lève justement la tête de son dossier et le ferme pour rejoindre sa petite famille. Mimi sourit et tend les bras pour qu'il la porte à son tour. Une fois qu'elle est bien au chaud contre lui, elle répond : «
C'est à Disney pour être avec toutes les princesses ! Et je veux que Yuta et Noam ils viennent aussi, et papa et maman aussi. Parce que Yuta et Noam c'est mes princes charmants et papa et maman, c'est papa et maman. » Elle enfouie son visage dans le cou de son père et fourre son pouce dans sa bouche en serrant fermement son doudou (un rondoudou en peluche habillé d'un t-shirt qu'elle a piqué à Noam ou Yuta, elle sait plus trop) dans son petit poing. «
Tu sais qu'on ne peut avoir qu'un amoureux, hein ma chérie. Et Yuta c'est ton cousin. » explique sa mère en se levant pour caresser son front et y poser un petit baiser tout doux. «
M'en fiche, c'est mes amoureux alors je vais me marier avec eux. »
3 ans
«
Et le bisou pour Yuta... » Mimi se penche sur le visage de son cousin qu'elle vient de border proprement dans les couvertures (tellement proprement que le pauvre il peut plus bouger, pire que Toutankhamon dans son cercueil) et pose un petit bisou sur son front, un peu maladroitement parce qu'elle est obligée de se mettre sur la pointe des pieds pour l'atteindre, puis elle fait le tour du lit pour faire pareil avec Noam en concluant «
Et le bisou pour Noam ! ». Toute fière d'elle, elle coure éteindre la lumière en sautant plusieurs fois avant d'atteindre l'interrupteur, puis va fermer les rideaux pour que le soleil du milieu d'après midi ne vienne pas trop inonder la chambre. Quand ils sont enfin dans l'obscurité, elle fonce vers le lit où elle vient de coucher ses deux meilleurs amis, puis grimpe dessus en s'accrochant à la couverture (détruisant au passage tout son travail de tout à l'heure mais il fait noir alors elle s'en rend pas compte) et passe par dessus le corps de Noam pour se placer entre les deux petits garçons. Mimi glisse sous la couette et se blottit contre ses deux amoureux en attrapant à chacun leurs mains. Normalement, Mimi ne dort jamais sans son doudou, mais quand ils sont tous les deux là, elle n'en a plus besoin. «
Bonne nuit, faites des jolis rêves avec des licornes et des princesses » souffle t-elle avant de fermer ses petites paupières et de s'endormir, bien protégée des grands méchants loups, bien à l'abri des dragons.
18 ans
«
Eh Mimi, c'est vrai qu'tu te tapes ton cousin et ton meilleur ami en même temps ? » Mimi se tourne vers la fille qui vient de l'accoster – une sale pétasse qu'elle aime pas, le genre qui a rien d'une princesse. Elle souffle la fumée de son joint avec un sourire adorable, le genre qui fait fondre n'importe qui parce qu'il est trop enfantin, trop naïf, trop pur pour pouvoir se trouver sur le visage d'une jeune femme avec un pétard entre les doigts. «
