J E A L O U S Y / elle s'est faite soleil du microcosme familial là où lui est lune parce qu'au dehors il brille si fort, au dehors elle n'a plus consistance ni parole, la volonté s'effrite sous les rayons nacrées qui se dégagent de ses paroles, regards fuyants que l'on rêve d'accrocher. Mado ignore tout ce qui est naturel, facile, humain - les mauvais jours les cauchemars envieux tournent en boucle derrière ses paupières. Elle se prend le mépris polaire et les remarques assassines mille fois à la suite et, pire, reste mille fois muette face à la porte qui claque comme une gifle. The rest is silence. Elle ne sait pas s'il a la rancœur des six mois de fuite Yuta, ou s'il lui fait payer pour toutes les années précédentes : celles où elle a transformé le home sweet home en toile d'angoisse. Regards parentaux qui la vénèrent pour l'ode au triomphe qui sonne sous chacun de ses pas - enfant modèle, couronnée de succès, meilleure des battantes - autant de palmes grisantes à agiter sous son nez. Suffisamment self-aware pour être consciente de sa pléthore de défauts fatals, elle refuse cependant de voir sa fierté comme une faille. Juste assez ambitieuse pour aspirer à conquérir, cette appétence cataclysmique s'illustre dans le besoin complètement insensé, en directe confrontation avec son naturel cartésien, de s'élever. Et à défaut de pouvoir, de continuellement chercher à s'en rapprocher. Et elle le déteste de la renvoyer sans cesse à ses plus bas réflexes, ses peurs enfantines, ses maladresses qui la ridiculisent d'avantage ; elle se déteste avec lui de n'être pas capable d'une tendresse simple et duveteuse comme leur cousine. Et elle l'aime dans sa faiblesse et ses contradictions, l'admire silencieusement, l'envie dans sa rage aphasique. Regrets pour une période plus sombre, où il avait besoin d'elle.

ET QUAND SURVIENNENT LEURS CRIS
DANS L'AIR DU TEMPS, L'ENFER SOURIT

Son météore s’arrose de liqueur et elle compte les heures, avant l’atterrissage en urgence. « Open the door it's me. It's me. » le bâillement qui s’entrouvre et laisse apercevoir l'inertie du down fracassant, ses yeux ouverts comme des billes agate noisette l’invitent à le suivre, Mado elle sait pas résister à ses réclamations, et tombe aussitôt dans le désir de réaliser pour s’assurer qu’il l'attend encore. Elle s'exécute sans plus de prolepses, valsant sur le courant d’air sa voix s’envole comme les oiseaux, elle l’écoute faire et se perdre, enviant le mistral qui lui se permet des ailleurs qu'elle ne peut qu’imaginer. Un rire fracassant qui accompagne ses hurlements, des appels à l'aide se font la malle par dizaine, « Don't be afraid. I'm here. You don't need anything else, I'm here now. » murmures suaves venant enfoncer l'évidence, qu'il touche le fond pour que mieux elle l'en relève. Juste elle. Seulement elle. Jusqu'à la prochaine euphorie qui la délaissera, le rictus s'intensifie pour celle qui effleure les bienfaits de sa misère, reconnaissant sa maladie comme salvatrice.

LOL GO TO HELL / ne reste pas, on détruit tout ce que l'on touche.  Elle l'avait pourtant prévenu Mado, d'un sourire de connivence bien trop doux pour être sincère elle lui avait soufflé les paroles de délivrance qui n'ont pas été écoutées. Mais elle a décidé de s'y risquer, séduite par sa face cachée et son aura électrique elle s'est accoquinée de Yuta, et d'elle — l'animal s'apprivoisa, trouva refuge dans un partage de façade. La cicatrice ultime offerte par son félon d'aîné arrachant à son être l'exclusivité qu'elle pensait pour une fois, rien qu'une fois, acquise et sienne. Elle s'est abîmée de cet amour pétrole. Foudroyée par sa douce qui n'avait d'yeux que pour lui. Toujours lui. Sans le vouloir, sans le savoir, elle a plongé en son sein la lame de la défection, félonies à la chaîne Mado a lâché prise, brassant l'écho de son amertume qui reste insaisissable et sourde. L'ange de son enfer est apparu en elle,

