Oyez, oyez.
Sooli est dans le thème. Sooli a compris le thème. Sooli a toléré le thème.
Certes, elle était un peu ric-rac au niveau budget, alors elle a juste pris une robe blanche qu'elle a arrosée de faux sang avec sa brosse à dents, et un des masques de sa mère (certains ont des voitures de fonction, d'autres des masques ; chacun son métier, chacun ses privilèges), mais l'effort est notable.
Après, pour la partie masquée du bal, Sooli est pas trop aidée. Vous prenez la barre symbolique du mètre cinquante, vous voyez qui est en-dessous, vous repérez la chevelure bleue et vous avez déniché Sooli. Si vous voulez vraiment vous assurer que c'est bien elle, commencez à entonner l'opening de My Little Pony, la BO de Pokémon ou un petit standard du rap, et si elle se retourne, c'est définitivement elle.
Mais malgré tout, Sooli est pas spécialement contente. Elle a toujours pas oublié que le dernier événement scolaire s'est soldé par la perte de son sac de couchage fétiche. Si elle revoit le clampin avec un oreiller à la place du visage, elle va se battre. Et pour l'occasion, elle a enfilé ses talons brise-couilles. Que les voleurs de sacs de couchage se tiennent tranquilles.

Elle rentre dans la salle. C'est bien décoré. Les Firestone ont beaucoup de goût. C'est d'ailleurs exactement pour ça que Sooli est pas une Firestone.
Ça s'agite un peu. Les gens ont leur cavalier.
Ah oui. C'est vrai.
Sooli est seule.
Mais pourquoi personne l'a invitée, aussi, d'abord ?
Ah oui. C'est vrai.
S. O. O. L. I.
Et bah tant pis, tout le monde rate quelque chose, parce qu'elle danse bien.
Ah non. C'est vrai.
Flûte.
Repli stratégique vers le buffet.
Mais où est le buffet ? Pourquoi elle voit qu'un comptoir ? Elle va pas payer, quand même. Elle a soif.
Elle se poste en embuscade. Mais dis donc, ce serait pas Ja ? Avec des gens qu'elle connaît aussi ? Genre Julian. Le traître (c'était ma dernière). Et une fille qu'elle est sûre d'avoir déjà vue.
Ils papotent, ils rient, ils flirtent, ils vont pécho (peut-être) et surtout, ils boivent.
Elle attend l'occasion favorable. Puis soudainement, Han Ja se lance dans une grande tirade, sur la voix du téléphone de la mademoiselle de la sécurité avec un prénom malintentionné. Sooli roule des yeux. Elle veut pas s'immiscer, elle veut juste boire. Alors elle se faufile derrière le petit Starchild, derrière le petit président, et elle attend qu'il commande deux grands diabolos pour ses deux grands compères (c'est important de remuer le couteau dans la plaie à la soirée Halloween). Si elle avait su que Han Ja offrait des diabolos comme ça, elle aurait été lui parler, mais maintenant c'est trop tard. D'ailleurs, est-ce que ça coûte vraiment de l'argent ces diabolos ? Pourquoi elle réfléchit jamais ? Bon. C'est trop tard.
Elle saisit le diabolo de Ja et le descend d'une traite. Alors peut-être qu'il ne l'a pas remarquée, parce qu'elle est derrière lui, mais ses deux potes la regardent sans doute mal. Le mètre cinquante (en talons), certes, mais les cheveux bleus et une seule moitié du visage maquillé, aussi. Elle passe pas inaperçue.
Elle repose le verre devant Ja, et tourne le dos à leur petite scène, et puis elle fait genre elle attend des amis.
Haha.

niquez vos races

jack frost bébé - il lui avait fallu trois cafés pour se motiver à lever son royal cul du siège, de sortir de l'atelier et d'affronter la population – il était pas prêt à vivre ce soir boo, parce qu'halloween c'est un mauvais jour, c'est celui où tous les morts ils reviennent et c'est pas pour faire du bien aux vivants. Si y a bien un truc auquel il croit, c'est ça ; et ce qui lui fout le plus les boules ce soir, c'est qu'il a pas de porte de secours, s'il arrive pas à serrer. Sa porte de secours, celle qui commence par un J et finit par ulian, elle est fermée jusqu'à nouvel ordre.
En gros, c'était boo et booboo en tête à tête, et ça il kiffe pas, le cochon. Si l'affaire des entreprises de kleenex allait prendre son pied, c'est pas son cas.