Ouais ! Et j'me tape même des licornes quand je m'ennuie ! » Sa propre blague la fait rire à s'en tordre le bide et elle continue de se marrer en prenant une nouvelle bouffée de weed pendant que l'autre nana s'en va, un peu perturbée par cet échange. Mais Mimi s'en tape : elle l'a bien cherchée. Et elle a pas été méchante, non jamais ! Une fois de nouveau seule, son sourire ne la quitte pas et elle s'accoude au muret de la fac en observant les autres étudiants passer. Elle, elle ne voit pas des élèves. Elle voit des truites, ou des saumons – elle a jamais su faire la différence – qui remontent un courant ou qui tentent d'aller contre en battant désespérément des nageoires. Mais au final, c'est une bataille perdue d'avance, parce que sécher, c'est mal. Mimi, elle pige pas les cours. Elle pige pas ce qu'elle fait ici non plus. Mais elle sèche jamais, parce qu'elle sait que sécher c'est mal et que si ses parents l'apprenaient ils ne seraient pas contents. Elle ne veut pas les décevoir, jamais. Pourtant, ils ne seraient pas très fiers si ils voyaient dans quel état elle se met tous les jours avec ses joints. Avec un père avocat pour la défense des jeunes délinquants et une mère chef de brigade chez les STUPS, ils font un peu tache, elle et son pétard. Mimi fronce les sourcils et ramène la clope pleine de weed devant ses yeux pour l'observer pendant qu'elle se consume. Elle ferme une paupière et place la cigarette devant son œil pour se faire une longue vue avec - une longue vue dans laquelle elle voit une île au trésor avec une plage de sable blanc, des crabes qui courent pour échapper à la langue affamée des vagues et des mouettes qui sillonnent le ciel avec une grâce que Mimi leur envie. Et puis soudain, au loin, elle aperçoit deux marins qui lui font signe. Des marins qu'elle connaît bien. Elle baisse le joint, se redresse et son sourire s'accentue pendant qu'elle s'écrie en secouant le bras : «
OYEZ MOUSSAILLONS ! MONTEZ SUR LE PONT, VOTRE CAPITAINE VOUS ATTEND ! » Elle rigole et écrase son mégot par terre après une dernière bouffée avant de se précipiter vers ses marins, son Yuta et son Noam. Elle se jette dans leurs bras, puis se rappelle qu'elle sent pas bon la beuh et qu'ils aiment pas trop ça. Alors elle s'éloigne, un peu chancelante, en leur disant «
Attendez j'ai le remède miracle contre le pue le spiff... » Elle sort un déo qu'elle a piqué dans la salle de bain de Noam de son sac et s'en asperge de partout : les fringues, les pompes, les cheveux, la tête.. Elle finit même pour ouvrir la bouche et s'en foutre dedans, mais tousse parce que c'est pas bon du tout «
Pas dans la bouche, c'est vrai. » se rappelle t-elle en rangeant le déo. Et quand elle sent bon Noam, elle écarte les bras, un grand sourire aux lèvres et s'exclame : «
C'est bon je sens tout bon maintenant ! Même sous les genoux, vous voulez sentir ? » Elle tente de se contorsionner pour amener son genoux devant le nez de Yuta et Noam, mais c'est pas vraiment une réussite alors elle s'arrête avant de se casser un truc. Elle secoue sa tête pour faire bouger ses deux couettes et se rappelle de ce qu'elle voulait dire à son cousin et son meilleur ami : «
Ho ce soir mes parents sont pas à la maison, vous venez ? Je voulais trop qu'on regarde le nouveau film là, avec le super héros trop drôle euuh... Rooooh... » Elle fronce les sourcils, mais c'est trop embrumé dans son cerveau et elle a du mal à se souvenir des noms. Ils aiment pas Yuta et Noam quand elle a des trous de mémoire comme ça, elle sait que dans ces moments ils veulent lui dire d'arrêter le joint mais elle écoute pas. A la place, elle affiche un nouveau sourire et se place entre eux pour passer ses bras sous les leurs en disant : «
