I. d'un petit village côtier, la belle évadée ! l’envol comme ultime recours à la vie ; fuite-liberté dont le cœur peine encore. pourtant l'enfant rayonnait à la maison... cadette de deux garçons, famille à la stricte éducation : comme sa mère on la voulait femme au foyer, de nombreux enfants et un mari pour les sustenter. pas de quoi se plaindre ((à peine de quoi rêver)).

II. l'insatiable gamine ; derrière le masque d'insolence tambourine un cœur exalté. mille passions tourbillonnent comme lave en fusion, rage de vivre qui consume son être depuis les bancs de l'école où elle brûle d'évasion. incapable de rester à la place qu'on lui astreignait, yoko a toujours voulu autre chose, aspiré à plus grand, bête fauve au dessein sibyllin. faut dire qu'elle ne s'est jamais laissée faire ! elle est farouche ((elle est fière)) et dans l’abîme de ses prunelles miroitent les enfers.

III. seize années envolées dans des songes par milliers, et jamais ne s'essouffle l'espoir que l'enfant caressait -- la capitale, caméras et projecteurs, et les rôles à incarner pour le grand écran. une vie à la audrey hepburn que lui refusent ses parents : séoul c'est trop loin, le cinéma grotesque... et pourquoi pas l'université voisine ? pour élever des enfants il ne faut pas bien plus. ah, papa ! si tu savais, ces gosses-là ! ils n'existeront jamais que dans ton esprit obtus.

IV. longtemps les cris éclatent. et si l'inflexible yoko ne peut être entendue, n'en demeure pas moins son esprit résolu : c'est seule qu'elle ira conquérir son éden ! l'ultime dissension se clôt sur des vêtements jetés au fond d'une valise, quelques billets subtilisé au portefeuille paternel, et un mot plein d'aigreur sur frigo -- la promesse de revenir ((bientôt)). car elle sera actrice, comme prévu, et eux seront fiers quoique honteux de ne pas l'avoir soutenue.

V. ah, la grande actrice ! deux ans plus tard, ce titre ; elle l'a ! ((여배우)) poignée de caractères symboliques... rôles minables dans des dramas sans budget, apparition éphémère, un nom qu'on oublie dans les génériques. mais l'orgueilleuse s'obstine à y croire, à porter ses lunettes noires, comme si la notoriété viendrait de par l'attitude, oubliant trop souvent qu'elle n'a pour toit que la carcasse d'une voiture sans papiers... et des papiers ! les siens se font vieux : anonyme à l'écran, mais aussi pour tous ceux qui ne voient aucune corée dans ses yeux.

VI. fallait-il s'y attendre ? gamine aux rêves trop grands qu'on applaudissait pour quelques jolis saynètes dont elle était autrice, productrice, réalisatrice, actrice... et si encore elle en avait eu, du talent ! tous ses efforts n'y ont rien fait : des castings à la chaîne ((trop pour les compter)) et des échecs qui ne font que s'amonceler. tout ce temps la faim qui tenaille, les nuits dans des bains publiques où plus d'une fois elle ne dormit pas -- trop peur de ce qui adviendrait de son corps juvénile si elle laissait choir l'ourlet de ses cils. là encore, l'histoire est comique ; vertu vendue trop souvent pour grappiller de maigres secondes à l'écran.

VII. car malgré son myocarde enivré au parfum d'aphrodite ce sont des hommes qui s'octroient les faveurs de yoko. parmi eux, le producteur d'un webdrama qui promettait à l'innocente tout ce dont elle rêvait. vil manipulateur s'est bien moqué d'elle ; pauvre pantin qui de ses mains sacrilèges ne retient que douleur -- des marques brouillées sur son derme pour bien d'autres blessures que les yeux ne peuvent déceler. le petit jeu se solde par une vengeance sans cœur ! une belle voiture dérobée en plus du fric dont elle l'a dépouillé, celle-là même qui lui sert de chez-soi et qu'elle conduit au défi des lois.

VIII. une fois n'est pas coutume ! ce fric, elle en a fait bon usage. la somme était suffisante pour financer une année à l'université, où elle a rejoint les rangs d'autres gamins gonflés du même espoir ambitieux : faire les têtes d'affiche, signer avec les plus grands producteurs et vivre un futur glorieux. parmi eux, elle s'accroche à l'idée ((dérisoire)) que cette brindille de talent qu'on lui jurait autrefois en sera toute façonnée, et qu'à force de s'acharner les cours viendront à payer.

IX. trois semestres passent et les ressources, fatalement, s'épuisent. les petits boulots qu'elle enchaîne jamais ne suffisent. sous l'aile d'un initié yoko prête alors ses services en tant qu'escort -- rien qui ne bouleverse ses mauvaises habitudes. mais rien n'y fait ! les revenus sont encore maigres, et sans les innombrables papiers nécessaires à constituer un dossier, impossible de réclamer la moindre bourse. dernier coup du destin : la destitution d'han eun hye et l'arrangement salvateur que lui propose le nouveau directeur. échelonnant plus que jamais les frais de scolarité, c'est tête haute qu'elle poursuit sa formation.

X. pour unique raison de se battre, cette fierté dévorante qui ne peut se défaire de la promesse faite jadis. les mots griffonnés qui se targuaient d'une célébrité prochaine sont aujourd'hui un pot-pourri de vanité qui l'enchaîne. huit ans qu'elle arpente le séoul des exilés, avec pour plus belle compagnie de pauvres hères tout autant condamnés. jolie famille de malappris, tous d'horizons disparates, qu'elle est bien heureuse de compter pour amis lorsque les reliques de son courage éclatent.