Aller à cette soirée tout seul, c'est comme baiser sans lubrifiant : ça passe ou ça casse, mais dans tous les cas y a des grandes chances que ça déchire et que ça se passe mal. Pourtant il y va parce qu'il a rien de mieux à faire, et dit comme ça c'est super triste donc il lui faut pas longtemps pour se jeter sur le buffet – la nourriture et l'alcool, c'est la biafine qu'on utilise contre le coup de soleil qu'est son fœtus de dépression.
Alors il se goinfre et il boit comme un trou, parce que vaut mieux prévenir que guérir ; et dire que boo a l'alcool heureux, c'est un euphémisme digne de celui qui réduit l'invasion de la pologne à une petite anecdote.

Mais même ça ça se passe mal, quand il se décale du buffet armé d'une assiette de snacks et d'un verre d'un cocktail de nature proprement inconnue – parce qu'il rentre dans dieu sait qui et il a même pas la foi de s'excuser, la bouche pleine d'un mélange gluant entre le junkfood et la boisson. Fallait bien entendu que ça soit un de ses rares clients, complètement déchiré, qui s'accroche à lui avec la force d'un titan colossal et le rire d'un chômeur de quarante-six ans assis au fond d'son canapé. Alors boo avale. « yuta puta- » la parole coupée pour que cet enfoiré lui demande carrément de lui réserver une place pour le samedi, comme s'il était là pour prendre des rendez-vous.

« t'as cru j'allais m'en souv- » c'est là que y en a un deuxième qui s'pointe, et cette fois c'est namwoo, histoire d'enfoncer boo dans ses fonctions de perceur. Il fourre une poignée de nourriture dans son gosier en les insultant mentalement, trop victimisé à son goût. « jsuis pas là pour prendre vos rendez-vous bande de fils de putes. » c'est dit sur le ton de la discussion, entre deux gorgées – et la tension entre les deux lui passe au-dessus quand il comprend un truc, pose ses affaires et glisse ses bras autour des cous des deux bouffons, un large sourire demeuré sur la gueule.
« vous m'proposez un plan à trois samedi là, non ? »

jpez dans lgame:

Costume noir serré, chaussures cirées de la même couleur et bonne grosse tête de citrouille au sourire insondable, le voilà qui accourt narquoisement parmi le rassemblement de noctambules masqués, sa voix indéchiffrable et dissimulée par les barrières de son énorme tête flamboyante s'attelant à attirer l'attention de tout le monde. « Les secrets de Monsieur Citrouille sont toujours les meilleurs... Pour vous faire peur ! Il paraît que les videurs de la soirée ont tous été déguisés en détraqueurs ce soir, et qu'ils soufflent même au visage des gens qui entrent une haleine aussi fétide que gelée... Effrayant, effrayant ! » Et dans un ricanement farceur, Monsieur Citrouille disparaît.

Monsieur Citrouille est fâché. Personne ne l'a remarqué et il déteste rater son entrée. Ainsi les lumières s'éteignent alors que les conversations sont toutes animées et un podium de squelettes s'éclaire. Personne ne se soucie de vous, mais vous devez vous soucier de lui. Attention, âmes égarées, vous êtes sur son échiquier, il vous est conseillé de ne pas l'ignorer. « Le Punch est servi dans des crânes humains plutôt… réalistes. C’est à se demander si la faculté de médecine n’a pas écoulé son stock de cadavre dans la préparation du buffet… Un peu de rosbeef ? » Assis sur son trône d'os, le voilà qui sirote son crâne craquelé, laissant un liquide bleuté couler le long de son bras. Goûtez. Buvez. Festoyez. Et soyez attentif ; Monsieur Citrouille déteste parler seul dans le vide.