C'est pas grave, j'ai l'DVD à la maison, on pourra le regarder tous les trois, ça va être cool ! On pourra faire des muffins au chat aussi ! » Elle s'arrête, fronce les sourcils, parce que là, elle sent que y'a un truc qui va pas. Et quand elle capte, elle éclate de rire en se reprenant : «
Avec des têtes de chat ! Des muffins avec des têtes de chat, vous savez qu'on dessine dessus ! Maman m'en avait fait pour mes 6 ans, Yuta t'avais tout bouffé et t'avais eu une chiasse du TO- NNERRE putain ! » C'est pas très délicat pour une petite princesse de dire ça, mais elle est aussi la fille de sa mère et elle a grandi avec les gros mots. Alors forcément, des fois, ça lui échappe. Elle plaque sa main sur sa bouche, les yeux ronds en réalisant ce qu'elle a dit, puis se tourne vers Yuta et Noam et colle un baiser sur leurs joues à tous les deux. «
Bisou du pardon, les gros mots c'est moche. » Ils se rapprochent du couloir qui va les séparer et elle se serre un peu plus fort contre eux avant d 'être forcée de les lâcher, parce qu'ils doivent tous les trois aller en cours. Avant de les laisser s'en aller, elle les serre de nouveau dans ses bras et leur dit en replaçant correctement les cheveux de son cousin au passage : «
On se retrouve tout à l'heure ok ? Envoyez moi un pigeon quand vous êtes dehors si je suis pas sortie avant vous ! Je vous aime ! » Et elle se retourne pour partir en sautillant en direction de sa salle. Mais en plein milieu de sa route, elle s'arrête et tourne les talons pour observer les deux hommes de sa vie s'éloigner d'elle. Elle sourit, mais ça lui fait mal au cœur aussi un peu. Elle sait pas pourquoi. Ou elle a peur de savoir. C'est ça l'avantage de la beuh : c'est qu'on ne sait plus trop le comment du pourquoi et ça ne semble pas avoir d'importance. Alors elle reprend sa route en pensant à la tête que pourrait avoir un muffin au chat.
9 ans
«
T'es bien accrochée mon cœur ? » «
Ouais, tu peux y aller maman ! » «
Alors c'est parti ! » Mimi sourit à s'en péter la mâchoire et enfouie son visage protégé par un casque contre le dos de sa mère en serrant bien fort sa taille, les yeux fermés. Le moteur de la moto gronde, elle sent l'odeur de la fumée qui s'échappe de pots d'échappement et entend le claquement sec de la béquille que sa mère remet en place avec son talon. Elle l'a vu faire tellement de fois qu'elle n'a aucune peine à l'imaginer faire. Et aujourd'hui, enfin, pour la première fois, elle l'accompagne, elle monte derrière elle. Encore mieux qu'un carrosse ! Rapidement, le deux roues prend de la vitesse et les cheveux tressés de Mimi qui s'échappent du casque se mettent à voler dans son dos. Elle sent le vent qui gonfle ses vêtements, elle perçoit le son des voitures que sa maman double... et finalement elle décide de voir. Alors elle relève lentement la tête et écarquille les yeux en voyant la route défiler aussi rapidement autour d'elle. Ça lui fait peur et en même temps ça la rend heureuse. Elle a l'impression d'être un oiseau qui vole au dessus de la mer. Elle rigole et crie très fort dans son casque : «
JE SUIS UN PIGEOOOOOOOON ! » et malgré le vrombissement du moteur de la Kawa, elle est sûre d'entendre sa mère rire aussi. De nouveau, Mimi se colle au dos de sa maman en se laissant bercer par le mouvement de la moto. C'est un des plus beaux jours de sa vie.
