⊱ histoire

Papa est irlandais, maman Afro-américaine. A vrai dire ce n'est pas une superbe histoire d'amour. Mon père est dealer et junkie, maman consommatrice et groupie de ce beau gosse à l'accent particulier. Ils vivent dans un taudis, mais ils ont une vie ensemble. Ils n'en profitent pas vraiment, parce qu'ils sont trop défoncés pour voir le temps qui passe autour d'eux. Moi, j'arrive en cour de route, après quatre autres enfants pas forcément désiré mais bon c'est comme ça...une bouche de plus à nourrir voilà tout. Je grandis tant bien que mal dans cet univers tout particulier remplis de fumée et de petites cuillères, au milieu d'un monde où si tu es faible, tu tombes facilement. Heureusement il y a Nora. Ma grande soeur, l'ainée de la famille et certainement plus responsable que n'importe quel adulte présent dans cette "maison". Nora c'est elle qui me nourrit, qui me change, qui me borde. Oh elle fait ce qu'elle peut, elle n'a que 15 ans mais qui pourrait lui en vouloir hein ?
Papa fini par se faire chopper par la police et maman va se shooter ailleurs et ne revient pas. Une enfant pour élever trois autre enfant. Forcément il y a un moment ou ça casse. Il faut dire que notre quartier est minable et que les gangs font légion dans notre univers. Indéniablement quand la rue vous cerne vous devenez aussi la rue. Nora fut l'instigatrice du mouvement lorsqu'elle se maqua avec une des figures emblématique du gang à qui notre quartier appartenait. Petit à petit, vivre ainsi était devenu une évidence. La violence ne faisait pas tout les jours partis de notre quotidien, mais elle venait souvent frapper à notre porte. Dix ans me séparaient de mon ainée et lorsque j'atteignis l'âge de 15 ans, elle se prit une balle dans la tête, juste devant notre maison en représailles d'un gang adverse.
Je sombre et la violence s'impose à moi. Je magouille, je casse parfois une rotule ou deux, j'ai un flingue bien sûr. Je vole aussi et je fais régner la loi de mes "supérieurs". Je vis dans un monde qui me parait affreux. Le seul que je connaisse en fait. A 16 ans, je me fais chopper pour vol à main armée. Disons que je m'en sors bien, je suis mineur, personne n'a été blessé, j'écope d'une année en centre pénitencier pour mineur. A dire vrai c'est ça qui m'a sauvé. Avec le recul je sais que si je ne m'étais jamais fait arrêté j'aurai fini comme ma soeur : au fond d'une housse noire. En "prison" j'ai pu avoir une éducation scolaire et assister à des ateliers de mon choix. La danse fut une révélation pour moi. Petit à petit, loin de la violence et de la rue, je me reconstruisais, je grandissais, j'étais libre d'être un enfant encore un peu.
Je craignais de sortir et de rebasculer, mais je fus bien accompagné et cadré par la suite. Je trouvai un petit travail étonnamment vite après ma sortie grâce au groupe de soutien aux jeunes délinquants. Je me refis une place ailleurs, dans une autre ville, loin de mes démons. Deux ans plus tard, j'étais un jeune homme tout à fait différent. J'économisai pour partir, voyager, m'évader maintenant que le monde s'ouvrait à moi. Finalement ce fut autre chose qui me retint un moment : un bébé. Ma petite copine de l'époque était enceinte et même si nous n'étions plus ensemble, clairement je ne comptai pas me dérober. Là encore ce fut une toute nouvelle vie, un nouveau sens pour moi qui voulait tellement devenir meilleur pour ce petit être.
Je l'avais une semaine sur deux, je n'en demandais pas trop, je n'avais clairement pas la situation financière des parents de mon ex et je voulais que ma fille ait les meilleures chances, une vie bien mieux que celle que j'avais eu.
L'année des quatre ans d'Alexis, "mon ex belle famille" déménagea en Corée pour le boulot et bien entendu je suivi le mouvement. Moi qui voulait voir le monde, j'allais maintenant vivre à l'autre bout du monde. Je finis par aimer ma vie en Asie, là bas je n'avais pas mon passé comme bagage et je repris mes études, choisissant la danse comme module principal, en parallèle d'un boulot de nuit qui me permettait de payer mes factures et d'avoir un toit sur la tête. J'ai toujours ma Lex une semaine sur deux et elle est belle, terriblement intelligente. C'est la plus belle chose que j'ai fait de toute ma vie. On s'amuse souvent ensemble et je l'entraine à la danse, une passion qu'on partage tout les deux.