Sooli a clairement abandonné la natation, et pour couronner le tout, elle s'est fait chouraver son pince-nez (non, c'est pas rien, ça coûte des petites fortunes ces merdes, et elle en sait quelque chose). De là à dire que choper des mycoses au pied aurait été moins pire, le pas est petit... infime, même.
Alors disons que ses pronostics sont faits : plus elle pense craindre dans la discipline, plus elle se surprend avec des coups de génie. Et plus elle est confiante, plus elle se rétame comme le lapin qu'elle avait un jour lancé du sixième étage de son im... souvenir atroce et sanglant, passons.
Pour vous la faire courte, le foot, elle connaît pas les règles. Elle a vu tous les match de tous les tournois du monde avec sa mère, mais c'était juste pour manger des glaces, et pas réellement pour comprendre ce qui justifiait la pénalité que le public (et sa mère en direct du canapé) sifflait. Oui, Neymar la fait bizarrement s'intéresser aux rencontre du Brésil, mais tout le monde est pareil alors ne faites pas semblant, votre conscience vous a à l’œil.
Donc en bref et sans transition, le foot, ça va être détente, "je force pas trop le talent", parce que forcer l'inexistant c'est comme se soûler à la bière : NUL. (et accessoirement inutile)
Piano, piano, piano, pia...
A moins qu'elle tombe dans l'équipe des hyperactifs.
Ce qui manque pas.
De ce qu'on lui a murmuré et de ce qu'elle a pu observer, elle va jouer avec trois gamins de 3 ans,  4 ans, et 4 ans trois quarts de huitièmes de tiers, ainsi qu'avec une nympho.
Charmant.
Intéressant.
Excitant.
Et elle retrouve son petit squish du moment, Han cutest cute baby cake ever Ja.
Cool.
Le match a pas commencé qu'elle est déjà lancée dans une interprétation très personnelle de Cheer Up des Twice, parce qu'elle va priver le public d'une démonstration de ses aptitudes en danse.
Et quand la vraie musique (pas celle dans sa tête) démarre, sur un bon vieux son des H.O.T, ne cherchez même plus à la rattraper, elle est dans une autre galaxie (où ses mouvements d'épaule sont appréciés à leur juste valeur).
Elle fait des petites passes à Hanja, duo deux-deux dans le plus pur style éveil aux jeux de balles pour les enfants de moins de dix-huit mois, et le bougre marque.
C'est inespéré.
« Popopoooo, du bruit pour Hanjaaaaaaaa !  »
Le foot ça l'a jamais passionnée, mais les fanchants c'est sa religion. Dommage que y ait pas des pompom girls sympas, sinon Sooli les aurait harcelées pour une place dans la team cheerleading.
Le jeu continue, et Sooli y prend ses petites marques, elle aide principalement son équipe, mais elle crache pas sur les occasions de briller en solo qu'elle a.
Ou du moins, qu'elle attend.
Jusqu'à ce qu'elle se retrouve avec la balle entre les pieds, pas trop loin des cages, avec un petit élan de folie qui la fait tirer.

Le football.
Encore un sport qui n'enchantait pas gravement Julian, mais il avait quand même l'assurance de ne pas être super super mauvais non plus. Son adolescence avait été bercée par de grandes parties de ballon avec ses deux potes du cosmos infini. Ce n'était pas non plus une révélation, mais garçon oblige, ils avaient du s'y mettre à un moment ou à un autre de leur vie de petites canailles. Et il se souvenait surtout d'une fois où ils étaient très jeunes, d'un mouvement imprévisible qui avait envoyé Ja au tapis et l'avait fait salement saigner de son pauvre nez. C'était l'époque où son accent coréen était à couper au couteau, mais ça n'avait pas empêché Julian de se marrer avec son pote Dakhodak.