15 ans
«
Tonton, est ce que toi aussi tu le sens le vide ? » Mimi lève la tête vers son oncle Nawei, détachant son regard de son jeu pour le plonger dans le sien. Elle a peur Mimi. Parce que depuis un moment, parfois quand elle se réveille le matin, elle se sent... vide. Au début elle croyait que c'était parce qu'elle était malade : faut dire que ça la cloue au lit. Elle peut pas bouger, pas parler, presque pas respirer. C'est vide autour, mais c'est aussi vide dedans. Ça lui est pas arrivé souvent, peut être 3 ou 4 fois à tout casser. Mais c'est assez pour l'effrayer, pour la pousser à se poser des questions. Elle peut avoir l'air idiote parfois avec son envie de devenir une vraie princesse mais elle ne l'est pas. Pas assez pour ne pas remarquer qu'à chaque fois que ça se passe, c'est quand elle savait que ses parents ne rentraient pas le soir et que Yuta et Noam n'étaient pas dans le coin. Quand elle était totalement seule. Son oncle finit d’étudier son jeu de cartes pour poser les yeux sur elle, les déviant aussitôt sur autre chose. «
Oui. » Il pose une carte au centre de la table. «
Toi aussi. » Il ne prend pas la peine de formuler la question, ils se ressemblent trop pour qu’ils perdent le temps de jouer à ça. La boule dans le ventre de Mimi s'allège un peu. Elle savait qu'ils étaient pareils tous les deux. Tout le monde les voit comme des opposés, parce qu'elle est toujours joyeuse, pleine de vie et souriante. Mais dans le fond, elle s'est toujours sentie trop proche de lui pour croire qu'ils soient si différents. Elle garde un visage impassible pour ne pas que Nawei puisse voir ce qu'elle peut cacher entre ses mains sur ses traits, mais répond : «
Ça prend trop de place, je sais pas quoi faire... Ça me fait peur des fois. » Il laisse tomber les cartes pour se focaliser sur elle. «
Mimi, t’es pas comme moi. J’veux bien t’apprendre tout c’que j’sais mais pas à être c’que j’suis. » Leur regard dépasse la connexion visuelle, c’est devenu de la fusion, un truc qu’eux seuls peuvent comprendre. «
Ce vide il m’a pas quitté parce que j’ai vécu et fait des choses que tu peux pas encore comprendre mais toi, t’as pas à avoir peur de ça. Il va partir, parce que des gens sont là pour te sauver de lui mais faut que tu le veuilles et moi je l’ai voulu trop tard. » Mimi ne lâche pas le regard de son oncle pendant un moment. Elle sait que les gens n'osent pas le fixer normalement, parce qu'il a des yeux profonds qui font peur à certains. Mais elle, elle a pas peur. Parce qu'elle la voit, cette lumière qui brille au fond et ça la rassure. C'est quelque chose à quoi elle peut se raccrocher : même dans la plus grande obscurité, on peut trouver une lanterne. Et son oncle a raison : des lanternes elle en a plein. Elle peut se débarrasser du vide en mettant plein de guirlandes dedans. Elle sourit en hoche la tête «
Oui, tu as raison. Merci. Je t'aime. » Elle se penche sur lui et colle un bisou sur sa joue avant de se rasseoir devant lui pour reprendre son jeu en main. «
Tapis. » lâche t-elle. De toute façon, elle sait qu'elle a gagné. Elle a jeté un coup d’œil à son jeu après son bisou et il a rien dans son jeu. Elle a une suite. Elle sourit de nouveau : même proche du gouffre, Mimi ne perd pas le nord.
8 ans
Mimi se réveille en sursaut. Elle transpire, elle tremble, elle pleure, elle a très mal à la poitrine, comme si son cœur essayait de s'en échapper. C'est souvent comme ça quand l'un de ses parents ne dort pas à la maison : elle fait des cauchemars. Et ce soir, c'est sa maman qui manque à l'appel. Elle sort les pieds de son lit, attrape son doudou au milieu de la flopée de nounours avec lesquels elle a l'habitude de dormir et sors de sa chambre sur la pointe des pieds. Doucement, elle remonte le couloir en regardant autour d'elle pour être sûre que personne n'est caché dans une des ombres et s'arrête devant la porte de la chambre de ses parents. Elle la pousse et passe la tête à l'intérieur en reniflant «
Papa, t'es réveillé ? » Elle se rapproche du lit où elle discerne la silhouette de son père et redemande, à quelque centimètres de son visage : «
Dis papa, tu dors ? » Son père se redresse mécaniquement, poussé par son devoir parental et son besoin de protéger sa petite fille. En ouvrant difficilement les yeux, il aperçoit alors sa petite fille qu’il soulève instinctivement avant de la déposer près de lui. «
Qu’est-ce qui t’arrive, ma chérie ? » Mimi se blottit contre son père en serrant son doudou contre elle. Elle essuie son visage plein de chagrin avec la paume de sa main et réponds en hoquetant «
