Dossier n°9889
Nom : Hawthorne /// Ezra
Unité : Police Judiciaire de New York
Nouvelle affectation du témoin : Séoul, Corée du Sud
Affaire affilié : Affaire RISING SUN
Policier affecté : Arthur Hawthorne, sgt chef
Piano;
Ezra n’eut pas une enfance différente des autres enfants américains. En vérité, elle fut particulièrement dépourvue d'événements marquants. Sa mère, venue d’une famille coréen immigrée depuis deux générations en Amérique, son père, quaterback de son lycée, se rencontrent à l’université, se marient, restent chastes jusqu’au mariage, et conçoivent presque immédiatement leur premier enfant, puis le deuxième quelques années après, après s’être installés dans une maison avec un jardin bien entretenu et entouré d’une clôture blanche. LE racisme normalisé, les petites brimades à l’école, car lui et son frère jumeau avaient les yeux trop bridés, se ressemblaient trop, étaient trop féminins, trop frêles, ou que sais je encore….
L’éloignement avec sa famille ne commença qu’après le lycée, bien que la sensation de ne pas être compris débuta avant, pour lui. Parce que, comprenez, un enfant comme lui n’était pas assez “normal”, assez “conforme” pour ses enfants. Il fumait, buvait, se faisait percer. Il ramenait bien trop de garçons chez eux pour que ce ne soit pas éloquent, bien qu’il n’en parla jamais avec ses parents.
Oh, de la à dire qu’ils l’avaient chassé de chez lui, n’allez pas croire une chose pareil. Ses parents, bien que trop attachés à la normalité, et au rêve américain, étaient des parents aimants, qui payèrent les frais de scolarité du meilleur conservatoire de musique de New York, ainsi qu’un appartement confortable, bien que minuscule, à Brooklyn.
Mais de là à dire qu’ils étaient malheureux de la voir partir, il n’allait pas aller jusque là.
Crescendo;
Ses années à New York furent les plus heureuses de sa vie. Enfin libre d’explorer, de vivre sa vie, il put s’affirmer et enfin s’assumer. Après tous, les gens de la vie avaient bien d’autres choses à penser pour avoir le temps de juger les choix des autres, et dieu qu’il en profita. Il fit des sorties, des rencontres, des bêtises, des bons choix… C’est avec la sensation d’avoir vécu cent vies qu’il quitta le New York Conservatory of Music avec ses premiers contacts et auditions.
Il ne prétendrait pas que se faire une place dans le milieu des arts à New York n’était pas horriblement difficile, et qu’il ne dut pas travailler un temps comme serveur dans une horrible pizzeria….mais il eut de la chance, il le savait. Rapidement repéré, il fit ses début sur Broadway en tant que doublure dans Cats! le Musical, puis en tant que membre d’un cast, et enfin en vedette.
Du jour au lendemain, partout ou il allait, les gens lui prêtaient une révérence proche du ridicule. Il voyaga aux quatres coins du monde, se rendit dans les meilleurs restaurants et les meilleurs bars de Manhattan, profitant sans honte de son succès.
Sforzando;
Il le rencontra dans l’un de ces bars.
Il se souvenait ne pas l’avoir trouvé très beau, au premier coup d’oeil. Mais il était très drôle et ne cessait de lui offrir des verres, et même à l’époque, Ezra n’était pas le genre à refuser la compagnie de quelqu’un d’agréable. Alors ils parlèrent toute la nuit, jusqu’à la fermeture du bar, puis il ramena Ezra jusque chez lui, et il ne repartit pas de l’appartement.
A vrai dire, il ne rentra jamais vraiment chez lui à partir de ce jour là.
C’était facile, de glisser lentement dans une routine de couple sans vouloir le dire. De profiter de l’instant présent, de faire l’amour et d’écouter le battement du coeur de l’autre, allongé dans le lit, de partager des brunchs, de sortir avec leurs amis et de se tenir la main dans la rue;
Trop facile, sans doute.
Il fallait bien un hic, voyez vous. Car une bonne histoire ne mérite d’être racontée que si elle a une fin tragique.
Le grand amour de Ezra, celui qui l’avait demandé en mariage, avec qui il avait décidé de finir sa vie, avait un travail bien particulier. Le jeune homme n’en savait pas grand chose, tant qu’il rentrait entier le soir, il s’en fichait bien. Il était aveuglé par son bonheur. Peut être que c’est ce qui l’empêcha de voir le sang dans l’entrée quand il rentra ce soir là. Peut être que c’est l’amour qui parvint à le sauver de connaitre le même sort que Lui, allongé sur le sol au milieu de leur salon, une balle dans la tête.
Ezra savait parfaitement ce que cela voulait dire, quand il y avait autant de sang et de cervelle sur les murs. Il avait été éxécuté.
Peut être que c’est les conseils de son fiancé qui le sauvèrent. Ou peut être son instinct naturel. Mais il se cacha dans la penderie. Sans bouger, sans crier, sans pleurer, sans respirer pendant de longues minutes. Car il le savait le meurtrier était encore dans l’appartement. Comme un monstre de son enfance, le jeune homme n’osa qu’à peine le regarder au travers du trou de la serrure… mais il se souviendrait de son visage tout au long de sa vie.
Smorzando;Il n’a pas vraiment de souvenirs de ce qu’il se passa ensuite. Il se souvint avoir marché des heures, comme un aveugle, jusqu’à l’appartement de son frère jumeau. Frère, qui par un heureux hasard, travaillait dans la police de New York.
Il parla à énormément de gens, cette nuit là. Des gens qu’il ne connaissait pas et qui lui parlaient de son fiancé comme si il l’avait mieux connu que lui. Apparemment, Il avait été infiltré dans une grande famille étroitement liée à la mafia. Sans doute tué car il avait été découvert, d’une façon comme d’une autre.
Il n’aimait pas comment ils parlaient de Lui. Comme si il avait fait une erreur. Comme si c’était sa faute.
Ils firent un portrait robot grâce à sa description, et plus vite qu’on n’aurait pu l’imaginer, il démissionnait de sa maison de disque et vendait son appartement.
Dans les films, la protection des témoins passe pour quelque chose d’important, quelque chose de très mystérieux. Mais finalement, la police se fichait bien de lui et de ce qu’il pensait. L’important étant de pouvoir faire appel à lui, s'ils finissaient par appréhender le coupable, le grand patron lui même.
La Corée du Sud fut la destination de leur choix. Ils s’occupèrent de son visa et de tous les papiers nécessaires pour les transférer, son frère et lui, vers leur nouvelle vie dans un pays inconnu.
Du jour au lendemain, pour avoir vu, Ezra perdit toute la vie qu’il s’était soigneusement construit, pour repartir à zéro dans une ville qu’il ne connaissait même pas.
Sa mère n’avait jamais parlé de Séoul. Il supposait qu’elle n’y était jamais allée. Avec le temps, la culture se perd.
…
Ezra ouvrit les yeux de la ou il s’était assis, sur le canapé en cuir de son bureau. Il se rendit compte qu’il froissait la carte de tarot dans sa main en la serrant trop fort.
Il déglutit. Il avait pleuré.
Il vérifia l’heure sur l’horloge apposée au mur. 23h30.
Dans une demie heure, une nouvelle soirée commencerait. Une nouvelle soirée à redouter, à vivre à moitié, à espérer entendre ou voir quelque chose. Pouvoir toucher du doigt une quelconque vérité et la briser dans sa main tendue.
Il avait fait une promesse, après tout.