Alors là, planté sur le gazon, le sifflet retentit et le retira de sa pensée qui lui avait tiré un sourire moqueur jusqu'aux oreilles. Et son regard glissa jusqu'à son meilleur pote. Son meilleur pote qui portait un brassard vert.
Vert.
Vert?
Julian grimaçait alors que les joueurs commençaient à s’élancer comme des fusées. Pourquoi le brassard du Loup était-il blanc, et pas vert? Comment se peut-il qu'ils ne soient pas dans la même équipe?
Un coup d'épaule de la part d'un joueur trop pressé, et il se faisait une nouvelle fois réveiller. Pas question de laisser la victoire à son copain, même si c'était lui!

La partie avait déjà commencé sur les chapeaux de roue puisque Julian n'avait eu le temps ni d'apprécier le but de son meilleur pote, ni celui de sa coéquipière Ahreum, ni de rager contre Sooli qui avait donné un point à l'équipe verte.
Il fallait qu'il se réveille, le Loup.
Alors, il attrapa le ballon qui fonçait droit vers l'extérieur, de quelqu'un qui ne savait probablement pas viser. Un petit demi-tour bien maîtrisé et il se retrouvait assez vite à proximité de la cage des verts. Pas le temps de réfléchir. Ni une, ni deux, Julian tapait aussitôt entre les deux poteaux en espérant que sa visée soit juste.

Ça rentre ?
Quand même pas ?
Si ?
« Et c'est le buuuut !  » (ouais, à défaut d'être au cœur d'un stade avec des supporters en délire qui font la vague, Sooli se permet au moins de s'auto-féliciter)
Le goal de l'équipe adverse a des compétences désastreuses. Il est urgent de le remplacer. Laisser marquer Hanja ou Sooli, c'est la honte, mais laisser marquer Hanja et Sooli, c'est carrément inquiétant. Il faut au moins avoir un énorme problème de coordination, qui relève de la pathologie grave. Limite, il est en droit de demander la carte handicapée pour griller toute la queue à l'épicerie.
Mais c'est certainement pas Sooli qui soufflera l'idée de changer de gardien. C'est pas sport, certes, et alors ? Ça l'arrange bien. Généralement, quand y a des failles, elle essaye de les colmater, mais dans certains contextes précis, elle les exploite et couille le système. Le foot fait partie de cette catégorie de situations. Alors elle va se taire et tirer profit des talents du goal blanc.
Son jeu est toujours aussi désynchronisé, maladroit et grossier, mais elle se dit que c'est pas ça qui va empêcher la balle de rouler entre les jambes du pauvre gardien.
Et c'est ainsi qu'elle se retrouve à nouveau devant les cages, totalement décomplexée après avoir vu Julian se foirer. Elle a exactement 1,12 seconde pour tirer, avant qu'un adversaire en colère lui foute un croche-patte (et rêvez même pas, l'arbitre est pas assez honnête et impliqué pour en avoir quelque chose à battre).

« Woaaaahh, pour de vrai ? Avoue-moi tout, tu es une star mondiale du foot, H-wan-g-ya~ »
C'est cette phrase qui rappelle à Sooli que, coucou, elle vient juste de marquer. Une seconde fois.
C'est impossible.
Sur le coup de la surprise, elle tombe à genoux, les mains en l'air, salutation au soleil avortée qui mute en danse psychédélique des bras-nouilles.
Son rituel chamanique évolue en un charmant chant d'accouplement suraigu, tandis qu'elle effectue un tour de terrain en courant, pour se remettre de ses émotions, juste après avoir répondu au clin d'oeil d'Hanja par un petit tango des sourcils.
Elle retourne à son point de départ au moment pile où l'autre gnome marque un nouveau but.
Et elle tombe à terre, mais même plus à genoux ; elle s'affale au sol, elle en peut plus.
4 à 1.
4 à 1 grâce à Sooli et Hanja.
Il faut trouver la grosse bande blanche avec écrit la description de ce meme grandeur nature d'urgence, sinon ils vont commencer à croire qu'ils ont du talent.
Elle arrive pas à se relever.
4 à 1, putain.
Mais que fait la police ?
Où se cache le superjusticier du foot ?
En vrai, pour que les deux lutins réussissent rien qu'à arriver jusqu'aux cages, il faut au moins que la totalité de l'équipe adverse soit en train de se toucher.
Pour être très honnête, Hanja et Sooli dans une équipe de football, ça se rapproche d'un clip des Crayon Pop sur l'échelle de la crédibilité. Hanja et Sooli dans une équipe de babyfoot, à la limite, ça peut se discuter, mais, clairement, leurs buts c'est une atteinte à la dignité du sport.
« Changez de guardien, c'est de l'abus, » crie Sooli à bout de souffle.
Elle se relève avec difficulté, tordue par le rire, et court jusqu'à Hanja en lui tendant la main : « Allez, check-moi ça Ronaldo ! »