J'ai fait un méchant rêve... Y'avait maman et puis toi et puis une grosse falaise et une voiture qui fonçait sur vous et ça vous poussait dans la falaise et vous êtes tombés et j'ai pas pu vous rattraper... » Mimi renifle de nouveau en essuyant ses larmes et son nez contre le haut de son père. «
J'aime pas quand maman ou quand toi vous êtes pas à la maison quand il fait noir. » Niran ne peut s’empêcher de sourire légèrement en prenant la petite dans ses bras. Elle est si adorable qu’il aurait voulu qu’elle ne grandisse jamais, qu’elle reste ainsi pour toujours. «
Tu sais, c’est tout à fait normal d’avoir peur, ma puce. » déclare t-il en lui essuyant délicatement le visage, «
D’ailleurs moi aussi je n’aime pas trop ça quand ta maman n’est pas là mais on ne va pas se laisser faire par les méchants rêves, hein! » Il dépose délicatement son front contre celui de sa petite fille avant de frotter son nez contre le sien en faisant une jolie grimace. «
Ça te dirait de dormir avec moi ce soir, pour me protéger des méchants rêves? » Le visage de Mimi s'illumine d'un grand sourire, parce qu'elle adore ça dormir avec son papa. Il sent toujours bon, et puis avec lui elle a plus peur de rien parce qu'elle sait qu'il la protégera tout le temps toute sa vie. Elle fait un bisou sur son nez et s'exclame «
Ho oui je veux ! Attend je vais chercher les copains ! » Elle saute du lit et coure jusqu'à sa chambre pour prendre le plus de doudous possible avec elle et les ramener jusqu'au lit de son père en en laissant échapper quelques uns sur le chemin. Dès que toute sa marmaille est installée, elle remonte sur le lit, s'allonge à côté de son père et le serre très fort dans ses bras en fermant les yeux «
T'es le meilleur des papas. Je t'aime. »
16 ans
«
Passe une bonne nuit aussi mon Yuta. Je t'aime plus gros que l'infini ! » Mimi fait plein de bisous contre son téléphone, puis raccroche en même temps que son cousin. Elle se laisse retomber sur le matelas de son lit en soupirant, un léger sourire aux lèvres. Et là, elle est seule. Noam et Yuta pouvaient pas dormir chez elle. Son père est à l’hôtel à côté d'un tribunal pour un gros procès demain et sa mère est en mission sur le terrain. Ça va faire 2 jours qu'elle ne l'a pas vue. Mimi se tourne et se retourne dans son lit mais le sommeil ne vient pas. Seule une boule, une boule qui grandit et avale tout pointe son nez. Cette boule, elle la connaît. C'est ce que son oncle et elle appellent le vide. D'habitude ça arrive pas si vite, c'est juste quand elle se réveille, mais là, elle sait qu'elle ne va pas tarder à suffoquer et elle a réellement peur de mourir si elle s'endort comme ça. La panique la prend, elle sait pas quoi faire. Ses mains commencent à trembler violemment, la trouille lui serre le ventre. Elle se lève, ses mouvements sont saccadés quand elle veut prendre son portable pour rappeler Yuta ou Noam pour leur dire qu'il y a un problème. Trop saccadés. A peine son téléphone entre les mains, un violent tremblement la secoue de la tête au pied et son appareil se retrouve envoyé sous son lit. «
Non non non... » murmure t-elle en se mettant à plat ventre par terre pour tenter de le récupérer. Mais il est trop loin, elle ne l'atteindra jamais. Mimi se relève, Mimi pleure, Mimi est ravagée par l'angoisse. Les restes de son mascara laissent des coulées sombres sous ses yeux de petit fille qui devient adulte. Il faut qu'elle fasse quelque chose. Et là, elle se rappelle d'une soirée chez JungDae où l'un des mecs avait ramené des joints. Il lui en a donné un, elle en est sûre. Un qu'elle a jamais fumé. D'un bond, elle se jette sur sa bibliothèque et en sort son exemplaire d'Eragon. Elle a détesté ce livre, alors elle a découpé une cachette à l'intérieur, au milieu des pages pour cacher ses trésors. Et ce soir, son trésor, c'est ce joint et son briquet. Elle attrape les deux en tentant de ne pas les échapper et ouvre grand sa fenêtre en commençant déjà à faire rouler la molette du briquet pour laisser la flamme s'en échapper. A la seconde où elle apparaît, Mimi brûle le bout du pétard et en prend une grande bouffée. Immédiatement elle se sent mieux, apaisée. Son cœur se calme, le tremblement de ses mains disparaît lentement. Mais la peur est toujours présente et elle a besoin de partir. Alors elle se laisse glisser sur le sol et pleure un bon coup pour évacuer, pour que ça sorte. Elle se recroqueville en enfonçant sa tête entre ses genoux et en serrant ses jambes entre ses bras, le joint toujours coincé entre ses doigts. Le vide part. Il est remplacé par la brume. Et Mimi se jette dedans à corps perdu.