Sous le feu de la colère et lors d'une discussion houleuse l'impulsion partie d'elle-même. Chute du deuxième étage, défenestration qui la mena à faire un séjour prolongé à l'hôpital. Elle ne voulait pas réellement lui faire du mal Mado. Ou... peut-être le voulait-elle ? Elle compte sur les souvenirs flous de l'agression, mémoire manipulée, accident présumé. Certaines vérités gagnent à rester dans le noir. Yuta a colmaté, à sa place : les lèvres tremblantes, les doigts recolorés du vermillon de sa passion funèbre elle a imploré son aide - abysses fraternelles qui les rapprochent sans cesse - pour mieux le fuir par la suite. Lui. Elle. Déni salvateur la portant jusquà Tokyo. Retour meurtri, cœurs étrangers. La reconnaissance se perd dans l'oubli. Got a secret, can you keep it? Swear, this one you'll save.


NOT M E / obsession d'un moi nié, détesté, coupable. Malade d'elle-même, mal à l'aise avec les autres, Mado se voulait autre, victime de son propre rejet ah oui elle souhaitait se réinventer. Recommencer de zéro, fuite constante elle ne sait plus comment ni vraiment quand à commencer ce désamour, cet évitement de son reflet, y déceler chaque faute ; parce que c'est ce qu'elle fait de mieux la Lee - corriger les imperfections - polir jusqu'à épuisement. Peu facile d'accès mais agréable en tout point (à quel prix ?) elle a tout refait : le nez, le menton, les yeux, la bouche. Tout. Elle s'est démantelée toute entière lego de chaire, a tout changé avant son entrée en faculté.   


WHERE IS MY MIND ? / mensonge d'une beauté fabriquée, elle n'est plus qu'une identité brisée qui ne s'accepte pas plus maintenant qu'avant. Deux pôles entre lesquels l'humeur oscille. Troubles intérieurs — long périple psycho-analytique où les séances de lambinage sur les canapés de divers praticiens se sont déclinées à l'infini lymphatique depuis, le tout évidemment maintenu très hush hush, discrétion étant le maître mot. Le problème, c'est que, chez Mado, qu'elle soit maniaque ou dépressive, les indices symptomatiques restent les mêmes et révèlent du même mal-être latent. Agitation, irascibilité, anxiété, instabilité, éparpillement. La visite à son thérapeute s'effectue deux matinées par mois. Officiellement, elle suit des cours de pilate. Trop honteuse d'admettre l'erreur qui l'a mené au démantèlement d'elle-même, elle tente de se reconstruire cherchant les morceaux épars dans son dégoût.


SICK MESS / elle raffole des orages, courir en sens-inverse quand les gens vont s'abriter, nager sous la pluie, elle veut de l'électricité et des arbres fendus, elle veut crier de tous ses poumons tandis que l'averse gronde. ++ ses habitudes alimentaires sont désastreuses, elle mange - mal, trop ou trop peu - crève la dalle et se dope de café en intraveineuse à chaque rendu, chaque exam, chaque oral avant de se jeter sur la glace choco cookies la semaine suivante ++ elle chante faux mais aime à se la jouer mado-na dans sa chambre qui, un vendredi soir par mois, devient karaoké du coin ; préférablement fort dans le micro et quand Yuta est dans les parages ++ elle ne porte quasiment jamais de soutif, question de confort. Et s'épile rarement, question de flemme. Un gars lui a dit un jour qu'il préférait les filles "moins touffues" ; il s'est mangé son levé de majeur avant qu'elle ne lui balance des bandes de cire à la gueule en lui rétorquant d'aller s'arracher les poils de teub pour voir. ++ elle savoure le calme des bibliothèques et des galeries avant-gardistes plutôt que les clubs bondés, s'offre des rendez-vous à l'opéra entre elle et elle, se dort la pilule au soleil en terrasse seule en jugeant les chalands derrière sa paire de lunettes noires. ++ elle prétend avoir arrêté de fumer ((faux)) et machouille sans arrêt du bubble-gum rose, sucré, bruyant pour se le prouver, elle te l'éclatera à la tronche en bulle irritante plutôt que lever les yeux de son bouquin pour te répondre convenablement ++ gameuse pro-perfect score elle s'illustre dans des guérillas virtuelles, casse des tronches sur overwatch et lâche quelques jurons bien habiles lorsque sa manette freeze et que ses acolytes sombrent - fucking perfectionniste de la geek sphère ++ i'm fine tel un vieux disque rayé.