Ils sont en route pour la victoire et le doute n'est même plus permis. L'ambiance est la même que pendant le match Allemagne-Brésil (oui, ce match-là) : tout le monde est choqué, tout le monde pleure de rire, et tout le monde en veut plus. Sooli, en tout cas.

Sooli Ribéry, Sooli Messi, voilà enfin des surnoms à sa hauteur. Au prochain but qu'elle marque, elle va se mettre à parler argentin.

Mais le tir d'Ah Reum qui se prend un violent stop lui rappelle que le score burlesque qui est affiché n'a été rendu possible que grâce aux gardiens. Les verts ont le goal en or, les blancs ont le goal en mousse.

A côté de ça, le duo Sooja est quand même indéniablement en train de réécrire l'histoire des sports universitaires en Corée. Sans aucune exagération.
Honnêtement, entre Sooli Parker qui se découvre un talent pour le basket, Sooli des bois qui s'avère pas mauvais du tout avec un arc dans les mains, Hanja dauphin qui a quasiment été le seul à pas foirer son plongeon (même si la perte de son quatre-heures ne lui permettra pas de garder un souvenir positif de cette journée), et leur doublé réciproque au foot, ils sont plus qu'à quelques mini pas de la gloire.

« Par ici, Ibra Hanja, » qu'elle hurle, parce qu'elle est trop bien démarquée présentement (une histoire de hérissons et de crise de panique d'une des joueuses, rien de trop palpitant en somme).

Elle chope la balle d'on ne sait où, et tire avec le même manque de précision qui a très bien fait ses preuves jusqu'ici.

Ils étaient au fond du gouffre, les blancs.
Alors, une certaine déception se lisait sur le visage du Loup qui se plissait en d'affreuses grimaces. Pas question de perdre, pas le football. La chance —ou plutôt les probabilités, d'un point de vue de scientifique ou d'optimiste qu'il était— ne lui souriait guère pour les épreuves de sport de cette année, et c'était pas de veine. Malgré tout, il ne se laissait pas abattre.
Un regain soudain de détermination le fit repartir de plus belle. De l'autre bout du terrain, il avait vu son pote Ja marquer le dernier but et élever le score à 4 - 1. Lui et sa collègue Sooli fonçaient comme des fusées d'un bout à l'autre du stade, et comme Julian et Ahreum, ils semblaient bien être les seuls motivés de leurs épiques respectives.
Entre temps, Ahreum avait tenté de marquer, mais les éléments ne jouaient pas non plus en sa faveur. Un bien triste écart à rattraper au plus vite.

La balle fut finalement rejouée lorsque Sooli échoua à sa tentative. Julian sauta sur l'occasion pour récupérer ce ballon qui roulait comme un soleil.
Et il était bien déterminé, cette fois.
Il l'avait toujours été en vérité, mais là plus encore.

En un claquement de doigt, comme abandonné par la maladresse dont il avait fait preuve au basket, il avait taillé jusqu'à l'autre cage, évitant les défenseurs et jouant de petites passes avec les coéquipiers encore sur le terrain. Puis la balle lui revenait, et sans trop réfléchir, il tirait immédiatement entre les deux poteaux en laissant échapper un cri titanesque. Un truc digne d'un film d'arts martiaux. Il paraît que ça décuple la force de frappe.

Il croisait les doigts.
A défaut de savoir croiser ses lacets.