17 ans
«
Tu veux pas qu'on remette ça une dernière fois ? T'es trop jolie avec tes fleurs dans tes nattes, ça me fout tout feu tout flamme j'te jure ! » Mimi éclate de rire en reboutonnant sa chemise à col claudette et de passer son pull rose pale par dessus. Quand elle est de nouveau toute pimpante, elle se jette sur le lit et s'installe à califourchon sur le torse nu de Jungdae en lui adressant un immense sourire : «
Nan c'est tout pour aujourd'hui. Enfin pour ce midi. Mais si tu veux ce soir je laisserai une de mes nattes pendre de la fenêtre pour que tu puisses grimper et me rejoindre ! » «
Ça serait quand même dommage de t'arracher la moitié de la tignasse alors que j'ai juste à escalader la gouttière pour monter. Ou alors je me fais un grappin avec des fourchettes pliées pour me hisser jusqu'en haut ! J'ai vu ça dans un film avec Dwayne Johnson j'crois... » De nouveau, Mimi rigole et se penche pour embrasser tendrement son ami sur les lèvres. Elle aime passer du temps avec lui, parce qu'il est drôle, qu'il fait des trucs fous et ça, sans avoir besoin de se défoncer au pétard. Et puis ses baisers, ils savent retenir le vide. Elle se détache finalement de lui et fais du tamtam sur la poitrine du jeune homme avant de lui dire «
Aller lève toi les parents vont se demander ce qu'on fabrique ! Juste tu pourrais remettre mes fleurs un peu en place ? Je voudrai que ça me fasse une couronne de princesse ! » «
A vos ordres m'dame ! » Jungdae se redresse et se charge de disposer les petites pâquerettes de façon à accéder à la demande de Mimi qui dessine du bout des doigts des soleils sur ses épaules. Quand tout est en place, il plaque ses deux mains sur les joues de la jeune femme et en profite pour ramener ses lèvres aux siennes pour l'embrasser une dernière fois. «
Voilà, mant'nant, t'es une vraie princesse ! » «
Merci monsieur le prince ! » déclare Mimi en se relevant. Mais dans son mouvement, un joint s'échappe de la poche de sa jolie jupe blanche et tombe sur le matelas, à côté de Jungdae. Il connaît l'addiction de Mimi. Tous les enfants du squad sont au courant mais personne ne dit rien. Code d'honneur. Cependant, il ramasse le pétard et le regarde avant de dire d'une voix pas très sûre, parce que c'est pas son genre les leçons de morale : «
Tu sais Mimi... T'es une vraie princesse. Une vraie de vraie. Et les princesses, elles ont pas besoin de ces trucs là, tu penses pas ? » Le sourire de Mimi vacille mais ne disparaît pas. Elle baisse légèrement la tête et approuve : «
Oui, tu as probablement raison. » Elle redresse le menton et lui adresse un clin d’œil complice : «
On se retrouve à table. Je te garde une place à côté de moi : j'ai pas de royale culotte. » Et Mimi s'échappe, comme un courant d'air pour le reste du monde, comme une tempête pour Jungdae. Il se laisse retomber dans le matelas, le joint toujours à la main. Il s'inquiète pour elle. Ils s'inquiètent tous pour elle. Mais elle est hermétique à leurs avertissements. Et ça, ça le rend malade.
