Naissance dans une petite ville côtière à la merci des vents. enfance heureuse dans une famille aux préceptes moroses, un père au bureau, une mère au fourneaux, et des espoirs déjà consommés par deux grands-frères. go sun n'aura que les miettes, un bon mariage, de beaux enfants, c'est tout ce qu'on attend d'elle.

mais gosun c'est pas comme ça qu'elle voit son avenir. gamine décadente, mauvaise graine comme on l'appelle en ville. elle joue comme un garçon, rêve comme une enfant et se maquille comme une femme, avec toujours l'espoir que ce rose sur ses lèvres, le professeur ne le remarquera pas. elle veut vivre mille vies en une, et les gifles, les interdits, ça fait que développer ses désirs de rébellion. en classe, elle rêve de séoul, des caméras, des rôles qu'elle veut jouer. son avenir, elle le voit au cinéma, sur les tapis aussi rouges que ses lippes.

actrice, c'est pas un métier, répète son père. puis séoul c'est trop loin, y a une très bonne université dans la ville d'à côté, à seulement une heure d'ici — très bonne, tu parles, papa il veut juste pas voir sa petite fille s'envoler trop loin de lui. puis elle a encore le temps d'y réfléchir, elle a que seize ans.

mais go sun, elle est décidée, et au terme d'une énième dispute, elle se résigne. il comprendra jamais. alors elle met les voiles. dans son sillage, un mot sur le frigo, et six billets en moins dans le porte-feuille paternel. elle monte à séoul, et quand elle reviendra, tout le monde ici vantera les mérites de l'enfant du village devenue actrice.  

c'était ça son plan. elle s'attendait pas à ce que ce soit si dur. elle l'a réalisé ce rêve, elle est actrice. mais bien en deçà de toutes ses espérances. rôles minables dans des dramas sans budget, apparition éphémère, un nom qu'on oublie dans les génériques. des lunettes de soleils qu'elle s'obstine à porter pour feindre inutilement l'anonymat, mais personne pour la reconnaitre dans la rue.

tout ça pour ça. parce que go sun, en six ans, elle a eu le temps de le comprendre, ce monde. castings à la chaine, échecs sur échecs, puis un producteur un peu plus abusif que les autres, qui voit en la gamine paumée, désespérée, une proie si simple. les déboires du milieu, elle les connait, elle les a tous vécus. gosun est devenue un morceau de chair fraiche, un corps jeté en pâture et une âme sacrifiée pour quelques secondes sur un écran, un salaire de misère.

rêve-désasatre

et pas le courage de rentrée. la faute à sa fierté, et la peur des mots qu'elle ne veut pas entendre.

on t'avait prévenue.