*
Mimi file dans le jardin, pressée de mettre de la distance entre Jungdae et elle. Elle l'aime très fort, c'est pour ça qu'elle culpabilise autant quand elle sait qu'elle n'écoutera pas ce qu'il vient de lui dire. Dans l'immédiat, elle a besoin de ses deux moitiés pour retrouver son équilibre et retourner plus sereine au repas de la « squad familia » qui l'attend dehors. Et elle sait parfaitement où trouver Yuta et Noam. D'un pas rapide, elle fonce vers la cabane dans le fond du jardin de la famille Yang mais les talons dans l'herbe, ça ne fait pas bon ménage : sans s'y attendre, Mimi dérape et se tord méchamment la cheville au passage. Elle grimace de douleur, mais poursuit sa route en boitillant légèrement. Arrivée à l'entrée de la cabane, elle jette un coup d’œil à son pied pour s'assurer qu'il n'est pas en train de gonfler et ouvre la porte sans réellement faire attention. Et lorsqu'elle relève la tête, ce qu'elle voit lui coupe littéralement le souffle. Elle a toujours dit à Yuta et Noam qu'elle les aime parce que pour elle c'est important de se le dire. Mais ça faisait longtemps qu'elle ne les avait pas entendu se le dire mutuellement. Maintenant elle a la preuve que ces deux là s'aiment toujours, mais pas de la façon qu'elle avait imaginé. C'est le moment que choisie sa cheville pour la lâcher : la douleur lui vrille toute la jambe et elle tombe les fesses par terre sans lâcher ses amis de ses yeux écarquillés par la surprise la plus totale. «
Vous... vous vous aimez ? » finit-elle par demander d'une petite voix d'enfant. C'est tellement enfantin, dit de façon tellement naïve qu'elle même se demande si elle n'est pas en plein tripe. Jungdae a peut être raison en lui conseillant d'arrêter les joints. Pourtant, au fond d'elle, elle sait pertinemment que tout cela est réel. Et elle se sent... blessée. Terriblement blessée même de voir que les deux personnes qu'elle aime le plus au monde lui aient caché quelque chose de pareil. «
L'amour ça se cache pas... Pas à ses meilleurs amis » lâche t-elle en sentant ses yeux s'embuer. Elle sait pas si c'est sa cheville qui la lance qui provoque ces larmes où la tristesse. «
Pourquoi vous m'avez rien dit ? » Elle pose la question, mais elle n'est pas sûre de vouloir connaître la réponse. Elle, elle leur dit tout, absolument tout. Même pour le vide elle leur en a touché quelques mots. Mais eux, ils lui ont caché qu'ils étaient amoureux, ils lui ont caché alors qu'elle les aurait toujours encouragés à s'aimer. Finalement, elle se relève avec difficulté en s'accrochant à la poignet de la porte et tourne les talons en murmurant un «
Pardon, je voulais... le désert il va être servi. Et j'ai pas de culotte. » Elle sait pas pourquoi elle ajoute ça. Peut être pour se prouver à elle même que oui, elle leur dit vraiment tout, même ce qu'une princesse n'est pas censée dire. L'une des pâquerettes de sa jolie couronne tombe lentement sur le sol, rapidement rejointe par quelques larmes de Mimi. Yuta, Noam et Mimi, c'était censé être pour la vie. Est ce qu'il ne veulent plus d'elle maintenant ? Est ce que c'est pour ça qu'il ne lui ont rien dit ? «
Je suis désolée, pardon. » Et sur ces mots, Mimi s'enfuit, laissant dans son sillage une nuée de pâquerettes perdues.